Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur la situation des maternités

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le président Milon et la commission des affaires sociales de nous permettre d’aborder aujourd'hui la question de la situation des maternités en France, un sujet particulièrement important pour la sécurité des enfants qui naissent et de leur mère, pour les équipes soignantes et pour l’aménagement du territoire. Ce sujet représente de multiples enjeux à la fois sanitaires et structurels.

Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2014 et le rapport d’information de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, ont tous deux pointé du doigt des anomalies en termes de répartition et de fonctionnement des maternités en France.

Si le réseau des maternités est à ce jour encore assez dense, bien qu’un certain nombre de structures aient été supprimées ou transformées au cours de ces dernières années, de nombreux centres sont aujourd’hui menacés pour des questions de rationalité et de sécurité, et ce malgré la restructuration du secteur opérée depuis de nombreuses années.

La Cour des comptes souligne que la France ne se situe qu’au dix-septième rang européen en termes de périnatalité, un positionnement qu’il faut incontestablement améliorer.

Depuis 1998, deux décrets visant à introduire des normes de sécurité plus strictes ont défini le maintien ou non d’une unité de maternité en fonction du nombre d’accouchements annuel, ce dernier devant être au minimum de 300 accouchements. Cependant, par dérogation, certaines maternités ont la possibilité de rester ouvertes si elles n’atteignent pas le seuil précité, afin que la distance soit suffisamment raisonnable entre le lieu de résidence des parents et la maternité. C’est actuellement le cas de 13 établissements en France.

La question du maintien des maternités devient tout aussi délicate dès lors qu’il s’agit d’un établissement effectuant un nombre d’accouchements légèrement supérieur à ce seuil, des établissements qu’il est convenu d’appeler « à faible activité ». C’est le cas, par exemple, de l’unité située à Saint-Jean-d’Angély, dans le département de la Charente-Maritime, aujourd’hui indirectement menacée de fermeture. J’interrogerai le Gouvernement sur ce sujet mardi prochain, car la question du maintien d’autres services hospitaliers est une condition invariable à la pérennité des maternités. Si l’unité de chirurgie de nuit de cet établissement venait à fermer ses portes, comme cela est sérieusement envisagé, cela condamnerait de fait la maternité.

C’est pourquoi il est impératif de mener une réflexion globale et non pas uniquement centrée sur les maternités, car celles-ci sont très dépendantes d’autres services hospitaliers, qui sont eux-mêmes aujourd’hui menacés. En mutualisant et en optimisant les services à la fois en termes de coûts, de personnels, de services et de juste répartition territoriale, le cercle pourrait être vertueux, mais il pourrait se révéler vicieux s’il n’était qu’un prétexte à une stricte fermeture.

La situation dans la région de Poitou-Charentes est parfaitement détaillée dans le rapport d’information de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe : nous avons un centre hospitalier universitaire très excentré, situé au nord de la région, à Poitiers, ce qui conduit certains patients, pour des raisons de distance, à se tourner vers les établissements de Nantes ou de Bordeaux. On le voit donc bien, l’équation de juste répartition territoriale est complexe à résoudre, surtout dans un contexte financier contraint.

Cela est aussi particulièrement vrai avec la baisse des parts de marché du secteur privé dans la région : la part du secteur privé est passée de 37 % des accouchements à 24 %, les cliniques, par souci de rentabilité, se désengageant progressivement de ces offres de soins.

Le secteur public a les mêmes préoccupations en termes d’équilibre financier. Considérant que l’acte d’accouchement est peu rémunérateur au regard de la politique de la tarification à l’activité en hôpital public, la nécessité du maintien de ces structures est posée. Le rapport de la Cour des comptes pointe clairement le sous-financement de l’acte d’accouchement.

Toutefois, compte tenu de l’état de nos finances publiques, il est difficile d’espérer des jours meilleurs. Les politiques de rationalisation des budgets de fonctionnement des hôpitaux sont légitimes. Malgré tout, reste évidemment posée la question essentielle de l’encadrement de la sécurité de la naissance, une préoccupation prioritaire partagée par tous.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes met en avant une couverture territoriale correcte, mais relève un mouvement de restructuration national inégalement traité, ainsi qu’une réorganisation inaboutie. Il serait donc nécessaire que l’administration centrale diligente une étude à ce sujet, afin d’analyser de manière plus approfondie les questions liées à la sécurité et au temps d’accès aux maternités.

Enfin, ce rapport évoque la durée moyenne de séjour en maternité. Outre la nécessité d’un repos et d’un accompagnement des jeunes mamans, abaisser la durée moyenne de séjour en maternité, malgré le programme d’accompagnement du retour à domicile, qui, je le rappelle, n’est pas mis en place sur l’ensemble du territoire, risque d’avoir un impact direct sur les services de protection maternelle et infantile.

Ce débat est aujourd’hui une première étape – nécessaire – du processus de réflexion que nous devons engager au travers d’états généraux ou en décrétant un moratoire national. En effet, en vue de recueillir l’ensemble des éléments nécessaires à la conduite de cette réflexion, il serait peut-être plus cohérent d’examiner la possibilité de geler toute fermeture de maternité en France, en attendant l’examen, par le Parlement, du projet de loi relatif à la santé, hormis, bien entendu, les établissements qui ne répondraient pas aux normes de sécurité requises.

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