Intervention de Jean-Pierre Obin

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 5 mars 2015 à 9h00
Audition de M. Jean-Pierre Obin inspecteur général de l'éducation nationale

Jean-Pierre Obin, inspecteur général de l'éducation nationale :

Supprimer la formation initiale à l'enseignement, dans le cadre de ce qu'on a appelé la mastérisation, a été catastrophique. La situation des jeunes enseignants affectés, en premier poste, dans des zones difficiles, a été dramatique. Les chiffres officieux de l'académie de Créteil qui m'ont été communiqués hier révèlent un taux de démission dans les cinq années après la titularisation de l'ordre de 25 % chez les professeurs des écoles. Le rétablissement de cette formation initiale était plus urgent encore que celui de la formation continue. Mais les choix budgétaires effectués pour y procéder sont contestables - et le Gouvernement a hésité.

Nous avons enquêté aussi bien dans des départements ruraux que dans des zones urbaines. Nous avons eu la surprise de constater que les mêmes problèmes se posent dans les petits bourgs ruraux et dans les grandes villes. Ainsi, la principale du collège de Bourg-Saint-Andéol m'a confié qu'elle avait deux élèves juifs, mais qu'elle était la seule à le savoir, sans quoi ceux-ci ne pourraient pas rester dans l'établissement. Et, à Aubenas, le principal m'a indiqué que les minutes de silence consécutives aux attentats de New York et de Madrid avaient été gravement perturbées, y compris depuis l'extérieur de l'établissement. On m'a même signalé des chants à la gloire de Ben Laden dans un car de ramassage scolaire. Mais à l'époque, on ne nous a pas crus ! On nous répondait que ces jeunes s'amusaient, plaisantaient... Et dix ans plus tard, ils sont partis se faire tuer en Syrie. Ce qui était à l'époque un chahut confus est désormais une transgression ouvertement assumée. Lors d'une émission récente, un enseignant d'un lycée de Suresnes déclarait avoir vu ses élèves regarder les vidéos des assassinats du 7 janvier en applaudissant. Ces jeunes désormais assument leur opposition. En ce sens, on peut dire que la situation s'est aggravée.

Certes, la culture scientifique doit endiguer ce reflux de la rationalité. Quant à l'éducation aux médias, elle me semble être à double tranchant. Je suis membre du conseil d'administration de l'association Projet Aladin, créée par la Fondation pour la mémoire de la Shoah pour traduire les grandes oeuvres se rapportant à la Shoah - écrits d'Anne Franck, de Primo Levi... - dans les langues des pays arabo-musulmans, c'est-à-dire essentiellement le turc, le persan et l'arabe. Cette association se tourne désormais aussi vers la France. Elle a mené récemment une action de formation des professeurs d'histoire-géographie à l'histoire des relations judéo-musulmanes, sous la forme d'une journée de conférences à Toulouse, qui a rencontré un grand succès. Devons-nous chercher à mieux éduquer les élèves aux médias pour réduire leur croyance aux théories de la conspiration ? Demander à des journalistes de leur montrer comment une information peut être manipulée risque de les renforcer dans leur méfiance généralisée...

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