Intervention de Éric Doligé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 mars 2015 à 9h06
Approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et l'organisation internationale pour les migrations portant sur l'exonération fiscale des agents de cette organisation qui résident en france — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, rapporteur :

Nous examinons aujourd'hui en première lecture le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord du 15 octobre 2010 entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) portant sur l'exonération fiscale des agents de cette organisation qui résident en France. La conférence des présidents l'a inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du 19 mars prochain et a décidé de recourir à la procédure simplifiée.

Créée en 1951 et basée à Genève, l'OIM avait pour mission première d'aider à la réinstallation des personnes déplacées pendant la Seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, elle met ses services et son expertise à la disposition des Gouvernements afin de promouvoir des migrations ordonnées, dans le respect du droit international et de la dignité humaine. L'OIM compte aujourd'hui 157 États membres et des bureaux dans plus de 150 pays.

Si ce texte est renvoyé à la commission des finances, c'est parce qu'il porte spécifiquement sur une question fiscale. Comme c'est le cas pour la plupart des organisations internationales, les fonctionnaires de l'OIM sont en effet exonérés d'impôt sur le revenu. Concrètement, cette exonération est prévue par l'accord de siège de 1954 qui lie l'OIM et la Confédération suisse. En « contrepartie », les fonctionnaires de l'OIM sont soumis à un impôt interne perçu par l'organisation.

Un problème spécifique est toutefois apparu pour les personnels transfrontaliers de l'OIM, résidant en France mais travaillant au siège de Genève. Ce problème est une conséquence indirecte et pour ainsi dire malencontreuse de l'avenant du 22 juillet 1997 à la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966. Avant l'entrée en vigueur de cet avenant, les revenus des travailleurs transfrontaliers employés dans le canton de Genève étaient en effet imposables en Suisse. Ce principe s'appliquait à l'ensemble des travailleurs transfrontaliers, les fonctionnaires de l'OIM étant alors exonérés d'impôt en vertu de l'accord de siège que j'évoquais à l'instant.

L'avenant de 1997 a perturbé cet équilibre en attribuant à la France le pouvoir d'imposer les revenus des travailleurs transfrontaliers qui ne seraient pas imposés par la Suisse - or stricto sensu, les revenus des fonctionnaires de l'OIM ne sont pas imposés par la Suisse mais par l'OIM. C'est là qu'est le problème : comme la France et l'OIM ne sont pas liés par un accord de siège permettant d'exonérer les fonctionnaires internationaux, ceux-ci se sont retrouvés soumis à une double imposition, au titre de l'impôt sur le revenu en France et de l'impôt interne de perçu par l'OIM.

Depuis le 1er août 1998, date d'entrée en vigueur de l'avenant, des mesures ponctuelles ont été prises pour remédier à ce problème, qui concerne au total une soixantaine de fonctionnaires : suspension des procédures de recouvrement, remises gracieuses consenties par l'administration fiscale, ou encore remboursement par l'OIM de l'impôt français payé par certains agents. Chacun conviendra toutefois que l'on ne peut se satisfaire de tels expédients. Par ailleurs, cette situation est source de tensions entre la France et l'OIM, cette dernière se réservant la possibilité d'augmenter la contribution de la France à son budget en compensation de l'impôt prélevé sur les travailleurs transfrontaliers.

À partir de 2008, le problème a été porté à un niveau politique, ce qui a conduit le ministre français du budget et les responsables de l'OIM à chercher une solution. Le présent accord, qui prend la forme d'un échange de lettres datées du 15 octobre 2010, en est le résultat. Celui-ci prévoit que seront dorénavant exonérés d'impôt sur le revenu en France deux catégories de personnels de l'OIM. D'une part, les fonctionnaires de l'OIM qui résident en France et travaillent au siège de Genève, c'est-à-dire les transfrontaliers. Ce premier point vise donc à résoudre les difficultés survenues avec l'avenant de 1997 à la convention fiscale franco-suisse. D'autre part, les fonctionnaires de l'OIM qui n'ont pas la nationalité française, mais qui résident en France et travaillent dans l'un des bureaux situés en France (Paris ou Marseille). Ce deuxième point est en quelque sorte l'équivalent de ce que prévoirait un accord de siège.

Il convient de préciser que l'accord contient une règle dite du « taux effectif », qui prévoit que les revenus exonérés des agents de l'OIM seront tout de même pris en compte pour l'application du barème progressif de l'impôt sur le revenu en France sur leurs autres revenus. Le caractère redistributif de notre système fiscal est ainsi préservé, comme c'est le cas avec les accords similaires.

En définitive, cet accord constitue une sorte de « retour à la normale », qui fait largement consensus : la situation actuelle n'est en effet satisfaisante ni pour l'OIM, ni pour l'administration fiscale française, ni pour les personnes concernées. Cet accord permettra ainsi de restaurer la confiance entre la France et l'OIM, quelque peu entamée ces dernières années. Tout au plus peut-on regretter que les Gouvernements successifs n'aient pas décidé d'inscrire ce texte plus tôt à l'ordre du jour - mais c'est là une raison supplémentaire de l'adopter aujourd'hui.

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