Intervention de Bruno Bézard

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 mars 2015 : 3ème réunion
Audition de M. Bruno Bézard directeur général du trésor

Bruno Bézard, directeur général du Trésor :

Merci de me recevoir. Un mot d'abord sur la réforme de structure des banques, complexe techniquement et sensible politiquement. En adoptant, conformément à l'engagement du Président de la République, la loi du 26 juillet 2013 qui oblige à séparer avant le 1er juillet 2015 les activités de marché spéculatives des banques de celles dites « utiles à l'économie », la France a été précurseur dans le monde. Je vous sais sensible à l'application des lois que vous votez : le décret du 8 juillet 2014 a fixé le seuil d'application de la loi, qui s'imposera aux établissements dont la part des activités de négociation sur instruments financiers excède 7,5 % de leur bilan. Seront ainsi concernés les principaux groupes français : BNP Paribas, BPCE, Crédit agricole, Crédit mutuel, HSBC France, Société générale, etc. L'arrêté du 9 septembre 2014 a complété les mécanismes de mise en oeuvre de la loi. Le dispositif est donc en cours de déploiement. À compter du 1er avril, les établissements devront transmettre à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la cartographie de leurs activités, et chaque trimestre une série d'indicateurs d'activité et de risques de leurs opérations de tenue de marché.

La réforme ne raisonne pas en fonction du volume d'activité - ce qui serait une approche un peu rustique. Elle impose des règles strictes de contrôle interne, et habilite le superviseur à contrôler les activités de marché. Nous avons là une divergence avec le projet de règlement de la Commission européenne de janvier 2014, qui prévoit - ou prévoyait, je ne sais pas comment il faut désormais en parler - une séparation quasi automatique des activités bancaires selon un unique critère de taille : on pénaliserait ainsi certaines activités de tenue de marché utiles, tout en laissant se développer des activités spéculatives non contrôlées. Autre défaut de ce texte : l'aménagement obtenu par le Royaume-Uni, qui pose un problème juridique et politique, soulevé à juste raison par la résolution votée par votre assemblée en avril 2014. Michel Sapin s'en est entretenu hier avec le commissaire Hill et la présidence lettonne de l'Union européenne. Cette dernière réfléchit à un nouveau système de classification en rouge, orange et vert ; il faudra veiller à ce que l'on ne pénalise pas les pays dont les banques sont universelles.

L'union des marchés de capitaux ou Capital Markets Union (CMU) est une initiative européenne très positive, bien que son contenu soit encore flou. La France doit y prendre une part active, en faisant en sorte que cette réforme ait des effets concrets, perceptibles par nos concitoyens. Elle peut, par exemple, faciliter le financement des entreprises en capitaux propres - car le problème global actuel est moins celui de la liquidité que de l'accès à l'equity - et favoriser le développement de la titrisation, non pas celle qui nous a menés où nous sommes, mais la titrisation de haute qualité, qui repose sur des actifs solides. Sachons aussi défendre nos intérêts industriels : comme l'a rappelé Michel Sapin lors du dernier comité « place de Paris 2020 », celle-ci représente de nombreux emplois qualifiés. Enfin, l'union des marchés de capitaux est un moyen de réduire la fragmentation de la zone euro, où les conditions de financement des entreprises diffèrent grandement d'un pays à l'autre, et de créer ainsi de la valeur.

Le Fonds de résolution unique (FRU) est essentiel à la mise en place effective de l'union bancaire que la France appelle de ses voeux. L'un des objectifs est de briser le lien entre crise bancaire et crise des finances publiques : il doit être possible de recapitaliser les banques sans puiser dans les budgets nationaux. Nous avons donc souhaité que l'union bancaire s'accompagne à la fois de mécanismes de supervision et de résolution - anglicisme qui désigne le traitement ordonné d'une banque en difficulté. Le Mécanisme de surveillance unique (MSU), opérationnel depuis novembre, remplit la première fonction ; il est piloté par un conseil de surveillance unique, qui supervise directement les 130 établissements bancaires les plus importants de la zone euro, et indirectement les banques de plus petite taille. L'exercice pan-européen de résistance et de mesure de la qualité des bilans des banques mené récemment a mobilisé plusieurs milliers d'auditeurs et abouti à la publication de l'état de santé des établissements de la zone.

Deuxième pilier de l'union bancaire : le Mécanisme de résolution unique (MRU), destiné à éteindre les incendies dont le déclenchement n'aurait pu être empêché par le MSU. Il est en cours de mise en place. La Bank recovery and resolution directive, ou directive BRRD, est entrée en vigueur le 1er janvier 2015. C'est une étape essentielle pour que les contribuables ne supportent plus seuls le coût des faillites bancaires : désormais, on sollicitera d'abord les actionnaires et certains créanciers. Nous avons appris de nos erreurs passées...

Le FRU, qui complète le MRU, est de taille importante : 55 milliards d'euros, soit 1 % des dépôts couverts dans les pays membres de l'union bancaire. Au terme de milliers d'heures de négociation, un juste équilibre a été trouvé dans la répartition de l'alimentation du fonds.

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