Intervention de André Reichardt

Réunion du 11 mars 2015 à 14h30
Agence france locale — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en première lecture a l’avantage, si rare qu’il faut le souligner, d’être consensuelle. Il faut dire qu’il n’y a guère de difficulté à veiller à sécuriser les conditions de participation des élus représentant leur collectivité territoriale dans les instances dirigeantes de l’Agence France locale. La commission des lois a toutefois adopté un amendement sur lequel je reviendrai dans un instant.

Aussi l’intérêt de ce débat me paraît-il résider surtout dans le point qu’il nous permet de faire sur l’action de l’Agence. Créée et pilotée par les collectivités territoriales, cette agence a été conçue pour permettre à ses membres de réaliser des emprunts sécurisés et simplifiés grâce à un accès mutualisé au marché obligataire.

Plusieurs collectivités avaient expérimenté dès 2004 le financement direct sur les marchés, via des opérations groupées d’appel au marché obligataire. À la suite de la tourmente de 2008, plusieurs grands élus locaux ont pris l’initiative de créer, en avril 2010, l’Association d’étude pour l’Agence de financement des collectivités locales afin de poursuivre et d’approfondir cette démarche. Enfin, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a autorisé la création de ce qui est devenu l’Agence France locale.

À la fin de l’année 2013, les deux sociétés nécessaires au fonctionnement du groupe Agence France locale ont été créées. Au départ, on ne comptait que onze membres fondateurs, mais plusieurs augmentations de capital ont permis de porter le nombre de membres à quatre-vingt-onze. C’est ainsi que – permettez au sénateur alsacien que je suis de le relever – l’eurométropole de Strasbourg a adhéré à l’Agence à la fin du mois de novembre 2014, de même que trois autres collectivités territoriales haut-rhinoises. Il s’agit d'ailleurs de collectivités plutôt petites, ce qui contredit l’idée selon laquelle l’Agence s’adresse essentiellement aux grandes collectivités.

Dans le même temps, différents chantiers ont été engagés par l’Agence : recrutement des équipes, choix et mise en place du système d’information bancaire, préparation de l’émission obligataire inaugurale, dépôt d’un dossier d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Celle-ci a délivré à l’Agence un agrément d’établissement de crédit le 22 décembre 2014 afin de lui permettre de lever des fonds sur les marchés obligataires et d’octroyer – je me permets de dire « enfin », car ce fut long – les premiers prêts aux collectivités. Récemment, une autre étape a été franchie : l’Agence a fait l’objet d’une notation financière par l’agence Moody’s.

L’ambition de l’Agence est d’être durablement au service des collectivités et de leurs besoins de financement, en complément du secteur bancaire. Qu’en est-il vraiment ? Nous le savons, l’Agence a été créée sur les ruines de Dexia dans un contexte financier difficile – Pierre-Yves Collombat l’a rappelé –, notamment pour les collectivités territoriales, dont beaucoup étaient engluées dans des emprunts toxiques. Ces collectivités avaient des difficultés à faire face à leurs obligations ; nombre d’entre elles, voire toutes, ne trouvaient plus les liquidités suffisantes pour financer d’éventuels projets.

Aujourd’hui, la situation n’est naturellement plus la même. Les liquidités sont revenues, la Caisse des dépôts et consignations participe à nouveau au financement des collectivités et les taux des emprunts sont à un niveau historiquement bas. Pour l’eurométropole de Strasbourg, qui a souscrit au capital de l’Agence à hauteur de 2 437 053 euros payables en trois fois – en 2014, 2015 et 2016 –, l’Agence a-t-elle encore un véritable intérêt ?

Présentée à l’origine comme une alternative aux prêts toxiques, l’adhésion à l’Agence ne poursuit assurément plus le même objectif. Il existe actuellement un large panel de solutions et de produits de financement à taux intéressants et sécurisés. Dès lors, l’adhésion à l’Agence France locale ne paraît plus être une opportunité de crédits supplémentaires pour des collectivités qui ont à faire face à une situation financière difficile, comme c’est le cas de l’eurométropole, qui connaît une envolée de sa dette très importante depuis 2008. Ce n’est malheureusement pas fini, puisque, selon mes informations, la situation va encore se dégrader de façon considérable d’ici à 2017.

Dans de telles situations, il est bien évidemment indispensable de porter une attention soutenue aux taux de refinancement pratiqués par l’Agence afin de les comparer aux taux proposés par le secteur bancaire traditionnel. Sur ce plan, je dois dire que nous sommes encore dans le flou le plus total, puisqu’aucune émission n’a encore eu lieu. Il faudra y être d’autant plus attentif que, comme certains l’ont rappelé, l’Agence France locale met en œuvre un dispositif de garantie solidaire, c’est-à-dire que si une collectivité est défaillante, ce sont les autres membres qui en supporteront les conséquences. En commission des lois, nous avons abordé le sujet…

Pour le reste, comme je l’ai déjà dit, la proposition de loi ne pose guère de problème. Elle vise deux objectifs précis : sécuriser les conditions de participation des élus représentant leur collectivité et les protéger du risque de qualification d’entrepreneur de service local. Sur ces points, le groupe UMP est d’accord. Il est naturellement utile de souligner que les élus n’agissent pas pour leur compte, mais pour leur collectivité.

Certes, comme M. le rapporteur l’a rappelé, un dernier objectif de la proposition de loi, à savoir la responsabilité civile liée à la mission de représentation des élus, a été discuté en commission. Le texte initial disposait que cette responsabilité devait pouvoir incomber à la collectivité territoriale que ces élus représentent. Or ce transfert de responsabilité civile doit être exclu, cette disposition étant incompatible avec la directive européenne Résolution, qui sera prochainement transposée. Sur ce point, la commission des lois s’est donc conformée au droit européen, avec l’accord de notre collègue Gérard Collomb, auteur de la proposition de loi.

Dès lors, avec cette modification, le texte ne pose plus de problème aux membres du groupe UMP, qui le voteront.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion