Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur la situation des maternités

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis dix ans, la France a la chance d’avoir un taux de fécondité important, l’un des plus élevés au niveau européen, avec plus de 800 000 naissances chaque année. Ce chiffre a un sens, car la natalité assure l’avenir de notre pays, sa stabilité sociale.

Malgré la grave crise que traverse l’Europe, le succès de la natalité française est sans aucun doute le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment une politique familiale ambitieuse et un maillage territorial des services publics. Depuis 2012, des réformes ont été entreprises pour rendre plus égalitaire la politique familiale et améliorer la prise en charge de la petite enfance, afin d’assurer la pérennité de notre natalité.

La situation des maternités est un sujet important : avec autant de naissances chaque année, celles-ci sont une exigence pour un pays comme le nôtre. Le réseau des maternités, qui est au cœur de notre capacité à assurer l’avenir, a, comme l’ont souligné les précédents orateurs, un double objectif : assurer la sécurité de la mère et de l’enfant, avec la meilleure prise en charge possible, et une proximité de qualité, selon les choix des futurs parents. L’équilibre de ces deux objectifs doit être notre priorité. C’est d’ailleurs le sens de la politique que vous menez depuis 2012, madame la ministre. Le pacte territoire-santé met en avant la proximité, qui permet d’assurer un égal accès de tous au service public, et la sécurité, qui est une exigence pour chacun. Vous avez pris des engagements forts avec ce pacte, qui donne déjà des résultats positifs concernant la situation des maternités et la périnatalité.

La sécurité sanitaire est une évidence – vous la mettez d’ailleurs toujours en avant – : il est hors de question de mettre en danger les nouveau-nés et leur mère. Elle a été renforcée depuis vingt ans, avec une acuité particulière au cours de ces dernières années. Malgré cela, la France reste au dix-septième rang européen en termes de mortalité néonatale, ce que nous ne pouvons accepter. Des efforts restent donc encore à faire en la matière.

Je voudrais évoquer l’importance de l’installation et du recrutement des nouveaux médecins.

Aujourd’hui, ce sont les départs à la retraite qui sont les plus nombreux dans certains territoires. Je regrette d’ailleurs que la Cour des comptes, qui pointe ce problème, ne développe pas le sujet de l’installation et ne prenne pas en compte les dispositions que vous avez prises depuis deux ans et demi pour lutter contre les déserts médicaux. Cette situation est en effet préoccupante. Sans suivi des grossesses, sans suivi des nouveau-nés après la sortie de la maternité, les risques sont aggravés.

Le choix a été fait – il est assumé – de privilégier dans le pacte de 2012 l’incitation dans la répartition de l’installation des médecins. L’accompagnement de l’installation dans les territoires désertés par les praticiens, libéraux ou en établissement, est la bonne solution. Il faut poursuivre la mise en place progressive de ce pacte.

Reste que les déserts médicaux ne pourront se résorber durablement sans une transformation des conditions d’exercice des professionnels de santé. C’est pourquoi la mise en place de maisons de santé pluridisciplinaires va dans le bon sens. En 2015, elles atteindront le nombre de 1 000 sur notre territoire. Le soutien à ces initiatives doit être pérennisé. C’est d’ailleurs ce que vous faites, madame la ministre. Je salue donc votre travail et votre engagement sur ce sujet. Sachez que le groupe socialiste vous soutient et vous soutiendra lorsque votre projet de loi viendra en discussion au Sénat.

J’en viens à la question de la précarité. Nous savons que les soins et la prévention servent de variable d’ajustement dans le budget de certaines familles. Certaines femmes ne peuvent pas faire les visites nécessaires avant ou après l’accouchement. Elles mettent ainsi leur santé en danger. C’est la raison pour laquelle je souhaite réaffirmer le besoin d’une mesure radicale, forte, pour lutter contre la précarité des patients : la généralisation du tiers payant. Le Premier ministre et vous-même l’avez évoquée. C’est une mesure indispensable que nous soutenons. La pauvreté est encore un critère discriminant de l’accès aux soins.

Le deuxième objectif du réseau des maternités, c’est la proximité. Ce n’est pas un slogan, c’est une nécessité. Depuis une dizaine d’années, voire plus, les services publics ont fui les territoires, notamment les territoires ruraux. Les directions départementales de l’équipement sont parties, les classes uniques ont été supprimées, les tribunaux ont fermé et les gendarmeries ont disparu. Le ministère de la santé n’est certes pas un aménageur du territoire, mais si nous devions également fermer les maternités, le sentiment de déclassement et d’abandon de nos concitoyens dans les zones rurales et de montagne serait encore plus fort. Si la Cour des comptes s’interroge sur le lien entre l’éloignement des maternités et les risques encourus, il convient aussi de s’interroger sur l’éloignement entre les citoyens et la République.

Vous connaissez bien, madame la ministre, la situation de la maternité de Die, dans la Drôme. Grâce à vous, elle a obtenu un sursis de deux ans et demi, ce dont toute la population vous remercie. Supprimer cette maternité, qui pratique certes moins de 300 accouchements par an, mais qui se trouve à une heure quinze voire à une heure trente de route du principal centre hospitalier – à quoi il faut ajouter trois quarts d’heure de trajet pour les habitants des zones de montagne –, ce serait mettre en danger la population de ces territoires. Il faut sans aucun doute faire de la sécurité un axe prioritaire, mais il faut aussi donner les moyens aux maternités situées en zone rurale ou de montagne de continuer à exister. Il est essentiel de pérenniser quelques exceptions pour les territoires isolés. Si l’on veut que leur avenir soit assuré, ces maternités doivent recevoir des moyens et pouvoir embaucher, notamment des pédiatres.

Pour conclure, je voudrais dire que nous devons dépasser les préconisations de la Cour des comptes, que la commission des affaires sociales a fait siennes. En tant que parlementaires, nous devons dépasser la logique comptable, certes indispensable, mais dont on nous rebat les oreilles tous les jours, et réaffirmer la nécessaire présence des services sanitaires en zone rurale comme dans les quartiers difficiles. Pour ce faire, il est indispensable de pérenniser les budgets de la santé et des hôpitaux et de recruter de nouveaux personnels. Il y va de la survie des petites maternités et des territoires sur lesquels elles sont implantées.

Notre volonté doit être de voir nos concitoyens qui se sentent déclassés et abandonnés retrouver les chemins de la République. Face aux déserts médicaux, la République doit réaffirmer des valeurs, parmi lesquelles celle de la santé pour tous. Il est indispensable de pouvoir dire à nos concitoyens que la santé est une priorité du Gouvernement et que, à ce titre, elle sera accessible dans tous les territoires, en zone urbaine comme en zone rurale, en centre-ville comme en zone de montagne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion