Depuis 2007-2008, les régulateurs tentent de mettre en place des dispositifs pour assurer une plus grande sécurité du système bancaire tout en préservant le financement de l'économie. En Europe, les banques assurent environ 70 % du financement de l'économie, contre 30 % aux États-Unis, le reste étant couvert par les marchés de capitaux. Je vous renvoie à l'interview de Jean Lemierre, président de BNP Paribas, dans le Financial Times de lundi. Les travaux de la nouvelle Commission européenne se concentrent sur l'union des marchés de capitaux. Les organes de régulation, avec Bâle III, imposent aux banques, par le traitement de leurs actifs pondérés et par des coussins, des niveaux de capital plus importants. Résultat, les revenus bancaires en Europe sont désormais peu ou prou au même niveau qu'en 2007-2008, avec des capitaux qui ont doublé, et un niveau de retour sur fonds propres divisé par deux. Le monde bancaire est plus solide. Grâce à leur modèle historique diversifié de banques universelles et à un régulateur rigoureux, les banques françaises ont surmonté la crise sans rien coûter au contribuable et remboursé avec intérêts les prêts d'urgence accordés par l'État et par la BCE.
Malgré ce qu'en disent les journalistes, la loi de séparation bancaire ne se réduit pas à la ségrégation de certaines activités dans une filiale dédiée. Elle organise la tenue du marché (ou market making), c'est-à-dire l'obligation pour les banques d'entretenir des stocks d'inventaires pour faire tampon entre émetteurs et acheteurs de titres, ces investisseurs institutionnels sans lesquels il n'y aurait pas de marché. Plus important encore, elle met en place un contrôle granulaire, sous l'égide du régulateur, des activités de marché non ségréguées, en encadrant d'une part les produits dérivés, c'est-à-dire les activités servant à couvrir les risques de taux, de change, de crédit ou de matières premières - ce qu'on appelle le hedging - et d'autre part les activités de market making.
Dans un second volet, la loi prévoit de ségréguer les activités « pour compte propre », qui sont sans lien direct avec les clients et correspondent à la constitution de positions directionnelles ou d'arbitrage. Pour BNP Paribas, cela représente sept activités, dont deux ont été arrêtées, car les niveaux de fonds propres et les contraintes de liquidités liées à la nouvelle réglementation ne les rendaient plus rentables. Quant au reste - positions sur actions à l'achat et à la vente, risques d'arbitrage, arbitrages d'obligations convertibles, trading quantitatif, arbitrage de produits dérivés sur indices, actions ou ETFs (Exchanged Trading Funds), positions directionnelles sur les marchés de changes et de taux - tout sera regroupé dans une filiale d'ici la fin juin. Un dossier préliminaire a été déposé auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) au dernier trimestre 2014, et le dossier définitif est en cours de validation. Ces activités représentent environ 100 millions d'euros de revenus, qui peuvent être assez erratiques compte tenu de la volatilité des marchés sous-jacents, soit un peu moins de 2 % des activités de la banque de financement et d'investissement (BFI) de BNP Paribas. Ces chiffres sont proches de ceux que vous avait donnés Didier Valet, directeur de la BFI de la Société générale, lors de son audition en 2013. Contrairement aux banques anglo-saxonnes, les banques françaises ont un volume assez faible d'activités dites pour compte propre. Ces positions dites spéculatives seront filialisées à compter du 1er juillet. Quant aux coûts de mise en oeuvre de la loi, ils sont essentiellement liés à l'individualisation des systèmes qu'implique la mise en place d'une filiale. Pour le reste, la direction financière du groupe établira le calcul des ratios, la comptabilité de la filiale dédiée, et le reporting auprès du régulateur.