Intervention de Alain Bertrand

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur les concessions autoroutières

Photo de Alain BertrandAlain Bertrand :

Si, c’est galant, car j’ai bien dit que notre collègue s’exprimait avec talent !

De nombreux rapports ont été rédigés sur le sujet. Les Français s’en sont émus. Les alertes sont fortes. On parle de « profitabilité exceptionnelle ». La Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence évoquent même de « véritables rentes autoroutières ». Il faut répondre au pays. En effet, ce n’est pas seulement entre nous que nous devons dialoguer ; nous devons surtout dire aux citoyens ce que nous entendons faire pour l’avenir.

Le chiffre d’affaires cumulé des sociétés concessionnaires a augmenté de 26 % entre 2006 et 2013, pour atteindre, malgré la crise financière, un total de 8 milliards d’euros. Les tarifs, quant à eux, ont augmenté de 21, 7 % ! On nous dit, et c’est exact, que l’État n’a pas d’argent et qu’il faut faire attention à toutes les dépenses. Or, dans le même temps, les marges nettes des sociétés concessionnaires se situent entre 20 % et 24 %. Plus encore, et mieux encore, ces dernières ont distribué quelque 14, 6 milliards d’euros de dividendes depuis 2006, donc plus que le montant de leurs bénéfices. Cela, je ne l’ai pas trop entendu dire !

Dès le début, elles ont eu recours à des emprunts volontaires afin de pouvoir servir davantage de dividendes. Cela signifie que ces sociétés ont une stratégie qui est industrielle, certes, mais aussi et surtout financière.

L’État doit réagir. Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est saisi du problème. Au mois de décembre dernier, il a mis en place une commission, afin d’étudier les différents scénarios qui s’offrent à nous : la renationalisation, la renégociation anticipée des concessions ou le rachat des contrats de concession.

On parle souvent du « rachat des concessions », mais, dans la mesure où la société concessionnaire ne veut pas revendre, il s’agit plutôt d’une résiliation.

Or le fameux article 38 des traités de concession, qui fait parler tout le monde, prévoit la fin des concessions ou leur reprise. Et il précise : « En cas de rachat, le concessionnaire aura droit à une indemnité correspondant au préjudice qu’il subit du fait de la résiliation. Le montant net d’impôt dû au titre de sa perception après prise en compte de toutes les charges déductibles sera égal à la juste valeur de la concession reprise, estimée selon la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles. »

Nous sommes des hommes politiques ! Si nous décidons aujourd’hui de racheter ou de résilier la concession, pour aller vers un nouveau mode de gestion, cela coûtera, nous dit-on, de 40 milliards d'euros à 50 milliards d’euros.

Nous sommes aujourd’hui en 2015, et les concessions prennent fin entre 2029 et 2033. En 2006, il aurait fallu se livrer à un calcul similaire, et dire que, pour vingt-cinq ans de concessions, le prix ne pouvait pas être de 15 milliards d’euros, ni même de 50 milliards d’euros, valeur de la clause de rachat à l’heure actuelle. En effet, si l’on estime les bénéfices à 50 milliards d’euros pour quinze ans d’exploitation, pour vingt-cinq ans, le prix aurait dû être, mutatis mutandis, de 60, 70 ou 80 milliards d’euros, contre seulement 15 milliards d’euros à l’époque. Tout cela n’est guère acceptable !

Derrière ces enjeux financiers, il faut aussi considérer la desserte des territoires, l’emploi, les bâtiments et les travaux publics visant à construire de nouvelles infrastructures urbaines, rurales et périrurales. Car l’enjeu, in fine, est bien de répondre aux demandes des Français.

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