Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les problématiques liées aux transports, à tous types de transports et à la protection nécessaire de notre environnement se doivent d’être au cœur de nos réflexions d’élus sur des horizons majeurs à moyen et long termes.
Pour financer le développement du réseau autoroutier, le choix a été fait de déroger au principe de la gratuité des voies de circulation en mettant en place un système de concessions. À la suite de la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, l’État a concédé la construction et l’exploitation de sections d’autoroutes à des sociétés dans lesquelles les intérêts publics étaient majoritaires.
À l’origine, les péages prélevés sur les usagers devaient couvrir à la fois l’amortissement des investissements, l’exploitation et l’entretien des autoroutes, ainsi que leur extension.
En 2006, le gouvernement alors en place a fait des choix significatifs et critiquables : l’ouverture du capital, puis la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ont modifié la relation entre l’État et ces sociétés. Sept sociétés historiques se sont regroupées au sein de trois groupes : le groupe Vinci Autoroutes, le groupe APRR et le groupe Sanef. Ce réseau concédé représente les trois quarts du réseau autoroutier et 95 % du chiffre d’affaires du secteur.
En juillet 2013, la Cour des comptes a affiché au grand jour l’exploitation déséquilibrée de la majeure partie du réseau autoroutier français par les sociétés concessionnaires d’autoroutes citées ci-dessus.
Dans un rapport sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires, commandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a mis en lumière quatre points majeurs qui interrogent sur les modalités de gestion du réseau autoroutier français : les rapports entre les deux « partenaires » que sont l’État et les sociétés concessionnaires sont déséquilibrés, au bénéfice de ces dernières ; les hausses des tarifs des péages pratiquées sont nettement supérieures à l’inflation ; le caractère des hausses tarifaires issues des contrats de plan est contestable ; le suivi des obligations contractuelles n’est pas respecté, qu’il s’agisse de préserver le patrimoine, de respecter les engagements pris dans les contrats de plan ou de transmettre les données demandées par le concédant.
Au sein de notre commission du développement durable, nous avons souhaité approfondir la réflexion sur ce sujet, après l’audition de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence.
Notre commission a mis en place un groupe de travail sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes le 22 octobre 2014. Ce groupe de travail était coprésidé par nos collègues Jean-Jacques Filleul et Louis-Jean de Nicolaÿ. Nous avons rencontré et auditionné les acteurs du secteur, avant de rendre nos conclusions en novembre 2014.
À l’issue des auditions, notre groupe de travail a salué la qualité du réseau autoroutier français. La gestion des contrats de concessions autoroutières par les sociétés qui en sont propriétaires pose, elle, véritablement question.
Nos travaux, ceux de nos collègues députés, les travaux de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence convergent tous : ces contrats de concessions sont déséquilibrés. Les tarifs autoroutiers présentent, pour lesdites sociétés de concession, une rentabilité le plus fréquemment estimée autour de 20 %, sur fond de prix des péages augmentant plus vite que l’inflation depuis la privatisation de 2006.
La formule d’indexation des prix des péages sur l’inflation est déconnectée des charges supportées par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, ce qui n’est pas pertinent. Cette formule crée une rente injustifiée par le niveau de risques supporté par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, compte tenu de leur monopole.
Une autre conclusion à laquelle nous sommes parvenus est qu’il reste problématique que l’État n’ait pas modifié le cadre juridique applicable aux concessions lorsqu’il les a privatisées. Les contrats de plan signés ont été systématiquement conclus à l’avantage des sociétés d’autoroutes.
Face à ce constat, je sais la volonté du Gouvernement de mettre un terme à ce dysfonctionnement. Il est effectivement nécessaire que le Gouvernement et le Parlement se réapproprient ce sujet, dont ils avaient été trop longtemps tenus à l’écart.
Au début de l’année 2015, le Premier ministre a proposé, dans la continuité de nos travaux, la mise en place d’un groupe de travail sur l’avenir des concessions autoroutières. Les premières réunions de travail ont commencé à la fin de janvier 2015. Ce groupe de travail associe quinze parlementaires, de la majorité et de l’opposition, ainsi que des représentants de l’administration.
Le Gouvernement est déterminé à remettre à plat les concessions autoroutières, afin de mettre en œuvre les recommandations formulées par la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence visant à un rééquilibrage des relations contractuelles entre l’État et les sociétés concessionnaires.
Ses objectifs sont clairs : proposer une meilleure régulation des péages, afin de préserver le pouvoir d’achat des automobilistes, un encadrement plus strict des profits des sociétés concessionnaires, ainsi que la participation accrue de ces dernières au financement des infrastructures de transport du pays.
Monsieur le ministre, vous avez donc un vrai souci de l’intérêt général, car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, et je m’en félicite. D’ailleurs, dans l’attente de l’aboutissement de ces travaux, le Gouvernement a décidé de surseoir à l’application de la hausse des péages.
Nous n’ignorons pas que ce dossier se révèle complexe, car il concerne des contrats de concession négociés jusqu’en 2028-2030.