Nous en arrivons à l’examen d’un article concernant l’inceste. Je dois vous dire, à cette occasion, comment j’ai personnellement évolué. Le juriste que je reste pensait – ce qui est d’ailleurs exact en droit – que l’inceste recevait une sanction dans notre code pénal et qu’il n’était pas utile d’en rajouter. Pour autant, j’ai parfaitement compris la position des personnes qui souhaiteraient que le mot « inceste » figure dans le code pénal. Je pense effectivement qu’il faut que la loi soit adaptée, le plus souvent possible, au vocabulaire courant.
Hier, lors de l’examen dans cet hémicycle d’une proposition de loi concernant le signalement, par les médecins, des cas de maltraitance sur les enfants et tendant à les exonérer de toute responsabilité pénale, civile ou disciplinaire, je vous ai dit que ce texte ne modifiait pas le fond du droit, mais qu’il présentait l’avantage de l’éclairer par une rédaction nouvelle.
Dans le cas de l’inceste, je vous dirai la même chose. Je suis tout à fait prêt à réétudier la question afin que le mot « inceste » figure dans notre code pénal. Pour autant, nous ne pouvons pas négliger la dernière décision du Conseil constitutionnel sur ce point. Nous ne pouvons pas, me semble-t-il, intégrer immédiatement la notion d’inceste dans le code pénal sans engager au préalable une réflexion très large, que les rapporteurs n’ont pas pu mener dans le cas présent, puisqu’ils n’ont pas pu organiser d’auditions sur ce point. C’est tellement vrai que, si nous l’intégrions sous la forme de cet article 22, nous prévoirions une répression pénale de l’inceste commis entre cousins germains. Or j’appelle votre attention sur le fait, d’une part, que l’inceste n’est pas forcément une violence sexuelle et, d’autre part, que les cousins germains peuvent se marier : si l’article 22 était adopté tel quel, ils se trouveraient alors en situation d’inceste.
Vous voyez donc que la réflexion n’est pas du tout aboutie dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle tant la commission des lois que la commission des affaires sociales avaient décidé que ces dispositions seraient discutées en séance publique, afin que nous puissions débattre de cette situation, mais qu’il ne s’agirait que d’un débat préalable à un débat beaucoup plus technique sur l’incorporation du mot « inceste » dans le code pénal. Aujourd’hui, tout le monde est prêt a priori à franchir ce pas, mais nous ne le ferons que si notre démarche est bien assurée.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de différer l’inscription de cette infraction dans notre code pénal. J’ajoute que, dans un amendement qui viendra ensuite en discussion, le mot « inceste » a été affublé d’un pluriel, ce qui pourrait laisser entendre qu’il existe plusieurs types d’infraction répréhensible dans les situations d’inceste, entraînant donc plusieurs types de répression. Vous voyez bien que la réflexion n’est absolument pas aboutie.
Pour autant, même si vous me suivez en adoptant cet amendement de suppression, nous aurons indiqué à ceux qui souhaitent cette évolution que nous les avons entendus.