Cette situation a d’ailleurs conduit certains à proposer la création de maisons de naissance. J’ai récemment rencontré les porte-parole du collectif relayant cette proposition. Ces demandes de prise en charge alternative sont intéressantes. L’évaluation de leur mode de fonctionnement devra permettre d’en affiner le concept. Le sujet de la sécurité de l’environnement est fondamental. De surcroît, celui de la rémunération reste, semble-t-il, à approfondir.
Ce rapport, comme tous ceux que rédige la Cour des comptes, se révèle intéressant pour les responsables politiques que nous sommes.
Tout en me félicitant de la méthodologie employée et en souscrivant à bon nombre des analyses développées, je tiens à insister, en ouvrant mon propos, sur une exigence fondamentale à respecter : l’impératif de santé publique.
J’entends les appels à la restructuration des maternités et à la rationalisation, mais l’exigence qualitative doit toujours primer sur l’exigence quantitative. C’est cette première qui définit le juste niveau de dépense sociale et sanitaire.
Lorsqu’il s’agit de la santé de nos concitoyens, il ne saurait être question de raisonner uniquement en termes d’économies à réaliser. Certes, ce n’est pas ce que fait la Cour des comptes dans son rapport, mais je veux mettre en garde contre une approche strictement économique.
Lorsque j’entends les annonces qui, pour le moins, interpellent, évoquant des économies de 3 milliards d’euros en trois ans au titre de l’hôpital public, je pense que la dépense publique pourrait certainement être plus opérationnelle. Mais, à mon sens, les propositions formulées vont à contre-courant. Je le répète, ce sont les exigences qualitatives qui doivent déterminer le bon niveau de dépenses, et non la volonté de faire entrer des économies dans des cases déterminées à l’avance.
En introduction à mon propos, je tiens à formuler une remarque connexe. La Cour des comptes évoque le secteur public des maternités, mais aussi le secteur privé. Ce constat me conduit, comme tous les ans, à souhaiter que la Cour des comptes puisse s’intéresser au secteur hospitalier privé lorsqu’elle remet son rapport annuel d’évaluation de la loi de financement de la sécurité sociale.
Ces quelques remarques étant faites, j’en viens au cœur de mon propos.
Comme le souligne la Cour des comptes, l’offre de soins en maternité a connu une profonde restructuration depuis 2002.
Ainsi, l’on constate que le nombre de maternités a baissé de 20 % entre 2002 et 2012, ces fermetures affectant en majorité les plus petits établissements. Pourtant, nous sommes au milieu du gué, les résultats en matière de prise en charge de la maternité et de la périnatalité n’étant pas pleinement satisfaisants.
Avec cette question, nous entrons véritablement dans le cœur du débat. Je souscris globalement à l’analyse de la Cour des comptes, sans doute par déformation professionnelle, mais aussi par expérience professionnelle. Lorsqu’une maternité se situe sous le seuil de 300 accouchements par an, les conditions d’accueil ne sont pas optimales, même si le chiffre de 300 peut parfois paraître arbitraire. L’égalité d’accès à des soins de qualité, le bien-être de la mère et de l’enfant ainsi que l’obligation absolue de sécurité sont des exigences incontournables.
Le plus souvent, une grossesse, une naissance sont des événements heureux et en aucun cas une maladie. Mais un accouchement normal peut évoluer défavorablement en quelques minutes. Dès lors, un plateau technique performant doit être immédiatement mis en place : deux vies sont en jeu.
Oui, dans ce domaine, je suis favorable à une logique sécuritaire. Les accouchements « à la roulotte », par exemple dans un camion de pompiers ou dans une voiture, correspondent beaucoup plus à une prise en charge non adaptée du suivi de la grossesse qu’à un problème d’implantation géographique des maternités.
Les patientes doivent faire l’objet d’un impératif de sécurité, d’autant plus que la France, si elle dispose du premier taux de natalité d’Europe avec deux enfants par femme, affiche de mauvais résultats quant aux indicateurs de périnatalité. Avec un taux de 2, 3 pour 1 000, la France occupe le dix-septième rang européen pour la mortalité néonatale dans les vingt-sept jours suivant la naissance.
En conséquence, la sécurité de la naissance doit être améliorée. C’est un impératif de santé publique, dix-sept ans après les décrets de 1998, dont c’était l’objectif principal. Il faut donc mener des réformes, mais sans brutalité, sans dogmatisme.
Les structures de proximité en deçà des 300 accouchements par an ne doivent pas être fermées, car elles sont très importantes pour le maillage territorial dont doivent bénéficier nos concitoyens. Ces maternités de proximité peuvent être transformées en centres avancés de consultations, assurant le suivi des grossesses et des accouchements. Elles peuvent être animées par du personnel soignant de territoire, mais aussi par des personnels de maternités plus importantes.
Je suis très favorable à la première des neuf préconisations de la Cour des comptes : « Réaliser une enquête épidémiologique pour préciser la relation entre l’éloignement des parturientes des maternités et les résultats de périnatalité ». Là est la préconisation centrale qui nous permettra d’y voir plus clair, ce qui ne signifie en aucun cas qu’il ne faut pas réformer.
La précarité financière affectant les maternités est de plus en plus criante, du fait de prises en charge inadéquates : des réformes doivent être menées quant à la durée moyenne du séjour à l’hôpital, qui reste plus élevée en France qu’ailleurs. En 2011, elle s’établissait dans notre pays à 4, 2 jours pour un accouchement normal, contre 3 jours en moyenne dans les pays de l’OCDE. Les taux d’occupation des lits doivent également faire l’objet d’une réforme.
De plus, il me paraît souhaitable de s’appuyer sur les réseaux de périnatalité et de mobiliser les acteurs du secteur libéral. Dans la lutte contre l’hospitalo-centrisme, souvent dénoncé, les acteurs du secteur libéral ont incontestablement un rôle à jouer.
Ainsi, le programme d’accompagnement au retour à domicile, le PRADO, mis en œuvre sur l’initiative de la sécurité sociale, peut non seulement contribuer à réduire en toute sécurité la durée d’hospitalisation, mais aussi permettre la reconversion de sages-femmes de la pratique hospitalière vers la pratique libérale. Surtout, ce programme peut garantir une meilleure qualité de prise en charge. Il y a là des cercles vertueux à amorcer.
Si je souscris globalement aux analyses développées par la Cour des comptes dans son rapport sur les maternités, certaines recommandations me laissent interrogative, voire dubitative.
Je songe notamment à la proposition d’instaurer des normes spécifiques pour les maternités qui effectuent plus de 4 000 accouchements par an. Je n’ai pas obtenu de réponse satisfaisante de la Cour à ce sujet.
Par ailleurs, est-il réaliste de penser que l’on pourra créer, dans les maternités de niveau III, des services de réanimation pour les adultes ? Est-il concevable de faire cohabiter des jeunes femmes qui viennent d’accoucher, et auxquelles il convient de confier le plus vite possible leur bébé, et d’autres adultes aux pathologies très lourdes, infectieuses en particulier ?
Enfin, la critique des pouvoirs publics, fondée sur leur supposée absence de vision à moyen terme, me paraît sévère.
Les pouvoirs publics ont la responsabilité d’être attentifs à la diversité géographique de nos territoires et à leur environnement socio-économique, tout en maintenant une sécurité optimale. Cela étant, j’adhère totalement à l’analyse de la Cour des comptes quant à la nécessité de nous pencher sur le suivi des populations précaires.
À ce titre, mes chers collègues, permettez-moi de citer l’exemple du Nord–Pas-de-Calais.
Les indicateurs sanitaires de cette région sont, globalement, les plus mauvais de France. Or le Nord–Pas-de-Calais présente des chiffres de périnatalité supérieurs à la moyenne nationale. Au cours de la période 2010–2012, le taux de mortalité infantile était de 3, 2 pour 1 000 dans le Pas-de-Calais et de 3, 4 pour 1 000 dans le Nord, alors qu’il s’élevait en moyenne à 3, 5 pour 1 000 pour l’ensemble de la France.
En outre, au cours de la période 2007–2009, le taux de mortalité maternelle s’établissait à 5, 2 pour 100 000 naissances. Il était nettement inférieur à la moyenne enregistrée en métropole, à savoir 9, 4 pour 100 000 naissances.
La région du Nord–Pas-de-Calais présente une forte structuration de la périnatalité autour des réseaux existants. Le secteur public y occupe une place prépondérante. D’ailleurs, on observe un certain désengagement du secteur privé, ce qui, à terme, pourrait susciter des difficultés.
Au sujet du Nord–Pas-de-Calais, j’ajoute qu’il faut signaler une évolution notable : il n’y a pas ce que l’on appelle de « petites maternités ».
Comme l’indique la Cour des comptes, l’offre de soins dans cette région « répond globalement aux besoins de la population. Elle contribue à une amélioration de la sécurité de la naissance, bien que certaines parties du territoire rencontrent encore des difficultés ». À mon sens, c’est là le fruit d’un travail collectif, accompli par les acteurs politiques, les professionnels de santé, qu’ils appartiennent au public ou au privé, au réseau hospitalier ou à la médecine libérale, les usagers et l’Agence régionale de santé, l’ARS.
En conclusion, je souligne la nécessité de mener un nouvel effort de restructuration de l’offre de soins des maternités. Toutefois, je précise que l’exigence qualitative doit toujours primer sur l’exigence quantitative. Dans le domaine de la santé, comme dans beaucoup d’autres secteurs, il ne saurait être question de privilégier une vision purement comptable.
Madame la ministre, je tiens à saluer votre action : je sais que nous pouvons compter sur votre engagement et sur votre détermination.