Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques jours, nous fêterons le cinquième anniversaire de la loi du 10 mars 2010, qui a institué le service civique.
La question du caractère obligatoire ou volontaire du service civique s’est récemment de nouveau posée lors des événements tragiques, ces attentats meurtriers que la France a connus en ce début janvier 2015.
Déjà, en 2005, il a fallu la crise des banlieues pour que le sujet de la mise en place d’un service civique, obligatoire ou volontaire, soit de nouveau d’actualité.
Bien qu’énoncée dans la loi d’abrogation du service militaire de 1997, initiée par Jacques Chirac, l’idée d’y substituer un service civique n’avait pas à cette époque prospéré.
Même si le choix d’une armée de métier paraissait répondre aux enjeux internationaux, je regrette, à titre personnel, la fin pure et simple du service national militaire. C’était en effet un excellent détecteur des difficultés que peuvent rencontrer les jeunes Français : l’addiction, l’endoctrinement, l’illettrisme. Il permettait un brassage social et était un moyen d’inculquer un certain nombre de principes et de valeurs qui constituent le socle de notre vivre ensemble.
J’aurais été favorable au maintien, en 1997, d’un service national militaire obligatoire d’une durée de trois mois, et non plus d’un an, assorti de dispenses pour les jeunes déjà entrés sur le marché du travail. Mais cette page est tournée et la notion d’obligation à l’égard de la jeunesse ne s’exprime plus dans les mêmes termes.
La Journée défense et citoyenneté, mise en place après la fin du service national, est une journée d’information en direction de tous les jeunes. Mais ce n’est pas sur un laps de temps aussi court qu’il est possible de repérer un certain nombre de difficultés, comme l’endoctrinement, qui est un vrai sujet d’actualité pour nous aujourd'hui.
La fin du service national a créé un vide dans l’opinion, plutôt favorable à la mise en place d’un substitut tel qu’un service civil ou civique. Mais ce service a eu du mal à se mettre en place, puisque l’on comptait, en 2006, seulement 6 298 volontaires sur les 50 000 escomptés.
De ce fait, les différents candidats à l’élection présidentielle de 2007 ont tous fait des propositions pour améliorer le dispositif.
C’est ainsi que, le 10 mars 2010, a été adoptée par le Parlement, à une quasi-unanimité, la loi relative au service civique, qui instaure donc un service non obligatoire, à destination des 16-25 ans, pour des missions d’intérêt général, d’une durée de six à douze mois.
Le service civique a pour ambition l’engagement des jeunes et la cohésion sociale.
En juillet 2014, le Gouvernement s’est fixé comme objectif d’accueillir 100 000 jeunes d’ici à 2017. François Chérèque, président de l’Agence du service civique, a alors indiqué un certain nombre de pistes pour atteindre ce chiffre, pistes qui ont été très peu reprises depuis.
Lors de sa conférence de presse du 5 février dernier, le Président de la République a déclaré souhaiter que tous les jeunes désirant effectuer un service civique puissent être accueillis d’ici au 1er juin 2015, ce qui représente entre 140 000 et 170 000 jeunes par an. Ce n’est pas mince !
Devant ces nouveaux objectifs, je suis inquiet.
En multipliant le nombre de volontaires, ne risque-t-on pas d’offrir des missions de moindre qualité et de fragiliser le dispositif, si les jeunes n’y trouvent pas leur compte ?
Le chiffre de 140 000 à 170 000 volontaires engagés me semble très ambitieux, voire irréaliste.
Avant de vouloir augmenter le nombre global de jeunes en contrat de service civique, je pense qu’il conviendrait plutôt de remplir les objectifs fixés par la loi du 10 mars 2010. En effet, la Cour des comptes, dans son rapport de 2014, pointait quelques insuffisances.
Ainsi, comme l’ont d'ailleurs souligné plusieurs orateurs, les bénéficiaires seraient moins de 25 % à ne pas avoir le baccalauréat. Seulement 17, 7 % sont issus des quartiers, contre 25 % attendus, et seulement 0, 4 % sont handicapés, alors que l’objectif était de 6 %.
Les jeunes volontaires, comme les associations ou les collectivités territoriales qui les accueillent, doivent y trouver leur compte. C’est pourquoi il convient de veiller à la qualité des missions proposées.
Par ailleurs, le service civil ne doit pas empiéter sur le marché du travail et se substituer à des emplois, comme l’indique la Cour des comptes.
Mais, surtout, avons-nous financièrement parlant les moyens de répondre à toutes les demandes ?
Le budget de l’Agence du service civique pour 2015 est de 170 millions d’euros. Permettre à 170 000 jeunes d’effectuer un service civique représenterait un coût global pour la Nation d’environ 600 millions d’euros.
Par ailleurs, rendre ce service civique obligatoire et universel pour une période de six mois coûterait de 3 milliards à 5 milliards d’euros.
Il faut rester réaliste.
Le service civique est une bonne chose. Ainsi, les attentats de janvier 2015 nous ont rappelé combien, aux côtés des familles et de l’école, la Nation se devait d’apprendre aux plus jeunes – ou de leur remémorer - qu’ils n’étaient pas de simples consommateurs de « droits », mais qu’ils avaient aussi des « devoirs » envers elle.
Le service civique est un outil intéressant, et il peut également constituer un bon moyen de mobiliser des jeunes afin de favoriser l’accès à la culture en milieu rural ou dans nos banlieues.
Je pense également au projet de loi que nous étudions actuellement concernant le vieillissement de la population : clairement, nous pourrions mobiliser les jeunes autour de cette problématique.
Je ne crois pas, cependant, que nous puissions rendre le service civique obligatoire ; il faut toutefois le rendre plus attractif pour les jeunes.
Une simplification des procédures administratives, notamment s’agissant de l’obtention de l’agrément, serait bienvenue.
La valorisation, sur le plan professionnel, de cette période et des expériences acquises durant ce service civique est également à mettre en avant.
Voilà l’ensemble des éléments que je souhaitais aujourd'hui verser à ce débat. Si nous sommes favorables au service civique, qui nous apparaît comme une bonne idée, nous craignons toutefois que les moyens, en tout cas ceux qui sont mobilisables, ne soient trop limités pour en permettre la généralisation et le rendre obligatoire.