Cette réforme repose sur un principe extrêmement clair : l’allégement de la taxation de la détention du patrimoine, en particulier pour les contribuables qui se situaient jusqu’à présent à la lisière de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ; en contrepartie, nous renforcerons l’imposition sur la transmission des patrimoines les plus importants.
Notre fiscalité sera donc plus juste, avec un impôt de solidarité sur la fortune recentré sur les patrimoines les plus importants. Elle sera ensuite marquée du sceau de la simplification, puisque les formalités auxquelles seront soumis les contribuables seront très nettement allégées. Enfin, elle sera plus efficace : si la taxation sera, certes, significative, elle ne s’apparentera pas pour autant à une spoliation qui nuirait non seulement à l’équité de notre système fiscal, mais aussi à la compétitivité de notre pays.
Je suis heureuse de constater que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire s’inscrit, lui aussi, dans ces trois axes que le Président de la République avait lui-même définis pour la présente réforme, qu’il a voulue et lancée. C’est la raison pour laquelle, lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale, je n’ai présenté que des amendements de nature technique ou rédactionnelle, destinés à tirer les conséquences du vote du Parlement. Ces amendements, au nombre de cinq, ont tous été adoptés et sont joints au texte soumis à la Haute Assemblée.
Comme le souhaitait le Président de la République, le texte adopté en commission mixte paritaire permettra de rénover en profondeur l’ISF et, en conséquence, de supprimer le bouclier fiscal.
Ce dernier avait en effet été conçu, vous vous en souvenez, pour limiter les effets pervers de l’ISF, que vous connaissez parfaitement. Je rappellerai simplement que l’assiette et le taux de cet impôt le rendaient extrêmement sensible à la hausse des prix de l’immobilier, ce qui conduisait à faire entrer dans le champ de l’ISF des foyers dont la résidence principale constituait l’essentiel du patrimoine. De même, le barème actuel aboutissait dans les faits à taxer de manière excessive des actifs au rendement faible. Quant aux modalités de déclaration, elles étaient excessivement complexes et faisaient naître une très forte insécurité.
Ces effets pervers ont été reconnus par tous les Gouvernements, de droite comme de gauche, je tiens à le souligner. C’est la raison pour laquelle nous avons tous cherché, année après année, à les corriger à la marge. Dès 1989, le principe d’un plafonnement en fonction du revenu avait ainsi été retenu. Et c’est dans cet esprit, mais sous une forme plus aboutie, qu’a été créé puis étendu le « bouclier fiscal », qui garantissait que nul n’aurait à payer plus de 50 % de son revenu en impôts directs.
Si, en 2007, nous avons eu le courage d’apporter une réponse, certes imparfaite mais pragmatique, à l’éternelle question des effets pervers de l’ISF, nous optons aujourd’hui, sous l’impulsion du Président de la République, pour une réforme plus profonde de l’imposition sur le patrimoine.
L’esprit qui nous anime reste le même : une croyance ferme dans le principe de justice fiscale. Nous allons jusqu’au bout de ce principe ! Nous sommes en effet convaincus qu’un système fiscal est juste lorsqu’il taxe plus fortement les plus hauts patrimoines. Mais nous savons aussi qu’un impôt qui devient confiscatoire perd toute légitimité. La justice et la spoliation ne peuvent faire bon ménage. Notre devoir consiste donc à trouver un équilibre entre la nécessaire progressivité de notre système d’imposition, qui doit taxer plus ceux qui gagnent plus, et le respect du travail et de la propriété de chacun.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de refondre notre fiscalité du patrimoine et de supprimer le bouclier fiscal, tout en prévoyant, à destination des ménages modestes qui bénéficiaient de ce dernier, un dispositif spécial leur permettant d’entrer dans le champ d’un plafonnement particulier de la taxe foncière.
De même, le relèvement de 800 000 euros à 1 300 000 euros du seuil d’assujettissement à l’ISF permettra d’exclure tous les foyers dont le patrimoine se situait à la limite du champ d’imposition : l’élévation des prix de l’immobilier ne suffira donc plus à rendre un foyer redevable de l’ISF. Là encore, nous apportons des réponses pragmatiques à nombre de Français qui craignaient des répercussions fiscales à la hausse de la valeur de leur résidence principale, qui ne faisait toutefois qu’augmenter leur patrimoine de manière virtuelle.
Quant au barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, il sera considérablement simplifié. Il n’y aura désormais plus que deux taux d’imposition : le premier sera de 0, 25 % du patrimoine net quand la valeur de ce dernier est comprise entre 1, 3 million et 3 millions d’euros. Pour un patrimoine de plus de 3 millions d’euros, ce sera un taux de 0, 5 % qui sera appliqué.
Ce passage de six à deux taux seulement limitera en outre les effets de seuil et rendra l’impôt beaucoup plus prévisible pour les contribuables eux-mêmes. Il s’agit d’une véritable avancée : un impôt plus prévisible et fondé sur des principes compréhensibles, c’est un impôt plus légitime et mieux accepté. Et, en matière de fiscalité, plus encore qu’en toute autre matière, nous avons tout à y gagner.
Je sais que, sur certaines travées de cet hémicycle, on attache peu d’importance à cette question. C’est une erreur : oui, la solidarité fiscale est une exigence ; oui, l’imposition des patrimoines les plus importants est une nécessité sociale ! Au moment même où le redressement de nos finances publiques s’impose comme un impératif absolu, nous avons tous le devoir de contribuer à la réduction des déficits en fonction de nos facultés. Mais tous les contribuables, quel que soit le niveau de leurs revenus ou de leur patrimoine, ont aussi le droit de connaître le montant de leur impôt et d’en comprendre les fondements ; c’est la moindre des choses.
Pour notre part, nous avons fait des choix clairs : nous préférons taxer la transmission du patrimoine plutôt que sa détention. La réforme de l’ISF sera donc financée grâce à une taxation plus importante des donations et des successions pour les hauts patrimoines.
Ainsi, la réforme issue du compromis trouvé en commission mixte paritaire propose, d’abord, d’augmenter de cinq points les tarifs applicables aux deux dernières tranches du barème d’imposition des successions et donations consenties en ligne directe.
Elle propose ensuite de supprimer les réductions de droits de donation accordées en fonction de l’âge du donateur, sauf dans une hypothèse : lorsque le donateur transmet, avant l’âge de 70 ans, les titres de son entreprise en pleine propriété dans le cadre d’un engagement de conservation.
Elle propose enfin d’augmenter de six à dix ans le délai de rappel des donations. Ce régime a été aménagé par la commission mixte paritaire, afin d’instituer une entrée progressive des donations antérieures dans le mécanisme du rapport fiscal décennal.
Enfin, ce projet de loi étend le champ de la solidarité par l’impôt en luttant contre un certain nombre des pratiques qualifiées pudiquement « d’optimisation fiscale ». Je pense en particulier à l’exit tax, que nous venons de créer et qui permet de priver les exilés fiscaux du bénéfice de leur expatriation en les taxant comme s’ils n’avaient jamais quitté la France. En pratique, les plus-values constatées lors d’un transfert de domicile hors de notre pays seront bel et bien imposées.
Permettez-moi d’insister sur ce point, car, là aussi, il s’agit d’une avancée considérable en direction d’une plus grande équité de notre système d’imposition. Oui, la France se doit d’offrir un environnement fiscal compétitif. Mais être compétitif, c’est aussi se donner les mêmes armes que nos voisins européens pour lutter contre le zapping fiscal, qui conduit certains à profiter ici et là des dispositifs les plus attractifs et à mettre en concurrence les cadres nationaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce point également, nos débats ont été de très grande qualité ; ils ont permis d’affiner et de renforcer le dispositif que nous proposions.