Intervention de Jacques-Bernard Magner

Réunion du 5 mars 2015 à 10h30
Débat sur le thème « service civil : volontaire ou obligatoire ? »

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2006 a été créé un « service civil volontaire » permettant aux 16-25 ans de s’intégrer pour six, neuf ou douze mois au sein d’une organisation ayant une mission d’intérêt général ou favorisant l’insertion professionnelle, dans des secteurs divers tels que la défense, la police, la santé ou la culture. Ce service n’a pas rencontré un très grand succès, il faut bien le reconnaître.

En 2010, il a été remplacé par un « service civique » dit « engagement de service civique », toujours non obligatoire, toujours pour des missions d’intérêt général, toujours ouvert aux 16-25 ans, qui perçoivent une indemnisation d’environ 575 euros prise en charge par l’État

Ce service civique présente un grand intérêt.

Tout d’abord, il offre la possibilité aux jeunes qu’il concerne de vivre de nouvelles expériences et de s’ouvrir à d’autres horizons.

Il permet de recevoir et de transmettre le sens des valeurs républicaines et de contribuer au renforcement du lien social. Il favorise la mixité sociale, et le brassage ainsi créé permet aux jeunes d’horizons différents de se rencontrer et de se connaître.

C’est aussi une occasion de développer, ou d’acquérir, de nouvelles compétences. En effet, toute mission de service civique est accompagnée d’un tutorat individualisé et d’un accompagnement à la définition du projet d’avenir du jeune engagé.

Ainsi, le service civique, qui prend en compte les besoins et les attentes des volontaires, constitue une étape importante de leur engagement dans la société.

Cette nouvelle forme de service civique a donc rencontré un certain succès et, aujourd’hui, elle concerne environ 40 000 jeunes. Malheureusement, et nous pouvons le regretter, quatre demandes sur cinq aujourd’hui ne reçoivent pas de réponse positive.

Par ailleurs, sur l’année 2013, 60 % des volontaires avaient un niveau équivalent ou inférieur au bac, les 40 % restants étant des étudiants. Près de 18 % des engagés venaient de quartiers populaires, ce qui est sans doute insuffisant et à améliorer. En 2014, ce sont 5 000 jeunes sortis du système éducatif sans diplôme qui ont effectué une mission de service civique.

Lors de sa conférence de presse du 5 février dernier, le Président de la République a confirmé son souhait de renforcer la cohésion de la société française et annoncé sa volonté de développer cette forme d’engagement et de la rendre universelle.

Pour ma part, je suis très satisfait que notre Président ait manifesté cette volonté.

En effet, il est paradoxal de constater que, à l’heure des réseaux sociaux et de l’« hypercommunication », l’isolement et l’indifférence à l’autre figurent au nombre des problèmes majeurs. Or, c’est l’attention que l’on porte à l’autre qui cimente une nation et il paraît nécessaire qu’un « creuset républicain », un socle de valeurs communes, soit créé.

Il faut aujourd’hui se poser la question : pourquoi une partie de notre jeunesse, ou même de nos concitoyens en général, ne se reconnaît-elle plus dans les valeurs de la République ?

Je partage donc tout à fait la volonté du Président de la République et, pour cela, je souhaite que le dispositif du service civique soit amélioré.

Après la refondation de l’école en 2013 et l’introduction de la morale laïque dans les programmes scolaires, on pourrait envisager qu’une première étape du service civique se déroule à l’école, durant l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, c’est-à-dire avant 16 ans. Élément de base de l’éducation à la citoyenneté, la préparation au service civique pourrait se dérouler sur les quatre années du collège et être valorisée en faisant l’objet d’évaluations, comme toute autre matière enseignée. Le processus trouverait son aboutissement dans une étape finale qui se déroulerait sur trois mois, entre 16 et 25 ans, et permettrait à tout jeune qui le souhaite d’accéder au service civique encadré et rémunéré.

Ainsi, je souhaite que la dotation du service civique soit augmentée, ce qui permettrait de le rendre universel – tout jeune qui en fait la demande pourrait l’effectuer – mais en restant sur la base du volontariat.

En effet, pour ce service, recruter sur la base du volontariat, c’est positiver l’engagement des jeunes et considérer que ces jeunes sont une ressource. D’ailleurs, le plus souvent, les jeunes qui effectuent un service civique sont fiers d’être volontaires et de donner de leur temps. Ils insistent sur la dimension de leur engagement, ayant le sentiment de partager des valeurs positives.

Par ailleurs, il faut bien le constater, nous vivons dans un monde où la conscience de nos droits se développe de manière exponentielle tandis que décroît dans les mêmes proportions celle des devoirs. Les jeunes entrent dans une société où les « branchements sont déjà faits », le plus souvent sans avoir bien conscience de ce qu’ils doivent à la collectivité dans laquelle ils vont prendre place : les avantages qu’ils en retirent apparaissent dès lors plus comme un dû que comme une dette. Et je persiste à penser que rien ne peut remplacer l’engagement personnel, volontaire en faveur du collectif pour favoriser une prise de conscience de ce que nous lui devons.

Bien au contraire, rendre le service civique obligatoire serait, à mon avis, considérer que toute la jeunesse pose problème, ce qui, évidemment, n’est pas le cas.

François Chérèque, président de l’Agence du service civique, ne dit pas autre chose lorsqu’il indique : « La conception d’un service civique républicain obligatoire […] me semble autoritaire ou punitive pour la jeunesse ».

Par ailleurs, il paraît nécessaire de trouver des missions de qualité correspondant à la montée en puissance du dispositif, ce qui ne sera sans doute pas facile, tout particulièrement si l’on tient compte des exigences et de l’encadrement nécessaires, ainsi que de quelques malheureuses difficultés financières dont nous sommes les victimes aujourd’hui. Et là, il me semble que les collectivités ont un rôle aujourd’hui primordial à jouer.

En effet, actuellement, 7 % seulement des missions de service civique se déroulent dans des collectivités territoriales, alors que 84 % ont lieu au sein d’associations. Peut-être, sur ce sujet, monsieur le ministre, aurez-vous quelques informations, quelques précisions à nous donner sur la mobilisation des collectivités locales, nécessaires à mon avis, en particulier celle des communes.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, je milite pour un service civique universel, volontaire, ancré dans le monde associatif et les collectivités locales et prenant ses racines dans le terreau de l’école de la République.

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