Intervention de Marc Schwartz

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 11 mars 2015 à 15h00
Rapport du groupe de travail interministériel sur l'avenir de france télévisions à l'horizon 2020 — Audition de M. Marc Schwartz conseiller référendaire à la cour des comptes

Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour des comptes :

Je partage entièrement le sentiment exprimé par David Assouline sur l'absence d'une chaîne d'information en continu sur le service public, qui s'explique par l'histoire heurtée et difficile que vous connaissez. Avec 4 500 journalistes au niveau national et international, nous disposons pourtant des moyens nécessaires à sa création. Les enquêtes d'opinion montrent que les Français s'informent d'abord par la télévision (55 %), loin devant Internet (22 %), la radio et la presse (4 %). Ces chiffres sont particulièrement inquiétants pour la presse écrite, mais tel n'est pas le sujet de nos travaux. Ils approfondissent ensuite leur niveau de connaissance avant tout grâce aux journaux télévisés des grandes chaînes, les chaînes d'information continue n'étant citées que par 18 % des sondés. Toutefois, leur rôle va croissant en matière d'information « à chaud » de nos concitoyens, ainsi que l'ont montré les événements dramatiques du mois de janvier. Alors même que l'information est considérée comme la première mission du service audiovisuel public, il y a donc une contradiction. Je le redis, nous disposons des ressources pour créer une ou deux chaînes d'information continue en plus de France 24. Il existe d'ailleurs un projet « Info 2015 » qui prévoit l'installation d'une chaîne publique d'information numérique d'ici à la fin de l'année, à moyens financiers et humains constants. La question de la création d'une telle chaîne sur la voie hertzienne mérite d'être posée dans le cadre de la réorganisation du « bouquet » de chaînes de France Télévisions comme à l'occasion de l'examen des « feuilles de route » présentées par les candidats à la présidence. Il est légitime que l'État actionnaire, qui assure 80 % du financement du groupe, lui fixe des objectifs par décret et contractualise avec sa direction par le biais du COM et, plus largement, se préoccupe de l'avenir des missions du service public de l'audiovisuel. De même, comme le prévoit désormais la loi, la désignation du président-directeur général par le CSA, doit se faire sur la base de son projet stratégique.

S'agissant de vos interrogations sur l'élargissement de l'assiette de la redevance, je vous répondrai qu'il me semble essentiel qu'une recette demeure affectée à l'audiovisuel public, comme c'est le cas dans les autres pays européens, afin de la sanctuariser. L'évolution de la redevance vers un impôt non affecté constituerait un risque certain.

La question de l'offre en direction des jeunes est plus délicate, monsieur Gattolin, puisqu'il faut s'adresser à l'ensemble de la population, tout en tenant compte de la fragmentation de la demande. Les comparaisons internationales le démontrent : les télévisions généralistes ont un rôle irremplaçable dans des sociétés de plus en plus fragmentées, mais la fragmentation commande une offre dédiée - on le voit très bien avec les enfants, qui regardent plus volontiers Gulli, chaîne en grande partie consacrée aux dessins animés, avec une ligne éditoriale cohérente - et l'enjeu consiste à agréger cette offre dédiée à l'offre généraliste. C'est du reste la force des stratégies de bouquet, articulant des chaînes généralistes et thématiques, avec une disponibilité et une accessibilité sur tous les supports, ce que les spécialistes appellent « l'hyperdistribution ».

Avons-nous pris en compte les analyses du CSA et les audits internes ? Oui, et nous leur avons même fait une bonne place dans notre rapport, en particulier au bilan quadriennal du CSA et à tout ce qui concerne les aspects éditoriaux de l'analyse. L'État fixe le cadre stratégique, en explicitant ses attentes mais aussi les moyens sur lesquels les acteurs vont pouvoir compter dans les années à venir : à cet égard, la définition du cadre budgétaire par Michel Sapin est une première, qui va dans le bon sens.

Les missions de service public risquent-elles de s'amoindrir ? Je crois que les priorités s'édulcorent en devenant trop nombreuses, qu'il faut alors se recentrer sur le coeur des missions de service public - et le cahier des charges est bien le cadre approprié pour énoncer clairement ces priorités.

Je crois tout à fait, ensuite, aux vertus de l'audit interne, j'en ai fait l'ample expérience en installant la procédure au sein de France Télévisions, lorsque j'y étais directeur financier ; l'audit interne relève moins du contrôle que de l'analyse des risques et de la recherche de solutions propres à en prémunir l'entreprise : cette fonction est devenue essentielle en interne, France Télévisions l'a bien compris et s'y est récemment exercée avec l'analyse des films et des émissions qu'elle coproduit.

L'offre télévisuelle publique se banalise-t-elle à mesure que l'environnement devient plus concurrentiel ? La télévision publique couvre quasiment tout le spectre de l'offre, même si le sport y est en net recul, tout comme il décroît sur les autres chaînes gratuites - TF1, par exemple, a diminué ses investissements de 70 % dans le sport. La télévision publique tient désormais sa singularité non plus de la nature de son offre mais de la manière dont elle présente ses programmes : c'est bien là qu'elle doit se différencier pour maintenir son audience.

Peut-on encore réformer la télévision publique ? Oui, à l'évidence, j'en suis profondément convaincu ; et je crois que France Télévisions a déjà fortement évolué après avoir traversé des difficultés importantes.

La situation de France 3 est largement développée dans notre rapport, nous soulignons le caractère unique de cette chaîne, ses avantages et l'atout qu'elle représente pour le groupe tout entier, ainsi que l'adhésion des Français à ses programmes. Cependant, nous ne cachons pas l'importance des enjeux de renouvellement et de réorganisation, en faisant de la réforme territoriale non pas un modèle obligatoire, sur lequel la chaîne devrait se caler, mais l'occasion d'une réflexion de fond sur les missions et leur déploiement territorial ; France 3, en particulier, doit accompagner l'émergence de nouvelles régions, mais aussi tenir compte de l'évolution des bassins de vie.

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