Les auteurs de cet amendement et de ce sous-amendement abordent une question dont personne ne nie l’importance, à commencer par la commission des lois. Pour autant, celle-ci n’a pas pu se saisir de cette question qui semble relever de sa compétence ; or elle aurait souhaité l’étudier de manière plus approfondie.
Je relèverai un autre point formel : cette disposition dépasse le cadre de cette proposition de loi qui concerne principalement l’enfance en danger, ce qui n’est pas forcément le cas des enfants de kafala. Elle aurait davantage vocation à s’inscrire dans une réflexion globale sur l’adoption, dont vous avez explicitement admis la nécessité, mes chers collègues, lorsque vous avez rejeté un certain nombre d’amendements portant sur l’adoption simple ou l’adoption plénière lors de l’examen des précédents articles.
Je vous invite donc à rejeter l’amendement n° 38 rectifié ter et le sous-amendement n° 45 rectifié bis, mais cette prise de position ne vise pas à exclure définitivement et radicalement l’étude de cette disposition. En effet, l’institution de la kafala, je le rappelle, est une curiosité, car il s’agit d’une institution de droit coranique. En adoptant cet amendement, nous donnerions l’impression de faire échec, par le biais du droit français, à une volonté du droit coranique, ce qui pose de nombreuses difficultés à mes yeux.
Tout d’abord, je crains que, dans le cadre de cette institution, beaucoup moins d’enfants ne soient à l’avenir confiés à des ressortissants français.
Ensuite, il faut envisager les difficultés qui pourraient surgir en matière de droit international privé. Imaginons que l’oncle, qui a vocation, en droit coranique, à devenir celui qui recueille l’enfant, réside en Algérie, au Maroc ou dans un autre pays. Vous allez créer un conflit de lois entre l’application du droit coranique et l’application du droit français.
Cet amendement et ce sous-amendement procèdent tous les deux d’une excellente initiative, mais ils méritent un débat beaucoup plus approfondi, qui justifierait peut-être même que nous engagions une réflexion avec des partenaires internationaux. Je vous suggère donc de ne pas adopter ces dispositions pour préparer une réflexion beaucoup plus large.
Mes chers collègues, puisque vous avez décidé, lors de la séance du 28 janvier 2015, de renvoyer toutes les dispositions qui touchaient à l’adoption simple et à l’adoption plénière à un débat d’ensemble, nécessaire pour garantir la cohérence de notre dispositif juridique, pourquoi ne pas intégrer à ce débat la réflexion sur un autre système, celui de la kafala, qui constituerait une troisième possibilité d’adoption ?