Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a fort bien rappelé Alain Milon à l’instant, la natalité est l’une des forces de la France et un signe de confiance de nos concitoyens en l’avenir.
Un réseau efficace de maternités est donc nécessaire. Il doit répondre à deux objectifs : assurer la sécurité des mères et des enfants, d’une part, et permettre une prise en charge de proximité de qualité, d’autre part.
L’enquête que nous a remise la Cour des comptes démontre que, malgré plusieurs réformes successives, les résultats ne sont pas encore pleinement satisfaisants en matière de sécurité. Le classement de la France pour ce qui concerne la périnatalité – elle figure au dix-septième rang européen – doit être amélioré. Ce sera là, madame la ministre, ma première question : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour améliorer nos résultats en termes de périnatalité ?
Je souligne le fait que la Cour ne préconise pas, Alain Milon vient de le rappeler, de fermer les maternités qui fonctionnent déjà en deçà des seuils fixés par la réglementation. Elle insiste sur la nécessité d’un contrôle sanitaire accru de ces établissements. Sinon, chacun le sait, c’est la vie des femmes et des enfants qui est mise en jeu.
C’est donc à tort que certains élus se sont émus à la lecture des dépêches de presse faussement alarmistes.
La Cour a examiné néanmoins à notre demande les questions qui nous ont été posées et nous avons reçu dans son ensemble confirmation de son jugement, sauf dans un cas, celui de la Guyane, que va certainement évoquer notre collègue Maurice Antiste.
La Cour constate que l’octroi de la dérogation n’est assorti d’aucun dispositif d’encadrement ou de suivi particulier. Madame la ministre, quelles mesures de contrôle le Gouvernement va-t-il mettre en place sur les maternités qui effectuent moins de 300 accouchements par an ?
La restructuration du secteur des maternités a été particulièrement importante puisque en quarante ans deux tiers d’entre elles ont disparu.
Par ailleurs, les contraintes normatives se sont considérablement accrues depuis les décrets de 1998, qui ont prévu trois niveaux de maternités selon la complexité de l’accouchement et le risque qui en découle pour la mère et le ou les enfants.
Mais les textes, principalement parce qu’ils imposent la présence de médecins spécialistes dont le recrutement s’avère de plus en plus difficile sur l’ensemble du territoire, ne sont pas uniformément appliqués ou entraînent la fermeture subite d’établissements répondant pourtant à des besoins locaux.
La démographie des spécialistes concernés – gynéco-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs – est particulièrement dégradée dans les établissements hospitaliers et le phénomène va s’accentuer. La Cour relève que le nombre d’obstétriciens et d’anesthésistes baisse relativement aux autres spécialistes dans les postes qui seront ouverts à l’internat d’ici à 2019. Ne faut-il pas, madame la ministre, prendre des mesures visant à augmenter de manière plus importante le nombre de postes à pourvoir en internat ?
Les nouvelles règles applicables au temps de travail médical sont de nature à accroître les difficultés des établissements, même si elles contribuent à la sécurité des soignants et des soignés. Là où l’on pouvait faire assumer la permanence des soins par un nombre réduit de praticiens, des recrutements ou des vacations – et l’on sait les difficultés que cela pose – devront être organisés. Le projet de loi de santé comporte certaines dispositions sur l’intérim médical : parviendront-elles à répondre aux besoins des maternités ?
À l’heure actuelle, l’impact des mesures incitatives demeure limité. Il est de fait difficile de rendre attractives les petites maternités qui, en matière de recrutement, subissent la concurrence des établissements de plus grande taille, situés le plus souvent dans des villes plus importantes.
Même l’affectation des internes dans les zones sous-denses ne permet pas de répondre aux besoins des maternités les plus en difficulté, car la zone d’affectation est plus large que les territoires de santé où se trouvent ces maternités. Envisagez-vous, madame la ministre, de nouvelles mesures ? Si oui, lesquelles ?
Vous avez confié un rapport sur l’attractivité de la profession de praticien hospitalier à quelqu’un dont nous connaissons l’expertise, à savoir notre ancien collègue Jacky Le Menn. Nul doute que ses propositions seront de nature à favoriser les recrutements. Mais ne faut-il pas également aller plus loin, soit en prévoyant la présence d’équipes venant de structures plus importantes comme les CHU, soit à l’inverse en accompagnant la transformation des maternités qui ne peuvent pas recruter en centres de suivi des grossesses ?
La Cour déplore la lourdeur administrative de la mutualisation des personnels entre établissements malgré les nombreux exemples de bonnes pratiques. Un allégement des procédures serait de nature à encourager leur diffusion à l’ensemble du territoire.
Il faut également nous interroger sur la répartition des rôles entre médecins et sages-femmes. Des progrès importants ont été accomplis depuis la loi HPST. Mais cette question n’est pas encore totalement résolue dans les maternités. Qu’envisagez-vous sur ce point, madame la ministre ?
Nous avons aussi besoin d’améliorer nos connaissances. Comme l’a signalé le président Alain Milon, il n’existe pas d’étude épidémiologique précisant la relation entre l’éloignement des parturientes de la maternité et les résultats de périnatalité. Or celle-ci est nécessaire pour apprécier la pertinence des restructurations et permettre aux élus locaux, toujours placés en première ligne, de fonder leurs choix sur des données objectives.
En effet, si le temps de trajet médian entre le domicile et la maternité – dix-sept minutes – peut paraître a priori satisfaisant, les écarts sont particulièrement importants et la Cour elle-même documente des situations dans lesquelles des maternités se trouvent à plus d’une demi-heure de route, voire quarante-cinq minutes.
Vos services, madame la ministre, ont-ils prévu de financer une étude sur le lien entre distance et périnatalité par l’Institut de veille sanitaire ou un autre organisme compétent ?
Si l’éloignement est trop important, des solutions alternatives – hôtelières notamment – sont envisageables et d’ailleurs suggérées par la Cour des comptes. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? Les difficultés pratiques me semblent importantes : même si l’accouchement est souvent provoqué, il n’est cependant pas une science exacte !
Il faut pourtant garantir une proximité des plateaux techniques avec les lieux d’accouchement, car tout ce qui débute comme un accouchement sans complication peut rapidement générer une situation d’urgence. La Cour des comptes préconise d’ailleurs de doter les maternités de niveau III d’un service de réanimation pour adultes, absent dans certains cas.
Il faut donc conduire une évaluation médico-économique des maternités et des maisons de naissance, dont l’expérimentation vient d’être lancée, afin de permettre de mesurer l’ampleur des services à fournir à la population et de sortir d’une gestion au fil de l’eau de l’évolution de ces établissements.
La Cour relève aussi que la structuration des maternités entre les niveaux I, II et III n’est pas toujours cohérente sur l’ensemble du territoire, notamment parce que les maternités de niveau III attirent une part trop importante de futures mères.
Ces niveaux sont-ils encore vraiment cohérents ? Ne faudrait-il pas raisonner à partir des besoins des territoires plutôt que des structures existantes, comme nous y invite d’ailleurs une note récente du Conseil d’analyse économique ?
J’en viens à un point essentiel, madame la ministre : le rapport de la Cour pointe le sous-financement structurel des maternités, qui ne peuvent trouver un équilibre qu’à partir de 1 100 à 1 200 accouchements par an en raison d’une déconnexion ancienne des tarifs et des coûts réels.
Malgré une évolution tendant à développer un tarif spécifique lié à la prise en charge du nouveau-né, il est permis de s’interroger sur l’adaptation de la tarification à l’activité – T2A – à ces établissements.
Il convient à tout le moins de prendre en compte le poids spécifique des normes dans les coûts réels et de trouver un moyen de le compenser, comme l’avait déjà souligné le rapport sur la tarification hospitalière établi en 2012 par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat.
Que propose le Gouvernement pour remédier à cette situation ?
Je pense qu’une majorité d’entre nous pourrait accepter la réduction de la durée des séjours en maternité à condition qu’elle s’accompagne de l’accès de toutes les familles à une prise en charge à domicile. Mais elle ne saurait être simplement un moyen de réduire les déficits structurels des établissements.
Enfin, l’appui aux réseaux de périnatalité, en lien avec la protection maternelle et infantile pour l’aval, mais sans report sur cette dernière, est un point particulièrement important qui, parmi d’autres, pourra être conforté à l’occasion de l’examen du projet de loi de santé publique.
La Cour souligne à juste titre l’attention particulière qui doit être portée aux populations précaires, pour lesquelles le suivi des grossesses est souvent suffisant. Quelles sont, pour ces populations, les mesures que propose le Gouvernement ?
À partir du constat important dressé par la Cour, il est de notre devoir d’agir pour permettre partout en France la meilleure prise en charge des femmes enceintes. Tous les jours des professionnels de santé accompagnent au mieux de leurs compétences les mères et les nouveau-nés. À tous nous devons garantir les meilleures conditions d’exercice dans les maternités. C’est un défi qui doit nous réunir, vous, madame la ministre, et nous tous.