Le sous-jacent des remarques du rapporteur général me dérange. Il ne faut pas avoir la mémoire courte : la crise de la zone euro vient du fait que nous avons dû sauver nos banques. Certes, sans risque, pas de croissance. Mais il faut fixer le niveau de risque acceptable, prévoir la façon dont les banques le gèrent et donner une mission claire à nos régulateurs. Après trente ans de dérégulation bancaire, cela répond à un besoin évident. Il ne faut pas pour autant sur-réguler, comme ont tendance à le faire les décideurs politiques - ce qui est normal, quand on a consacré 13 % du PIB européen à sauver le système bancaire. En août 2011, les marchés sont en feu, la dette des pays périphériques s'envole, toutes les banques, y compris les nôtres, sont attaquées. En septembre, nous passons à un doigt de l'explosion de la zone euro et sommes obligés de recapitaliser les banques pour 200 milliards d'euros. Un pays comme la France n'est pas un back-stop crédible de ses banques : son PIB est inférieur au bilan de BNP Paribas, à peine supérieur à ceux de la Société générale et du Crédit agricole. Si nous avons une crise systémique en France, nous sautons - et nous ne sommes pas les plus mal lotis dans la zone euro !
Digne représentant d'une banque too big to fail, Alain Papiasse a expliqué toutes les catastrophes qui se produiraient si la BNP ne pouvait plus faire ce qu'elle fait aujourd'hui. C'est pourquoi ces banques ont une responsabilité particulière et qu'il nous faut vérifier qu'elles sont plutôt plus prudentes que les autres. Une petite banque peut prendre beaucoup de risques ; au pire, elle tombe, on la met en faillite. Si elle est un peu plus grosse, on la résout : on migre ou on rembourse les clients, on crée une bad bank et on liquide. Pour la BNP ou le Crédit agricole, nous ne savons pas faire.
J'ai du mal à croire que la BNP cesserait d'être compétitive si elle était filialisée et laisserait tous ses marchés aux Américains... Sans le subventionnement croisé des déposants belges et français, la BNP ne pourrait plus soutenir une activité de marché compétitive ? Dans ce cas, cela conduirait à une concentration en Europe. En tout état de cause, nous ne proposons pas la filialisation automatique.
Notre projet n'a pas changé, Monsieur Yung : il a toujours eu un article 10 qui définit des zones de risques, il a toujours été fondé sur l'autodiscipline. Le Royaume-Uni a fait par la loi, de façon structurelle et permanente ce que nous laissons au régulateur la possibilité de faire s'il le juge utile. Michel Barnier ne souhaitait pas obliger un État qui est allé plus loin à revenir en arrière. Les banques anglaises pleurnichent, c'est sûr : initialement, elles pensaient pouvoir s'arranger dans la mise en oeuvre. Or les pouvoirs publics britanniques ont une approche très différente de la nôtre : plus mous pour la régulation des marchés - pas question de toucher aux hedge funds et aux asset managers - mais plus durs pour les banques. Pourquoi ? Leur système bancaire s'est écroulé ; ils sur-réagissent en serrant les boulons. Très bien. Comme la philosophie était la même et compte tenu de la capacité des Anglais à nouer des alliances, Michel Barnier a préféré ne pas prendre le risque de faire échouer le texte. Les Allemands soutiennent assez mollement le texte. Lorsqu'un point leur tient à coeur, comme les systèmes de résolution unique, ils savent me joindre au téléphone à toute heure ! Là, rien. Cela s'explique très bien : ils considèrent que leur seule banque universelle, la Deutsche, n'est pas allemande et ne défendent pas ses intérêts. Ce qui pèse politiquement en Allemagne, ce sont les petites banques, dont beaucoup sont publiques.