Intervention de Jacques Grosperrin

Commission mixte paritaire — Réunion du 11 mars 2015 à 16h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi portant transformation de l'université des antilles et de la guyane en université des antilles ratifiant diverses ordonnances relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l'enseignement supérieur

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Être efficace, oui, avancer dans le bon sens et rapidement, bien sûr ; mais sans précipitation, pour ne pas risquer de mettre en difficulté l'université des Antilles. La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat avait adopté un texte équilibré. En séance publique, le texte a été voté à l'unanimité, nos collègues communistes s'étant abstenus.

Un dialogue constructif a été noué avec le rapporteur initial de l'Assemblée nationale, M. Christophe Premat. Votre commission a adopté sans modification le texte transmis et donné un avis négatif aux amendements du Gouvernement tendant à modifier l'article 1er sur deux points : la prise en compte des surfaces dans la répartition des dotations entre pôles et la suppression du ticket. Au terme de vifs débats, le deuxième amendement a malgré tout été adopté et le ticket supprimé. Or, veut-on donner à l'université des Antilles une chance de réussite ou pas ? L'idée du ticket n'est pas sortie d'un chapeau, elle est le résultat d'une réflexion approfondie pour garantir l'unité de l'établissement tout en respectant l'autonomie des pôles.

Le système de désignation actuel des vice-présidents de pôle a conduit à la scission de la Guyane et il conduira logiquement, s'il n'est pas modifié, à la scission de la Guadeloupe. J'en viens à me demander si les opposants au ticket ne le souhaitent pas, sans se l'avouer... Aujourd'hui, les conseils consultatifs de pôle désignent déjà dans les faits leurs vice-présidents. Malgré l'ordonnance n° 2008-97 du 31 janvier 2008, le président de l'université n'a jamais pu faire de réelle proposition et le conseil d'administration se contentait de valider le choix des conseils consultatifs de pôle. Comme ont pu le constater sur place Mme Dominique Gillot et M. Maurice Antiste dans le cadre des travaux de la mission d'information sur l'UAG, ce système a échoué : l'absence de cohérence stratégique entre les vice-présidences de pôles et la présidence a miné l'UAG et explique en grande partie la scission du pôle guyanais. À force de s'opposer systématiquement à toute redistribution des ressources entre composantes mieux dotées et déficitaires, les vice-présidents ont fait échouer tout projet de solidarité : les Guyanais sont donc partis.

Or, l'ordonnance du Gouvernement de 2014 propose de reproduire ce système. Elle l'aggrave même puisqu'elle exclut désormais tout pouvoir de proposition du président et empêche le conseil d'administration de se prononcer sur les vice-présidences. Le vice-président de pôle fait partie du bureau de l'université : ce serait la première fois en France qu'un membre du bureau d'une université ne serait pas élu par le conseil d'administration. De plus, les adaptations doivent se situer dans le périmètre de l'article 73 de la Constitution, pour ce qui concerne les collectivités antillaises. Il y a donc des limites à ce qu'il est imaginable de faire. Le ticket, parce qu'il maintient la désignation des vice-présidents de pôle par l'ensemble du conseil d'administration, reste dans les limites de l'article 73. Leur désignation par les pôles s'en écarterait dangereusement. Est-ce cela que l'on veut ?

En second lieu, c'est parce que les pôles se voient désormais reconnaître une autonomie renforcée, avec un vrai contenu, qu'il faut s'assurer de la cohérence entre les stratégies de pôles et le projet global de l'établissement. Le ticket répond à ce souci.

Pour que le nouveau président puisse présider, il doit pouvoir mettre en oeuvre un projet ambitieux d'établissement. La répartition équitable des moyens et la mutualisation seront cruciales. Sans le soutien des deux vice-présidents de pôle, aucun mécanisme de solidarité ne pourra être mis en place. Si l'université ne peut pas fonctionner sur un mode fédéral, les querelles intestines perdureront et nous assisterons dans cinq ou dix ans, voire avant, à une nouvelle scission, douloureuse et coûteuse. À l'heure où les regroupements universitaires sont la priorité, il serait incompréhensible de se tirer ainsi une balle dans le pied.

Enfin, dans un an, de nouvelles élections auront lieu et le conseil d'administration sera renouvelé. Conformément au principe d'alternance, le prochain président devra être guadeloupéen. Il aura tout intérêt à bénéficier du système du ticket : il pourra proposer au conseil d'administration un vice-président martiniquais qui partage sa stratégie.

Tous les arguments plaident pour cette formule, la seule qui garantisse la cohérence stratégique de l'établissement et l'autonomie des pôles. Ne prenons pas le risque de créer une université de façade, une coquille vide dont les coûts ne seront plus forcément justifiés. Je vous propose donc d'en revenir à la rédaction du Sénat.

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