Malheureusement, faire d’un ensemble de pièces de tissus recoupées et disparates un costume cohérent n’est pas des plus aisés, surtout quand certains manient le ciseau un peu frénétiquement. Nous avons ainsi un groupe spécialisé dans les coupes et les modifications de forme : 50 % de nucléaire en 2050, je coupe ; 63, 2 gigawatts pour la production de nucléaire, je rehausse le col jusqu’à 64, 85 gigawatts. On ne sait jamais, des fois qu’il fasse un peu froid l’hiver prochain…
Le refus complet par le Sénat des nouvelles tendances du renouvelable pour un repli entêté vers les modes anciennes dites du « tout-nucléaire », pourtant obsolètes partout ailleurs dans le monde, aura ainsi été une constante du débat dans notre hémicycle. Malgré la faillite d’Areva, fleuron du toujours prêt-à-porter « tout-nucléaire français », avec 5 milliards d’euros de passif – rendez-vous compte de la somme ! –, le Sénat n’aura pas soutenu la nécessité de développer rapidement de nouvelles offres industrielles à l’immense demande mondiale de développement des énergies renouvelables. Cependant, madame la ministre, je veux rendre hommage à votre éloquence, à l’occasion de la défense de l’article 1er, pour convaincre le Sénat du potentiel de création d’emplois industriels de ces filières d’avenir des énergies renouvelables.
Finalement, nous voici donc avec une confection assez étrange, à partir du costume plutôt seyant que nous avait livré l’Assemblée nationale, sur lequel vous aviez beaucoup travaillé, madame la ministre. Ainsi, les députés, avec votre approbation, ont intégré les propositions des groupes de travail du débat national sur la transition énergétique, notamment, comme l’a rappelé Chantal Jouanno, sur le rôle renforcé des collectivités territoriales, qui mèneront réellement sur le terrain cette transition énergétique.
Des ajustements nécessaires par rapport au premier patron étaient néanmoins à faire. À ce sujet, je veux aussi rendre hommage aux rapporteurs du Sénat, qui ont souvent proposé des retouches pertinentes. Des embellissements régulièrement, mais pas seulement, proposés par le groupe écologiste, souvent soutenus par Mme la ministre, ont permis de montrer que nous étions capables de travailler collectivement.
Il y a du positif dans ce que nous avons fait, mais, in fine, nous obtenons une coupe déséquilibrée et un patchwork disparate aux coutures fragiles. Nous ne sommes pas dans la haute couture, ni même dans le rapiéçage : il faudrait trouver un autre nom ! Mais à propos de non, c’est finalement pour le groupe écologiste un refus résolu de cette proposition déstructurée. Nous voterons donc contre.
Le costume qui sort du Sénat ne peut pas tenir bien longtemps. Certains le pensent même suffisamment fragilisé pour se déliter rapidement, car le projet est bien d’en rester à l’ancien costume du modèle énergétique français, dont certains, ici, ont encore le culte, malgré ses usures et le coût faramineux de son entretien. Nous préférons donc retravailler à partir du texte issu de l’Assemblée nationale, conforme au croquis du Président de la République. C’est la base pour créer un costume solide pour l’avenir, moderne et innovant, capable d’affronter toutes les variations météorologiques.