Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 5 mars 2015 à 10h30
Débat sur le thème « service civil : volontaire ou obligatoire ? »

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

… qui reviendrait non seulement à stigmatiser encore plus ces jeunes, mais aussi à piétiner, à méconnaître la force et l’essence même d’un tel service, qui réside dans la mixité sociale.

Il faut au contraire encourager et garantir le brassage social et culturel afin de permettre aux jeunes provenant de différents horizons, de différents milieux de sortir de leur cadre habituel, de leur zone de confort, et de se confronter à l’altérité.

En outre, si le service reste volontaire, comme d’autres le suggèrent, il risque de manquer sa cible, à savoir les jeunes qui rejettent le sentiment d’appartenance à la communauté nationale et qui se montrent indifférents à l’intérêt général.

Monsieur le secrétaire d’État, j’appartiens à cette génération qui n’a pas connu le service militaire obligatoire ; pour autant, j’ai volontairement intégré la réserve opérationnelle de la Marine nationale voilà douze ans et je la sers depuis lors. Mais je m’interroge : aujourd’hui, chaque jeune de notre pays aurait-il exactement la même chance ?

Conserver le caractère facultatif du service civique reviendrait à permettre aux seuls jeunes convaincus et informés des occasions que la République leur offre d’intégrer ce service.

L’enjeu du service civil est aussi de renforcer la solidarité nationale en promouvant la participation à des actions d’intérêt général. Il s’agit également de combattre l’individualisme, qui engendre incivilité et violence, et qui dilue le sentiment d’appartenance à la Nation.

Selon l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, 91 % des anciens volontaires pensent qu’ils ont pu faire quelque chose d’utile socialement, et peu d’engagés abandonnent leur service en cours de route.

Qui plus est, non seulement le service civique offre à tous la possibilité de suivre une formation, mais, pour beaucoup, il s’agit aussi de faire leurs premiers pas dans la vie professionnelle et d’acquérir, au-delà des savoir-faire, un savoir-être et un savoir-vivre.

En effet, cette ouverture vers la société est aussi une ouverture vers l’insertion professionnelle, particulièrement importante à l’heure où le chômage des jeunes explose.

Parce que le service obligatoire doit être vécu et considéré comme un atout et non comme un handicap, il convient de réfléchir sérieusement à la nature des tâches assignées aux jeunes et à la valorisation du service dans leur parcours.

On pourrait imaginer que le service inclut une découverte des institutions françaises et européennes, que bien des jeunes ne connaissent pas ou mal, ainsi qu’une sensibilisation à la vie citoyenne et politique avec la participation, par exemple, à des séances d’un conseil municipal, régional, départemental.

Des visites d’établissements publics et des rencontres avec les responsables pour découvrir l’action publique sur le terrain pourraient être mises en place. À cet égard, je crois que le Sénat aurait un rôle tout fait singulier à jouer en faveur des jeunes qui accompliraient ce service civil.

Pendant son service, le jeune pourrait aussi bénéficier d’un accompagnement personnalisé dans son projet d’avenir, ainsi que de conseils d’orientation.

Au-delà de l’indemnité financière classique, qui est nécessaire, cette étape de vie doit être gratifiante. On pourrait envisager un véritable statut du citoyen en service civique, un système de validation des acquis de l’expérience et d’obtention de différents avantages, comme une formation professionnelle ou des heures de cours de code et de conduite gratuites, ou encore le service pourrait ouvrir des droits en matière de cotisations d’assurance maladie, voire de retraite.

Enfin, le caractère obligatoire préviendrait les abus et éviterait la confusion avec le contrat précaire ou le stage.

Disant tout cela, je ne feins pas d’ignorer le coût de la création d’un tel dispositif. Mais ces budgets pourraient être dégagés par ventilation de crédits entre le soutien à la vie associative et l’éducation. L’argument financier nous semble donc être un faux argument, d’autant plus que l’investissement dans notre jeunesse est capital.

Le mois dernier, M. le Président de la République a annoncé une montée en puissance du service civique de manière à garantir une place pour chaque jeune qui le souhaite : l’objectif est ainsi d’atteindre 170 000 places disponibles d’ici à 2017.

Mais il a aussi souhaité la création d’« un nouveau contrat civique avec : la mise en place d’un service universel pour les jeunes ; la création d’une réserve citoyenne pour tous les Français […] ; et le renforcement de la démocratie participative », en précisant la nécessité de consulter les Français sur cette question par référendum.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous donc nous éclairer sur la réflexion engagée par le Gouvernement pour faire évoluer le service civique ? Le Gouvernement envisage-t-il l’instauration d’un service civil obligatoire et universel de plus en plus réclamé par de nombreuses voix, toutes couleurs politiques confondues ?

Tel est en tout cas le souhait des sénateurs du groupe UDI-UC et la position qu’ils défendent.

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