Le Parlement a la main en matière fiscale. Les règles comptables peuvent modifier l'assiette fiscale, mais seulement jusqu'à un certain point. Il existe 170 points de différences entre le résultat comptable et le résultat taxable et je ne suis pas partisan d'accroitre ces écarts. Certains pays ont fait le choix d'une déconnection totale mais cela ne correspond pas à notre tradition. La direction de la législation fiscale au ministère des finances participe aux travaux de l'ANC. Le dialogue est permanent. L'impact fiscal de toute nouvelle norme comptable est mesuré, ce qui est important pour éviter le dévoiement des principes fondamentaux de notre fiscalité.
Je partage votre diagnostic sur les effets des IFRS. Je crois beaucoup à la réflexion conceptuelle. La partie du compte de résultat évaluée aux valeurs de marché a été progressivement étendue mais les normalisateurs ont pris conscience qu'il était impossible de la généraliser. Nous revenons vers quelque chose de plus mesuré.
Je suis favorable à un dialogue renforcé avec le législateur. La matière comptable, qui est complexe, ne doit pas être enfermée dans un ghetto technique. J'ai lu qu'elle devenait « l'apanage d'organisations technico-rationnelles » : cela n'est pas souhaitable.
La complexité provient parfois moins des normes comptables que des transactions et opérations à enregistrer. La comptabilité est l'algèbre du droit et doit demeurer lisible. Elle a pour objet de transcrire la réalité économique. Simplifions les transactions.
Je ne suis pas un spécialiste de la comptabilité publique à ce stade mais je sais que le CNOCP présidé par Michel Prada comprend trois membres issus de l'ANC. Je crois qu'ils n'ont pu participer aux derniers travaux compte tenu de la vacance de la présidence de l'agence mais je veillerai dans l'avenir à assurer les liaisons nécessaires.
On a dit que le scandale Enron n'aurait pu exister sous l'empire des IFRS car le système européen se réfère à des principes qui pallient l'absence de normes, ce qui n'est pas le cas du système comptable américain. Aux États-Unis, quand il n'y a pas de règle, la liberté est totale ! Un journaliste, auteur d'un ouvrage sur le scandale Enron, m'a aussi écrit qu'il n'aurait pas eu de sujet de livre si Mazars avait été l'auditeur de l'entreprise... Les certificateurs ont un rôle fondamental. J'ai participé avec passion au débat européen sur la réforme de l'audit initiée par l'ancien commissaire européen Michel Barnier. Un certain nombre de concepts français tels que le co-commissariat aux comptes, qui assure une grande fiabilité, ont trouvé droit de cité au niveau européen, ce qui n'était pas gagné d'avance. Ce n'est pas tout à fait ce que nous voulions, mais certaines spécificités nationales françaises qui fonctionnent bien sont reprises au niveau international. C'est déjà un motif de satisfaction !