Le flou dans la définition des valeurs républicaines, que j'ai évoqué, est un obstacle à leur transmission. Même entre adultes, nous voyons que nos conceptions divergent : nous devons avoir ce débat. N'étant plus sûrs de ce qu'ils doivent transmettre, les enseignants ont tendance à se retrancher derrière une conception erronée de la tolérance. Il y a une tolérance souhaitable et une tolérance de résignation, et ces deux conceptions ne se valent pas. C'est dangereux : la version molle de la tolérance conduit à faire des concessions excessives à des idées fausses. Par exemple, la théorie du dessein intelligent et le darwinisme ne se valent pas. On peut en discuter mais, au plan scientifique, cela n'a pas la même valeur. On ne saurait accepter pareillement les deux, ce serait de la tolérance dévoyée.
L'école doit défendre l'idée selon laquelle ce qui prévaut, dans une société républicaine, c'est le débat rationnel tendu vers la recherche de la vérité utile au bien public, et non la croyance en une vérité révélée. Les enseignants doivent donc être clairs sur les mécanismes de l'argumentation et de la démonstration, y compris en sciences humaines : c'était le rôle, autrefois, de la rhétorique. Nous ne devons pas relâcher notre exigence intellectuelle. L'échange, le dialogue argumenté, tel que nous l'a enseigné la Grèce classique, est une meilleure façon de régler les différends que la violence. Nous devons donc faire une part plus importante à l'entraînement à l'échange oral, au débat, des exercices qu'on ne pratique plus guère dans nos écoles.
Ce qui renforcerait l'autorité de nos enseignants, c'est de pouvoir s'adosser à une mission clairement définie. La société doit les aider à être plus sûrs de ce qu'ils ont à faire afin qu'ils se sentent parfaitement légitimes. La formation des enseignants doit être améliorée, leurs missions mieux définies, et leur place plus marquée au sein de la communauté éducative : sortons de l'idée que l'enseignement se joue dans le tête-à-tête entre le professeur et sa classe. À cet égard, le soutien de toute la communauté éducative, en particulier du chef d'établissement, est essentiel.