Sur le plan social, ensuite, car la question du climat soulève un problème d’inégalités. À cet égard, on peut se demander si l’apathie des instances internationales n’est pas une certaine forme de cynisme.
C’est également un sujet de sécurité. Une étude très intéressante vient d’être publiée montrant que le réchauffement de 1 degré du climat contribue à accroître jusqu’à 7 % le risque de conflits internationaux.
C’est aussi un sujet qui concerne notre vision future de l’accès aux ressources stratégiques, et vous savez combien cela me tient à cœur. La question de la transition énergétique ou du Grenelle 3 – peu importe comment on l’appelle, du moment que l’idée nous rassemble – est, je le répète, un sujet fondamental. En la matière, l’exemple de l’Afrique est extrêmement symbolique.
Madame la ministre, je l’ai déjà dit, votre texte me laisse des regrets, parce que des sujets que j’aurais aimé voir creusés ne l’ont pas été.
À mes yeux, la question n’est pas celle de la polémique sur la date à laquelle doit intervenir la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique – 2025, comme vous le proposiez, ou 2040 –, car cette réduction notre groupe la souhaite. Nous avons d’ailleurs déposé une proposition de résolution à ce sujet. Mais, très honnêtement, ce débat est plus économique qu’écologique. D’un point de vue écologique, on peut tout à fait conclure que le nucléaire est finalement un très bon élève. Il pose certes une question de sécurité – quels risques sommes-nous décidés ou pas à assumer sur notre territoire ? –, mais je ne pense pas qu’il faille arbitrer entre le développement ou la réduction du nucléaire et les énergies renouvelables. En effet, sans modification des signaux économiques, tout particulièrement de la fiscalité, nous parviendrons à quelques améliorations, mais nous n’atteindrons pas la profonde transition écologique que la plupart d’entre nous appellent de leurs vœux.
Aujourd’hui, la France est en tête du classement en termes de prélèvements sur le travail et la production en Europe et avant-dernière en matière de fiscalité écologique. J’aimerais que ce classement s’inverse afin d’envoyer un véritable signal économique montrant qu’il vaut mieux créer de l’emploi que de polluer. Malheureusement, ce débat n’a pas eu lieu. Lors de l’examen du projet de loi de finances, on nous a dit qu’il aurait lieu pendant l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique. Aujourd’hui, on nous renvoie à la loi de finances. Cela fait quelques années que cela dure, vous n’êtes pas la première, mais, sans cette profonde modification de la fiscalité, il sera fondamentalement difficile de faire évoluer la question de l’écologie.
Le second débat que j’aurais aimé voir approfondi, mais cela a suscité des réticences sur toutes les travées de cet hémicycle, est celui de la liberté des collectivités, de leur libre droit à expérimenter des mesures hors du carcan des lois, règlements, décrets et autres arrêtés. Les élus assument leurs responsabilités : si les décisions qu’ils prennent pour mener la transition énergétique ne plaisent pas à leurs électeurs, ils ne seront pas reconduits ! Ce débat est constitutionnellement difficile, je le sais. Pour autant, est-ce une raison pour le refermer ? Les collectivités sont bien plus créatives que n’importe quelle administration, quelle que soit la qualité des membres de cette administration, et disposent de bien plus de marges de manœuvre pour mener à bien la transition.
Cela étant, nous voterons le projet de loi, même si certaines de ses dispositions me déplaisent, comme les fameux 1 000 mètres concernant les éoliennes. Le Sénat a en effet apporté de grandes améliorations à ce texte. Je pense, par exemple, à la précarité énergétique : nous avons très nettement renforcé les dispositions concernant la rénovation des bâtiments et accéléré le calendrier. Des dispositions ont également été prises en matière d’énergies renouvelables, notamment avec un meilleur partage de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et une meilleure concertation. De nombreuses mesures ont aussi été adoptées dans le domaine des transports ; je pense à la multimodalité et au développement des circulations douces.
Reste que je constate avec grand regret le traitement médiatique qui a été réservé à l’énorme travail réalisé par le Sénat. Nous avons examiné plus de mille amendements, nos rapporteurs et nos présidents de commission ont accompli un travail approfondi et les débats ont été transpartisans. Je reconnais également, madame la ministre, et vous savez combien je suis avare de compliments, que nous avons reçu une très bonne écoute de la part du Gouvernement et de l’administration. Je ne voudrais donc pas que le travail du Sénat se trouve résumé à une polémique, très politique, sur une date – 2025 ou pas 2025 –, car ce n’est pas le sujet ni l’ambition de la transition énergétique ou de ce que certains appellent le Grenelle 3.
Je le répète, nous voterons le projet de loi, tout en espérant très fortement qu’il y aura un avenir pour la fiscalité écologique et la libre expérimentation des collectivités territoriales.