Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 5 mars 2015 à 10h30
Débat sur le thème « service civil : volontaire ou obligatoire ? »

Patrick Kanner :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation, à la suite de l’heureuse initiative du groupe CRC, ainsi que de la qualité des remarques que j’ai pu entendre aujourd’hui, ce à quelques jours du cinquième anniversaire de la création du service civique.

Cette nouvelle politique publique ne souffre pas, manifestement, de graves polémiques partisanes. Le service civique a été créé, institutionnellement, par un gouvernement de droite, et ce sont les forces de gauche qui vont lui donner un nouvel essor. À cette date, mesdames, messieurs les sénateurs, 80 000 jeunes sont passés dans le dispositif et 76 millions d’heures d’engagement ont ainsi été recensées.

Dans ce moment si particulier où la cohésion nationale est pour le moins fragile, un tel dispositif n’est pas la réponse unique et miraculeuse, mais il est l’un des éléments importants de la solution, qui a du sens, parce qu’il promeut l’engagement et le service à la collectivité.

Le service civique est aussi utile aux jeunes qu’il l’est aux organismes d’accueil : utile aux jeunes, car il leur permet de se mettre au service de l’intérêt général, de développer de nouvelles compétences, de réfléchir à leur parcours ; utile aux organismes d’accueil, car les missions pouvant être confiées à des jeunes en service civique permettent de développer de nouvelles actions, qui n’auraient pas été confiées à du personnel permanent.

Je prendrai un exemple : les jeunes en service civique dans plusieurs hôpitaux, comme, à Créteil, au centre hospitalier intercommunal et à l’hôpital Henri-Mondor, accompagnent aujourd’hui des personnes malades. Ils les aident à se rendre jusqu’au lieu de consultation et à remplir les formulaires administratifs, autant de missions qui améliorent la qualité de l’accueil en milieu hospitalier. Je m’en suis récemment entretenu avec M. François Chérèque : nous avons là, manifestement, un gisement d’au moins 20 000 à 25 000 services civiques potentiels en secteur hospitalier.

Je prendrai comme autre exemple celui des jeunes qui accompagnent les ménages en situation de précarité énergétique. Ils les forment aux écogestes, apportant ainsi une plus-value essentielle à l’action des bailleurs sociaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le service civique est un outil formidable au service de l’engagement des jeunes. D’abord, parce qu’il leur donne les moyens de s’engager sur une période longue, de six à douze mois, grâce à une indemnité de 573 euros - sans oublier les droits ouverts à la sécurité sociale ainsi que les trimestres de cotisation pour la retraite -, mais aussi parce qu’il propose aux jeunes des missions à la fois utiles aux autres et à eux-mêmes.

Le service civique est une expérience de vie ; les jeunes en retirent de nouvelles compétences, de nouveaux projets d’avenir, parfois une nouvelle orientation personnelle, voire professionnelle.

Et, contrairement à une idée reçue, il y a une demande d’engagement chez les jeunes. Aujourd’hui, pour quatre jeunes souhaitant effectuer un service civique, un seul obtient une réponse favorable.

La France compte plus de 3 millions de jeunes bénévoles dans le secteur associatif, soit une augmentation de 30 % en trois ans. Leur enthousiasme à se mettre au service des autres nous oblige à apporter une réponse à la hauteur, en qualité comme en quantité.

La qualité est au rendez-vous aujourd’hui. L’enjeu, c’est de garder ce même niveau de qualité tout en visant au moins 150 000 jeunes en service civique.

Je souhaite donc que ce dispositif monte en charge dans sa forme actuelle, en termes de durée, d’indemnité, de qualité des missions, pour atteindre dès cette année un nombre de 70 000 jeunes, soit un doublement par rapport à 2014, et 150 000, voire 170 000 jeunes en 2016.

Pour se faire, dès 2015, il nous faut mobiliser 237 millions d’euros. Je tiens à vous informer que 65 millions d’euros ont été débloqués pour atteindre ce chiffre, ce qui répond à la préoccupation de M. Jackie Pierre en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, après cette phase expérimentale, il faudra en quelque sorte passer du stade artisanal au stade industriel, pour offrir à tous les jeunes qui le souhaitent l’opportunité de vivre cette expérience de vie unique qu’est le service civique.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, une mobilisation interministérielle massive est indispensable. Comme j’ai déjà commencé à le faire avec Mme Ségolène Royal et M. Bernard Cazeneuve, je vais aller vendre – permettez-moi cette expression – le service civique à tous mes collègues du Gouvernement, pour que les administrations centrales et déconcentrées accueillent des jeunes.

Aujourd’hui, 84 % d’entre eux sont accueillis dans le secteur associatif. Si l’on veut tenir nos engagements, le secteur public devra nécessairement ouvrir davantage ses portes. Je pense encore une fois que c’est une chance pour les structures d’accueil.

La question se pose aussi pour la fonction publique territoriale. Nous travaillons actuellement à un protocole d’accord avec les associations d’élus – Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France, Assemblée des communautés de France – afin de mobiliser les collectivités territoriales, car elles seront des acteurs essentiels de cette montée en charge, comme le rappelait M. Jacques-Bernard Magner.

Le service civique à l’international devra également se développer, comme l’ont souhaité Mme Lepage et M. Billout. En effet, je sais combien une expérience de mobilité à l’étranger est source d’enrichissement, combien elle participe au développement de l’autonomie et à l’émancipation des jeunes. Un travail sur ce sujet a été engagé par mes soins avec Mme Michaëlle Jean, nouvelle secrétaire générale à la francophonie.

M. Gattolin a fait part de sa réticence à ce qu’il soit fait appel à des financements privés pour assurer la montée en charge du service civique. À titre personnel, je suis favorable au développement du mécénat et des partenariats, tant qu’ils respectent les valeurs et les principes du service civique. Par exemple, la fondation Agir contre l’exclusion va financer une partie de l’ingénierie du grand programme que Ségolène Royal et moi-même avons lancé. Je pense que c’est une bonne idée et qu’il convient de permettre aux entreprises qui le souhaitent de participer à l’effort national en faveur du service civique.

En revanche, comme M. Gattolin, je considère que le financement du service civique doit relever de l’échelon interministériel. Pour ce qui concerne sa proposition de mobiliser la réserve parlementaire, j’avoue que je n’en attendais pas tant…

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