Intervention de Maurice Antiste

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur la situation des maternités

Photo de Maurice AntisteMaurice Antiste :

Madame la ministre, je connais bien votre engagement en faveur des femmes, en particulier de leur santé. C’est pourquoi je ne peux que saluer cette initiative de la commission des affaires sociales d’aborder le sujet épineux des maternités en France.

Je conviens tout à fait qu’une nouvelle recomposition de l’offre de soins est à la fois inévitable et nécessaire, non seulement pour des raisons de sécurité et d’efficience, mais aussi au regard du constat dramatique de la quasi-totalité des structures déficitaires en France. Cela est d’autant plus vrai pour celles qui ont comme activité unique la naissance. Il est donc fort logique que le Gouvernement ait saisi ce brûlot à bras-le-corps dans le but de définir un nouveau cadre pour assurer sécurité sanitaire et équilibre financier.

S’agissant de la Martinique, que je représente, cette redistribution de l’offre hospitalière a conduit à la fermeture depuis 2010 de l’une des trois maternités publiques, celle du Lamentin. Malgré cette fermeture, la Martinique dispose d’une offre de soins hospitalière graduée et assez complète, avec l’existence d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal et un centre agréé pour l’aide médicale à la procréation, ces deux organismes étant très utiles à notre population.

Bien que l’offre de soins soit globalement satisfaisante en Martinique, il reste néanmoins beaucoup à faire. En effet, il convient de déplorer une mortalité infantile très élevée dans tous les outre-mer, y compris en Martinique. Par exemple, en 2012, le nombre de décès a été estimé à 2 976, soit 532 de plus que l’année précédente. Le taux de mortalité infantile est ainsi le plus élevé après celui de la Guyane : avec 8, 7 pour mille décès d’enfants de moins d’un an, soit une augmentation de 0, 3 par rapport à l’année précédente. Notre territoire présente un niveau de mortalité infantile plus de deux fois supérieur au niveau national. Celle-ci est surtout imputable à la mortalité néonatale.

Tous les indicateurs de mortalité autour de la naissance sont élevés et en augmentation sans qu’on puisse en déterminer l’origine, ni la fiabilité statistique. Ainsi, en 2010, dans le service de néonatologie du centre hospitalier universitaire de la Martinique, treize décès sur vingt-trois concernaient des prématurés de moins de trente-deux semaines et huit de moins de vingt-huit semaines. Les complications infectieuses jouent un rôle important dans ces décès, qu’il s’agisse d’infections nosocomiales ou d’infections ayant déclenché l’accouchement.

Cette situation est d’autant plus grave que, dès 2009, le conseil interministériel de l’outre-mer avait érigé en objectif prioritaire la réduction de moitié entre 2010 et 2013 de l’écart enregistré entre 2007 et 2009 entre les taux de mortalité des enfants de moins d’un an en outre-mer et en métropole. Cet objectif a été repris en 2010 dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de chacune des ARS des DOM, ainsi que dans un document d’orientation adressé à celles-ci en 2011 par la direction générale de la santé. Or, à l’heure actuelle, cet objectif n’est pas encore atteint, en raison notamment d’une insuffisante prise en considération de la situation défavorable des DOM.

Tout aussi préoccupant est le taux de naissances prématurées en Martinique, de deux à quatre fois plus élevé qu’en métropole alors que ce territoire souffre d’un déficit de médecins gynéco-obstétriciens et, semble-t-il, d’un problème d’accès aux centres de planification familiale.

Il faut se représenter aussi que seules les deux maternités publiques, celle de La Trinité et la Maison de la femme, de la mère et de l’enfant, respectivement de niveaux II et III, prennent en charge les grossesses à risque ; les deux maternités privées prennent seulement en charge les grossesses normales, compte tenu des investissements humains et matériels très importants que suppose l’accompagnement des grossesses à risque.

Enfin, un plan de retour à l’équilibre est mis en œuvre au sein du CHU de Martinique, destiné principalement à faire face aux difficultés financières. Certaines décisions prises dans ce cadre vont à l’encontre des intérêts de la population du point de vue de l’accès aux soins. Ainsi, les urgences pédiatriques de nuit doivent être fermées cette année – il est vrai qu’elles n’existent déjà plus dans les faits, compte tenu de la pénurie de pédiatres –, de même que le service de néonatalogie.

Ces fermetures devant entraîner le passage de la maternité de La Trinité du niveau II au niveau I, la Maison de la femme, de la mère et de l’enfant deviendra la seule structure prenant en charge les grossesses à risque dans toute la Martinique. Sans compter que la possible désaffection des parturientes et du personnel médical pourrait faire redescendre la maternité de La Trinité sous le seuil des 300 accouchements par an, au risque d’entraîner sa fermeture.

Ce tableau prouve combien la situation demeure préoccupante sur notre île, ce que confirme l’analyse des indicateurs régionaux : la Martinique se classe au troisième rang des régions françaises pour la fréquence des grossesses chez les mineures et au deuxième rang pour les grossesses après trente-huit ans, au premier rang pour les accouchements prématurés, au deuxième rang pour les enfants de moins de 2, 5 kilos à la naissance et au premier pour les enfants de 2 à 2, 5 kilos et au premier rang, en France comme en Europe, pour la mortalité périnatale.

Dans ces conditions, l’ARS de la Martinique a fait de la périnatalité la priorité de son plan régional de santé, qui fixe les objectifs suivants : développer une politique de dépistage et de prise en charge précoce et proximale des enfants handicapés, parvenir à une meilleure connaissance des facteurs de risque défavorables à la périnatalité, en particulier la contraception, les infections sexuellement transmissibles, l’IVG, la prématurité et la mortalité périnatale, repérer les grossesses à risque au moyen d’une approche multidisciplinaire et organisationnelle basée sur les territoires de proximité et promouvoir l’éducation à la sexualité dans l’école et au-dehors.

Madame la ministre, l’action de l’ARS de la Martinique mérite d’être vigoureusement soutenue. Je compte sur votre implication pour que l’on remédie aux maux majeurs que je viens de décrire et aux autres dont souffre la Martinique.

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