Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur les concessions autoroutières

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Les mécanismes d’optimisation mis en œuvre par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui ont versé des dividendes exceptionnels à leurs actionnaires et privilégié l’endettement pour leurs investissements, le prouvent également. Bien sûr, les concessionnaires ont opposé à cette vision des choses la prise en considération de leur dette, à travers le taux de rentabilité interne.

Engager une vraie réflexion sur les tarifs de péages qui conduirait, dans l’idéal, à un gel des tarifs ou à une évolution raisonnable, c’est engager une réflexion sur le pouvoir d’achat des usagers, largement entamé, mais c’est aussi engager une réflexion sur l’aménagement du territoire.

Je prendrais pour exemple mon département, la Haute-Savoie. L’usager y est très fortement taxé par les concessions autoroutières. En effet, la Haute-Savoie est traversée par deux des dix autoroutes les plus chères de France. Quand la moyenne du prix au kilomètre est de 8 centimes d’euro, elle s’élève, sur l’A41 jusqu’à Genève, à 12, 46 centimes d’euro et, sur l’A40 jusqu’à Saint-Gervais-les-Bains, à 10, 74 centimes d’euro, avec plus de 24 000 véhicules par jour.

L’usager est donc fortement taxé, alors même que les concessions autoroutières ont de fortes garanties de fréquentation : la forte croissance de la population de ce département – une des plus importantes de la région Rhône-Alpes –, une bonne santé économique, l’attractivité de Genève, mais aussi le tourisme – la Haute-Savoie est le deuxième département de France pour la fréquentation touristique. D’ailleurs, chaque année, nous constatons une augmentation de trafic sur l’ensemble du réseau routier de l’ordre de 2 %, routes et autoroutes confondues. Cette augmentation est encore plus marquée sur le réseau autoroutier, de l’ordre de 4 % à 5 %, avec des tronçons où elle atteint plus de 10 %, comme sur l’A41.

La dynamique du territoire serait donc à prendre en considération dans les renégociations des contrats de plan, si elles étaient envisagées, d’autant plus lorsque les départements concernés, et c’est encore le cas de la Haute-Savoie, ne sont pas pris en considération dans le plan de relance autoroutier engagé par l’État en décembre 2014.

Le second aspect que je souhaitais évoquer concerne l’aménagement du territoire. Que constate-t-on, toujours dans mon département ? Sur les autoroutes, on observe une baisse du trafic des poids lourds de 0, 6 %, sur l’A40 et sur la « Liane ». Cette baisse significative se traduit par l’engorgement du réseau départemental, avec une fréquentation en hausse de 2, 4 %, s’ajoutant à l’augmentation de 1 % du trafic des automobilistes. Renégocier les tarifs des péages permettrait donc de désengorger des routes départementales de plus en plus encombrées, au bord de l’asphyxie. On peut imaginer que les transporteurs routiers pourraient réinvestir les autoroutes qu’ils n’empruntent plus aujourd’hui, du fait d’une hausse des tarifs qui engloutit leurs marges.

Il y a urgence, car ce phénomène ira en s’aggravant. En effet, si l’État a gelé l’augmentation tarifaire des sept sociétés concessionnaires, ce n’est pas le cas sur les tronçons d’autoroutes publiques que compte mon département. Par exemple, pour l’Autoroute du tunnel du Mont-Blanc, l’ATMB, l’augmentation moyenne est de 2, 9 %. Sur son site internet, l’Autoroute blanche indique que les tarifs restent identiques à ceux de 2014 pour les véhicules légers, excepté au péage de Nangy, pour la section Scientrier-Gaillard où l’augmentation est de dix centimes d’euro. Or cette liaison est empruntée quotidiennement par des milliers d’automobilistes frontaliers travaillant en Suisse.

En conclusion, les usagers des autoroutes sont de plus en plus nombreux et paient toujours plus chaque année, les routes départementales sont saturées de poids lourds, le chiffre d’affaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes progresse plus vite que leurs charges : il y a matière à rediscuter !

Cette réflexion n’est pas facile et les outils en faveur des concessions sont multiples, à commencer par le cadre juridique applicable aux concessions que l’État n’a nullement modifié lorsqu’il les a privatisées. La pratique des contrats de plan, quant à elle, est systématiquement à l’avantage des sociétés concessionnaires, en ce qui concerne tant le champ des travaux compensés que leur prix, comme l’a démontré la Cour des comptes. S’y ajoute l’augmentation de 50 % de la redevance domaniale que l’État impose aux sociétés d’autoroutes : convenue en 2013, elle est compensée par une hausse des tarifs de péage, de 1, 5 % sur la période 2015–2018.

Il y a urgence pour la qualité de vie de nos concitoyens et pour leur pouvoir d’achat. Aussi, je demande au Gouvernement des mesures rapides et la reprise en main, de manière transparente et juridiquement solide, avec la consultation du Parlement, des contrats établis avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

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