Les États membres se sont exprimés hier lors du conseil Ecofin. Il est évidemment possible d'approfondir la discussion avec chacun d'entre eux...
On ne peut pas dire, monsieur Canevet, que le retour à l'équilibre des finances publiques soit reporté indéfiniment. La trajectoire adoptée hier fixe l'échéance à 2017, et elle nous oblige. Il est vrai que par le passé, nous n'avons pas toujours tenu les délais impartis. C'est pourquoi des rendez-vous ont été fixés, qui porteront aussi bien sur le retour à l'équilibre financier que sur les réformes structurelles. Notre dette publique est effectivement trop élevée, les États membres et la Commission européenne veilleront à ce qu'elle soit maîtrisée, comme le prévoit la trajectoire. Le Gouvernement a annoncé des cessions d'actifs à cet effet.
S'agissant de la supervision bancaire, les résultats de la revue de la qualité des actifs ont été rendus publics le 26 octobre par la BCE. Cette transparence exemplaire est de nature à rassurer les marchés. Les 55 milliards d'euros du FRU suffiront-ils ? N'oublions pas que ce Fonds n'est destiné à intervenir qu'après que les actionnaires, mais aussi les créanciers auront été sollicités. Ce renflouement par les actionnaires et créanciers, ou bail-in, doit porter sur 8 % du bilan. Devrait également être mis en place un coussin supplémentaire dénommé TLAC (total loss-absorbing capacity). Le calibrage du Fonds paraît donc approprié ; nous examinons cependant l'opportunité d'instituer une garantie publique, au moins pendant la période transitoire, au cas où sa taille ne serait pas suffisante.
Pour ce qui est du « plan Juncker », les projets ont été identifiés par une task force associant, dans chaque pays, des représentants de la Commission européenne, de la BEI et de l'État membre concerné. En France, c'est le commissariat général à l'investissement, en la personne de Thierry Francq, qui y a participé. Ce n'est pas parce que les projets étaient déjà connus qu'il n'y a pas d'additionnalité, car ils n'étaient jusque-là pas financés. Au niveau européen, l'enveloppe se monte à 1 300 milliards d'euros, dont 450 milliards pourraient être investis d'ici trois ans ; en France, les projets identifiés représenteraient 120 milliards d'euros. Précisons que cette liste, qui a servi à calibrer le plan, n'a qu'une valeur indicative. Les projets effectivement financés seront sélectionnés selon une procédure que nous avons voulue très professionnelle : il ne s'agit pas de financer des éléphants blancs, ni des projets qui se traduiraient in fine par des pertes pour les finances publiques. Il existe en France beaucoup de projets intéressants, notamment dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments, très créateur d'emplois, mais aussi dans celui des infrastructures, du haut débit... Le CGI pilotera l'opération.
Le niveau de l'inflation, monsieur Germain, concerne au premier chef la BCE. Il est vrai qu'il nous faut changer de paradigme : jusque récemment, tout le monde s'accordait à dire que l'inflation était dangereuse... Aujourd'hui, c'est sa faiblesse qui inquiète. La BCE a pris le problème à bras-le-corps, comme en témoigne le discours de Mario Draghi à Jackson Hole. Mais Mario Draghi rappelle aussi que la politique monétaire ne peut pas tout, car l'inflation est également liée à la faiblesse de l'activité, ainsi qu'à des phénomènes externes comme la chute du cours du pétrole ou de l'euro. Aussi appelle-t-il les États membres à mener une politique budgétaire sérieuse et à poursuivre les réformes, pour soutenir la croissance et la compétitivité.
Nous sommes en train d'analyser la décision de la CJUE sur les chambres de compensation, madame la présidente. À première vue, il ne semble pas que l'on doive en tirer de conclusions définitives.
Par shadow banking, il faut entendre les modes de financement des entreprises situés hors du champ de la supervision bancaire. Malgré les connotations de cette expression, il existe des formes parfaitement légitimes de financement désintermédié, beaucoup plus développées aux États-Unis qu'en Europe. Cela dit, on ne peut effectivement imposer une régulation toujours plus contraignante aux établissements de crédit et laisser de côté tout un secteur du financement de l'économie. Nous en discutons au niveau européen avec le commissaire Hill, et au niveau international avec nos partenaires du Financial Stability Board (FSB), qui réunit les régulateurs nationaux. Selon le FSB, le shadow banking représenterait plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars... La régulation de ce secteur rejoint la lutte contre la fraude fiscale et le financement du terrorisme, domaines dans lesquels la France est en première ligne, au niveau européen comme au sein du G20 : nous proposons par exemple un mécanisme de gel européen des avoirs, et notre insistance n'est pas étrangère à l'annonce par la Commission d'un projet de directive sur l'optimisation fiscale.
Quant à l'éventualité d'un troisième programme d'investissements d'avenir, c'est prématuré à ce stade.