Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 4 mars 2015 à 14h30
Débat sur la situation des maternités

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative prise par Annie David en 2012, alors qu’elle présidait la commission des affaires sociales, de commander à la Cour des comptes une enquête sur la situation des maternités dans notre pays ; je salue également la suite que son successeur, Alain Milon, a donnée à cette enquête.

J’accueille avec une grande satisfaction la méthode consistant à dresser un véritable bilan d’un secteur qui n’a eu de cesse d’évoluer au cours des quinze dernières années. Un bilan des réformes mises en place : voilà ce que nous attendons, et que les élus locaux attendent ! L’analyse du passé, des réussites obtenues comme des erreurs commises, doit être, selon moi, le fondement de nos réflexions pour l’avenir de notre pays. Au demeurant, cette méthode devrait être un exemple, car nombreuses sont les réformes dont nous attendons un vrai bilan.

La Cour des comptes a accompli un travail de qualité, auquel elle a associé plusieurs chambres régionales des comptes. Le principal constat négatif qu’elle dresse est que, après plusieurs décennies de mesures destinées à garantir la sécurité des soins, la France n’occupe que le dix-septième rang européen en matière de mortalité néonatale, résultat très médiocre pour le pays d’Europe qui dépense le plus pour son système de santé. En effet, depuis 1970, la tendance est à la fermeture des petites maternités, au nom de la réduction des coûts et des risques. Le décret du 9 octobre 1998, qui prévoit la fermeture des maternités pratiquant moins de 300 accouchements par an, a relancé la politique de regroupement des maternités, sous l’effet de laquelle les deux tiers des établissements qui existaient en 1972 ont été fermés.

Je ne reviendrai pas sur le contenu et les conclusions du rapport de la Cour des comptes, qui ont déjà été largement commentés par mes collègues. Je profiterai plutôt de ce débat pour vous informer de la situation plus que préoccupante de la Haute-Normandie, en particulier du département de l’Eure, que je représente, en matière de démographie médicale.

Des sept maternités que mon département comptait dans les années 2000, il n’en reste plus aujourd’hui que quatre, ce qui est bien peu pour une population de 600 000 habitants. Songez que la densité de médecins généralistes et spécialistes dans l’Eure est la plus faible de métropole ! Quant à la Haute-Normandie dans son ensemble, elle est la vingtième région sur vingt-deux pour la démographie médicale.

L’Agence régionale de santé dresse un bilan alarmant en ce qui concerne la densité des professionnels de santé : elle comptabilise quinze gynécologues médicaux pour 100 000 femmes de vingt à quarante-cinq ans, quand la moyenne nationale est à vingt et un, et dix-sept obstétriciens pour un nombre un peu inférieur de femmes de vingt-cinq à quarante-cinq ans, contre vingt-neuf en moyenne dans notre pays. Une vingtaine de bassins de vie de Haute-Normandie présentent une densité de médecins généralistes libéraux inférieure à la moyenne nationale, et le constat est identique pour les spécialistes. C’est dire si la situation est inquiétante !

Madame la ministre, notre collègue Hervé Maurey a publié en 2013, à l’issue des travaux d’un groupe présidé par notre ancien collègue Jean-Luc Fichet, un rapport d’information relatif à la présence médicale sur l’ensemble du territoire. Vous avez partagé son constat, notamment en ce qui concerne le département de l’Eure. En 2015, la situation s’est encore dégradée, et je constate un manque de courage du Gouvernement pour mettre en place des mesures adaptées à la gravité de la situation. Le département de l’Eure est un désert médical, et la situation ne cesse d’empirer : nous manquons de gynécologues, d’obstétriciens et nous n’avons plus de pédiatres.

Difficultés dans l’accès aux soins, inégalités dans la répartition territoriale de l’offre de soins et baisse significative de la démographie médicale : telles étaient les conclusions du rapport de 2013. La situation n’a toujours pas changé, elle a empiré, ce qui est inacceptable.

Au mois de décembre 2012, vous avez lancé un pacte territoire-santé pour lutter contre les déserts médicaux. Dans mon département, plus généralement, dans la région de Haute-Normandie, nous ne pouvons que constater l’insuffisance de ces dispositions. Ces mesures incitatives n’ont pas été décisives, alors même qu’elles ont été coûteuses. Il est temps de mettre en place des mesures volontaristes à l’échelon national.

L’ARS de Haute-Normandie indique qu’il n’y a pas de problème de formation dans notre région. Un important centre hospitalier universitaire se trouve à Rouen, lequel fonctionne parfaitement. Non, le problème, c’est notamment l’évasion des professionnels de santé vers le secteur privé !

Madame la ministre, nous attendons de vraies réponses et non pas un accord sur le constat. Je vous serai reconnaissante de me faire part des mesures que vous souhaitez mettre en place pour répondre à la situation préoccupante des maternités de Haute-Normandie. Comment comptez-vous rendre attractifs les postes hospitaliers, qui, de plus en plus, restent vacants, notamment ceux de gynécologues et d’obstétriciens ? Ni vous, ni les habitants, ni les professionnels de santé, ni moi, personne ne souhaite que la Haute-Normandie reste dans cette inquiétante situation.

Le maintien des maternités, une offre de soins adaptée sont essentiels pour lutter contre la désertification de nos territoires. L’État doit abandonner les seules logiques comptables pour s’intéresser enfin aux citoyens ruraux.

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