Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, ainsi que notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, d’avoir permis l’organisation de ce débat. La qualité et la précision des rapports publiés nous éclairent sur les choix à opérer en matière de politique de santé publique. La nouvelle sénatrice que je suis appréhendait une approche uniquement comptable et financière. Je suis rassurée de constater que la Cour des comptes, comme vous-mêmes, mes chers collègues, a abordé le sujet avec humanisme, en privilégiant un égal accès à des soins de qualité.
Il faut le redire, c’est une grande chance pour la France d’avoir aujourd’hui un taux de natalité parmi les tout premiers d’Europe. Sur ce vieux continent, où de nombreuses femmes travaillent, où l’organisation familiale devient plus complexe et où la politique nataliste est parfois malmenée, les Françaises sont fort heureusement encore nombreuses à vouloir enfanter : 811 000 naissances ont été enregistrées en 2013 par l’INSEE, soit un taux de fécondité de plus de 2 enfants par femme, quand la moyenne européenne atteint péniblement 1, 58 enfant. Il est donc primordial de renforcer les politiques natalistes et l’accompagnement adapté des femmes enceintes.
Les restructurations engagées dès 1998 ont été difficiles – le mot est faible ! – sur les territoires, mais elles étaient nécessaires pour mieux maîtriser les coûts et, surtout, assurer une meilleure sécurité des patients.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des enseignements apportés par le rapport de la Cour des comptes et le rapport d’information de notre collègue – les précédents intervenants les ont très bien exposés –, me contentant d’évoquer plus particulièrement deux sujets, notamment les réseaux d’accompagnement.
À la suite des restructurations, les réseaux d’accompagnement se sont développés et ont, me semble-t-il, fait la preuve de leur adaptabilité et de leur capacité à répondre aux difficultés, notamment à celles qui sont liées à l’éloignement en zones rurales isolées. Le rapport de la Cour des comptes met en évidence tout l’intérêt des réseaux de périnatalité et des centres périnatals de proximité, qui ont permis une modernisation de la prise en charge des patientes, au sens où ils offrent un suivi personnalisé attentif et continu de la future maman, de sa grossesse aux premiers mois après la naissance. À cet égard, je reprendrai l’exemple de la Bourgogne, citée dans le rapport de la Cour des comptes pour ses résultats.
Malgré la fermeture de près d’une maternité sur trois entre 1998 et 2003, cette région affiche aujourd’hui des résultats remarquables, inférieurs à la moyenne nationale en matière de mortalité maternelle, périnatale et infantile. L’offre de soins s’appuie sur un maillage régional exemplaire assuré par le réseau périnatal de Bourgogne et, localement, par l’ouverture de sept centres périnatals de proximité.
Créé en 1992, le réseau périnatal, qui s’est déployé pour associer tous les professionnels de la périnatalité, organise des rencontres de praticiens, des échanges réguliers sur des analyses de cas et des dysfonctionnements éventuels survenus dans la région. Un dossier obstétrico-pédiatrique commun à tout le département permet d’optimiser la prise en charge et de traiter le cas de la parturiente ou du nouveau-né dans les plus brefs délais. Au-delà des échanges, des portails d’accès pour usagers et professionnels permettent de collecter les informations relatives à l’ensemble des 18 000 grossesses annuelles.
De l’avis de tous, ces réseaux constituent une prise en charge souple, adaptée aux besoins et, au final, plutôt économe. C’est pourquoi j’invite le Gouvernement à déployer autant que possible ces réseaux et à soutenir leur développement sur l’ensemble du territoire.
Le second point majeur, qui a déjà été évoqué et sur lequel j’aimerais revenir, concerne la présence des professionnels compétents sur le terrain.
Comment assurer un fonctionnement sécurisé des maternités ou des réseaux de proximité alors que les professionnels désertent nos campagnes ? Pourtant, selon la Cour des comptes, les effectifs globaux des spécialités médicales de la naissance et des sages-femmes n’ont jamais été aussi nombreux. Alors soit le nombre des professionnels formés n’est plus suffisant au regard des besoins, soit les diplômés ne s’installent pas là où ils sont attendus : ces deux hypothèses sont certainement vraies. Dans un cas comme dans l’autre, l’État a déjà agi, mais il doit poursuivre et intensifier son action, car la réalité empire : le phénomène des zones médicales blanches s’accroît.
Il est de plus en plus difficile de recruter des gynécologues-obstétriciens, des pédiatres et des anesthésistes-réanimateurs dans les maternités rurales notamment, où leur présence est systématiquement et nettement inférieure à la densité nationale. Or ce problème de démographie médicale pourrait entraîner de nouvelles fermetures de maternités alors même que la distance entre les établissements rend aujourd'hui nécessaire a minima un statu quo.
Renouveler les professionnels existants, attirer de nouvelles générations de spécialistes, tel est le véritable défi à relever et l’une des questions centrales soulevées dans ces rapports.
Administration, professionnels et élus doivent travailler ensemble pour anticiper les départs à la retraite et mieux ventiler les effectifs sur l’ensemble du territoire, mutualiser autant que possible le personnel existant et accompagner les professionnels et praticiens qui se retrouvent souvent seuls confrontés à de lourdes responsabilités.
Ainsi, et malgré les difficultés financières auxquelles les maternités doivent faire face, des pistes d’action émergent pour, comme le préconise le rapport de la Cour des comptes, « éviter qu’une série de fermetures ponctuelles, soudaines et mal anticipées ne provoque une recomposition subie de l’offre de soins qui ne ferait qu’aggraver les multiples dysfonctionnements déjà constatés ».
Au-delà d’un nouveau schéma cible d’organisation des maternités, il me semble important, notamment, de développer les prises en charges alternatives et attractives assurées par les réseaux de proximité, de manière à diminuer autant que possible le séjour en maternité et de favoriser les dynamiques locales de partenariat public-privé avec les groupements de professionnels de santé locaux, les maisons de santé pluridisciplinaires, les contrats locaux de santé, autant d’outils de nature à redonner de l’attractivité à l’exercice médical en milieu rural ou défavorisé.
Pour conclure, je tiens à rendre hommage à ces professionnels de santé qui exercent aujourd’hui dans les zones isolées et donnent chaque jour le meilleur au service de nos concitoyens. Je veux saluer le sens des responsabilités et du service, le dévouement, voire l’abnégation qui les anime au quotidien.