Intervention de Staffan de Mistura

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 mars 2015 à 9h45
Audition de M. Staffan de Mistura envoyé spécial du secrétaire général des nations unies pour la syrie

Staffan de Mistura, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Syrie :

J'aurais souhaité que vous me posiez une autre question que celle-ci ! J'ai en effet beaucoup hésité avant d'accepter cette mission. Ma famille considérait qu'avoir donné quarante-trois de ma vie était suffisant, et certains de mes prestigieux collègues, que je respecte énormément, ont estimé cette mission impossible. J'ai donc d'abord été tenté de refuser, mais j'ai fini par me dire que je ne pouvais le faire avant d'avoir au moins essayé ! La situation est de plus en plus complexe.

On peut toujours échouer, mais chacun doit profiter des ouvertures pour tenter d'apporter des solutions. Le Liban connaît aujourd'hui des difficultés. Si les Etats-Unis connaissaient la même proportion de réfugiés, il y aurait aujourd'hui l'équivalent de 100 millions de réfugiés en Amérique ! La Turquie en accueille 1,6 million, la Jordanie connaît de grandes difficultés, et la Syrie est sur le point de disparaître en tant que pays.

Il faut donc tenter de trouver des solutions, malgré le risque d'échec. Certaines maladies semblent incurables, et découvrir un médicament prend parfois énormément de temps. Pour autant, ne faut-il pas maintenir les patients vivants et réduire la souffrance ?

Pour en revenir à la Syrie, vous avez très bien expliqué la situation actuelle au sud du pays. Ni la communauté internationale, ni le gouvernement de Bachar al-Assad n'ont compris, il y a trois ans, que le moment était venu d'affronter une révolte encore pacifique. Comme toujours, les choses se sont compliquées du fait des interventions étrangères et du terrorisme.

La situation, ainsi que vous l'avez démontré, est terriblement complexe. Un certain nombre d'intervenants veulent continuer la guerre pour des raisons économiques, mais les choses devraient se clarifier.

La combinaison des différentes alliances est pour le moment inextricable. On n'est pas très loin de ce qui se passait lors de la guerre en Afghanistan...

S'agissant des chrétiens de Syrie, j'ai rencontré la communauté assyrienne lorsque j'étais à Damas. C'est l'une des communautés chrétiennes les plus anciennes. Songez que ses membres parlent encore la langue qu'utilisait Jésus Christ ! Il est touchant de constater qu'ils ont conservé leurs vieilles traditions.

Il est vrai que beaucoup de personnes considèrent, surtout après l'intervention de Daech, que la région était plus tranquille auparavant. Certes, mais la guerre a tout changé et Daech en a profité, en se présentant comme le seul capable de se battre contre le régime. Ce qui favorise Daech, c'est l'exclusion de certaines communautés.

En Irak, les tribus qui se sont senties exclues avaient choisi de se rapprocher d'Al-Qaida et de Zarkaoui, le gouvernement de l'époque ayant commis l'erreur de les exclure davantage encore, malgré les Américains. C'est ainsi que Daech s'est constitué. La seule façon de lutter contre cette situation est de chercher à intégrer ces populations.

S'agissant des réfugiés, je dois dire avec beaucoup de satisfaction que l'Union européenne m'a beaucoup soutenu. Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a démontré que l'Europe pouvait et devait faire quelque chose, sans attendre que les problèmes se résolvent seuls. Si Alep bouge, l'Europe est prête à intervenir en matière humanitaire, pour prouver que réduire la violence n'amène que des avantages.

Il est vrai que le nombre de réfugiés a énormément augmenté, mais les oublier au bout de quatre ans de guerre serait une tragédie ! On doit expliquer à nos gouvernements, qui contribuent au financement de certaines opérations, qu'il faut garder espoir. Cette région ne doit pas devenir la Somalie. On ne doit pas attendre que tout soit fini en se voilant la face ! La Syrie ne faisait plus la une de l'actualité ; c'est Daech qui l'y a ramenée. Ma plus grande crainte aujourd'hui est qu'on oublie à nouveau ce pays.

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