Néanmoins, le Gouvernement ne dispose-t-il pas, avec le plan de relance autoroutier, d’une occasion de rouvrir la négociation ?
Afin de vous soutenir dans votre démarche, le groupe de travail de notre commission a dressé une liste de propositions, dont l’enjeu essentiel est de mettre fin à cette situation de rente qui pénalise lourdement l’usager. Il s’agit aussi de garantir davantage de transparence dans la gestion des concessions autoroutières, et cela même si le cadre juridique est contraint.
J’exposerai donc les grandes lignes des recommandations que nous avons formulées et les propositions qui, si elles n’ont pas déjà été reprises, pourront servir de base aux réformes de demain.
Il nous est tout d’abord apparu nécessaire de renforcer la transparence et la régulation du secteur, ainsi que de mettre fin à l’opacité qui le caractérise.
Nous avons proposé, tout comme l’Autorité de la concurrence d’ailleurs, d’élargir les compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires au contrôle du secteur autoroutier, l’ARAFER. C’est chose faite aujourd’hui dans le projet de loi dit « Macron ».
Vous sortez d’un combat fort à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, où vous avez défendu votre projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances. Or l’article 5 de ce texte porte sur le sujet qui nous préoccupe maintenant. En effet, il vise à doter l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d’une compétence de contrôle des évolutions des tarifs des péages, ainsi que d’une compétence consultative sur les avenants au cahier des charges de concession ayant une incidence sur les tarifs de péages.
Nos collègues députés ont décidé de renforcer considérablement les pouvoirs de l’ARAFER. Celle-ci sera désormais associée aux commissions de marchés au sein de chaque concessionnaire d’autoroutes. Elle rendra un avis sur tout nouveau projet de délégation. Elle pourra accueillir des données au-delà des seuls marchés de travaux.
Enfin, elle pourra examiner, sur son initiative ou celle des ministres en charge des transports ou de l’économie, la mise en œuvre des dispositions contractuelles existantes, de manière à s’assurer de la correcte exécution des obligations contenues dans les contrats, notamment en ce qui concerne la réalisation ou le calendrier d’exécution des investissements prévus. Je souhaite que le Sénat valide cette avancée permise par l’Assemblée nationale.
Je ne puis que me féliciter, au nom du groupe socialiste du Sénat, de ces avancées rapides. Le projet de loi arrivant prochainement en discussion dans notre hémicycle, nous défendrons cet article.
Il nous paraissait en second lieu important de changer de modèle pour les contrats de plan, en consultant le Parlement avant toute décision. Nous avions estimé que les sociétés concessionnaires d’autoroutes devaient communiquer chaque année au Parlement, à l’administration et aux autorités de contrôle toutes les données nécessaires à une plus grande transparence. Il s’agit d’éviter de reproduire l’erreur faite en 2006, lorsque ces mêmes sociétés ont été privatisées dans la confidentialité la plus totale.
Sur ce point également, le projet de loi pour la croissance et l’activité comporte des avancées. Il prévoit de mettre en place de nouvelles obligations pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Les procédures de mise en concurrence des sous-concessions autoroutières par ces sociétés seront encadrées par la loi.
Les sous-concessions seront soumises à la publicité et à la mise en concurrence, afin de lutter contre l’opacité, trop forte actuellement : les contrats de plan prévoyant des travaux supplémentaires en contrepartie d’une hausse de tarif additionnelle sont systématiquement négociés en faveur des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Une clause de bonne fortune sera également intégrée dans les futurs contrats de concession autoroutière. Si les revenus du concessionnaire excèdent trop les prévisions initiales, cet excès pourra soit profiter aux usagers ou à l’État, soit servir au financement de nouvelles infrastructures. La transparence des contrats de concession autoroutière sera ainsi renforcée.
Nous avions signalé qu’il était judicieux d’avancer sur le chemin d’une reprise en main par l’État des concessions autoroutières. Le projet de loi prévoit de renforcer le contrôle du Parlement, qui sera informé des projets de modification de convention ou de cahier des charges, notamment lorsque les modifications envisagées auraient une incidence sur les tarifs de péage ou la durée des concessions. Il est donc indéniable que nous avançons.
« L’État ne doit pas être naïf et doit saisir l’opportunité du plan de relance autoroutier pour renégocier à son avantage et à celui des usagers », a plaidé Bruno Lasserre, le président de l’Autorité de la concurrence. Lorsqu’une renégociation des contrats pourra être menée, le Gouvernement devra en profiter pour demander des contreparties.
Au vu de l’augmentation irraisonnée des tarifs au cours des dix dernières années, la révision de la composition des prix apparaît comme l’axe essentiel de travail à suivre. Alors que nous traversons une période difficile, même si nous percevons une amélioration, ces profits tarifaires sont inadmissibles. Je suis certain que de nombreuses propositions de substitution sont possibles ; nous en avons formulé quelques-unes. Toute avancée doit se faire dans le sens de l’intérêt général. Les structures de gestion de transports doivent aussi servir le principe d’égalité des territoires dans le transport.
La réflexion que nous avons menée sur la gestion des sociétés concessionnaires d’autoroutes doit s’inscrire dans un cadre ambitieux, et nous devons faire preuve de courage et de réalisme, afin de préparer les pratiques de transport de demain. Il s’agit en effet de concevoir dès aujourd’hui des schémas de mobilité modernes et plus respectueux de notre environnement.
Monsieur le ministre, les sénateurs socialistes de la commission du développement durable sont prêts à engager, main dans la main avec le Gouvernement, une réflexion approfondie sur chaque secteur de mobilité. Ils sont également prêts à prendre rapidement des mesures. Les solutions possibles sont de nature politique, technique et comportementale. Engageons-nous dans la modernité !