Les normes ne doivent pas perturber le fonctionnement économique. Il est possible d'assurer une raisonnable neutralité si la normalisation se rapproche le plus possible de la réalité économique et traduit les transactions sans influencer les décisions des entrepreneurs. La norme peut-elle aller à l'encontre de l'intérêt économique général ? C'est arrivé en 2008 lorsque la valorisation à la juste valeur n'appréhendait plus la réalité d'un marché qui n'était plus liquide. Les normes ont alors eu un effet pro-cyclique. Elles ont amplifié le problème. Veillons à ce que cela ne se reproduise plus. Les normes peuvent-elles devenir anti-cycliques ? Il convient de construire une zone de prudence pendant les périodes fastes pour faire face aux périodes plus difficiles.
S'agissant des IFRS applicables aux PME, il faut être prudent : ces normes sont complexes et, pour l'essentiel, produites en anglais. À mon sens, il serait prudent de ne pas ajouter trop de contraintes aux petites entreprises, notamment les micro-entreprises. Cela dit, de façon générale, je ne crois pas que les normes comptables constituent un facteur décisif dans la décision d'investir. En revanche, nous pourrions nous inspirer de certains éléments des IFRS pour mettre en place un référentiel français.
Je souscris naturellement à la conclusion d'Albéric de Montgolfier. Mon expérience internationale constitue selon moi un atout.
La création de normes par un organisme privé pose une question de souveraineté. De nombreux pays d'Europe continentale ne sont pas à l'aise avec ce modèle anglo-saxon. En 2002, au moment de l'adoption des IFRS par l'Union européenne, il a été dit qu'elles donneraient lieu à une homologation. Le débat s'est donc déplacé : faut-il homologuer en bloc ou au cas par cas ? À mes yeux, il est essentiel d'avoir une relation de confiance avec l'IASB et de travailler le plus en amont possible. Il est très délicat de remettre en cause après coup des textes qui ont donné lieu à de longs débats techniques et dont chaque terme a été pesé au trébuchet. Il faut participer à leur élaboration, c'est ce que j'appelle la co-construction. C'est un processus qui prend du temps. Il faut se rappeler qu'en 2002, l'Union européenne a choisi les IFRS pour éviter de se voir imposer les normes américaines, c'est-à-dire les normes nationales d'un autre pays. La Chine et l'Inde, notamment, ont le même souci que nous. Les normes anglo-saxonnes sont éminemment respectables mais ne sont pas nécessairement bonnes pour tous. Pour améliorer les IFRS, il faut partir du schéma conceptuel, replacer la mairie au centre du village, c'est-à-dire se poser la question de l'usage de l'information financière.