Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur la situation des maternités

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, par son travail approfondi, la Cour des comptes nous livre une analyse précise de la situation des maternités en France. Aussi, je tiens avant tout à remercier les auteurs de ce rapport, ainsi que la commission des affaires sociales, qui avait prescrit cette étude.

En la matière, – les précédents orateurs l’ont rappelé – le débat entre proximité et sécurité est ancien. L’équilibre dont il s’agit n’a rien d’évident. Il exige – c’est manifeste – une vigilance permanente. À cet égard, je fais miennes les préoccupations exprimées à l’instant même par Catherine Génisson.

Le décret de 1998, qui a conduit à la fermeture de presque toutes les maternités procédant à moins de 300 accouchements par an, est assez largement accepté aujourd’hui. Toutefois, dans les localités où la proximité d’une structure adaptée aux besoins de la future mère n’est pas suffisante, il importe de continuer à déterminer les solutions les plus rassurantes, les plus sécurisées possible. Je songe notamment aux solutions d’accueil temporaire en fin de grossesse, si la prudence les exige, à proximité de l’hôpital destiné à accueillir la future mère.

En outre, la recherche de cet équilibre suppose d’améliorer les relations entre la ville et l’hôpital, d’activer, au sein d’un territoire, des réseaux variés et de les coordonner.

Madame la ministre, nous aurons sans doute à débattre de nouveau de ces enjeux lors de l’examen du projet de loi de santé.

Pour l’heure, dans le temps qui m’est imparti, j’insisterai sur deux points.

Premièrement, la Cour des comptes affirme que le suivi des populations en situation de précarité est mal assuré. Force est de constater que l’enquête nationale périnatale présente des constats particulièrement préoccupants : ainsi, l’on observe encore des différences sociales de prématurité et de petits poids de naissance selon le niveau d’études et le groupe social de la mère. Dans certains cas, ces inégalités tendent même à s’accroître.

En Île-de-France notamment, la précarité des femmes enceintes affecte négativement les résultats en matière de périnatalité, et ce, en premier lieu, dans un département que je connais bien : la Seine-Saint-Denis. Cette situation se traduit y compris en termes de surmortalité. Les études menées ont démontré que le défaut d’action périnatale, une consultation ou une césarienne trop tardive, une sous-estimation de la gravité de la situation, d’excessifs délais d’intervention, une absence de pédiatre ou de gynécologue, une faiblesse des moyens de diagnostic et de surveillance pouvaient expliquer jusqu’aux deux tiers de cette surmortalité.

Par ailleurs, il convient d’aborder la situation outre-mer. Je ne sais pas si certains de nos collègues ultramarins interviendront aujourd’hui sur ce sujet. Pour ma part, je suis cette situation de près en tant que membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Dans les zones ultramarines, la situation est encore plus inquiétante qu’en France métropolitaine. La surmortalité infantile y persiste. Elle s’est même en partie aggravée au cours de la période récente, avec un taux qui, en 2012, variait de 4, 1 à 9, 9 pour 1 000 naissances, contre 3, 3 en moyenne en métropole.

On le sait, à Mayotte, nombre d’accouchements ont lieu dans ce que l’on nomme des centres de référence, entièrement gérés par des sages-femmes. Pour l’heure, le fonctionnement de ces maternités périphériques ne respecte pas les conditions fixées par le code de la santé publique. L’activité de gynécologie-obstétrique et de néonatologie y est exercée sans autorisation. Aucun gynécologue-obstétricien, anesthésiste ou pédiatre n’est présent sur place. La permanence des soins n’est donc pas assurée.

Il faut également évoquer la situation de la Guyane : la maternité de Saint-Laurent-du-Maroni, installée dans un ancien bagne, est particulièrement vétuste. On y pratique 4 995 échographies de grossesse par an pour 6 000 accouchements environ, chiffres qui révèlent un suivi très incomplet des grossesses.

Bref, étant donné la gravité de la situation, un plan d’urgence devrait, à mon sens, être déclenché pour sécuriser la périnatalité dans les territoires d’outre-mer et, parallèlement, renforcer le suivi des femmes enceintes en situation de précarité. Cette seconde requête est déjà formulée par la Cour des comptes pour l’ensemble du territoire français.

Deuxièmement, – cette question n’est pas traitée dans ce rapport essentiellement financier – il me semble important d’insister sur la santé environnementale, qui, hélas ! n’est pas encore une priorité au sein des maternités.

Sous la pression de diverses associations, comme le Comité pour le développement durable en santé, le C2DS, ou le Centre national d’information indépendante sur les déchets, certains hôpitaux sont, par exemple, en train de réévaluer leur utilisation du PVC. Ce plastique est omniprésent dans les établissements de santé, aussi bien sous forme de matériaux de construction que de dispositifs médicaux ou de produits de consommation courante.

Dans nombre de ses applications, le PVC est plastifié au DEHP, un phtalate classé cancérogène, mutagène et reprotoxique de catégorie 2 par l’Union européenne, au point que, depuis quelques années, il est interdit dans les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans. Toutefois, il entre actuellement pour plus de 50 % dans la composition des plastiques à usage médical. Or il est prouvé que le DEHP, n’étant pas lié chimiquement au PVC, s’en échappe en continu, qu’il est particulièrement bien absorbé par voie orale et pulmonaire et que sa distribution est rapide dans l’organisme. Madame la ministre, nous devons répondre à cette préoccupation !

En 2008, le rapport du comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux a d’ailleurs proposé une liste de procédures médicales à haut potentiel d’exposition au DEHP, et a fait état de risques particuliers d’intoxication aiguë en soins intensifs de néonatologie, où les nouveau-nés reçoivent des quantités de DEHP pouvant atteindre vingt fois la dose journalière tolérable.

Il nous semble qu’il y aurait matière à monter en urgence un programme de dépollution et de santé environnementale, dans les hôpitaux en général et, puisque c’est aujourd’hui notre sujet, dans les maternités en particulier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion