Intervention de Benjamin Angel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 mars 2015 : 5ème réunion
Principe et modalités de mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'europe — Audition de Mm. Philippe de Fontaine vive vice-président honoraire de la banque européenne d'investissement benjamin angel chef d'unité à la direction générale des affaires économiques et financières de la commission européenne et antoine quero-mussot expert confirmé en instruments financiers innovants auprès de la direction générale du budget de la commission européenne

Benjamin Angel, chef d'unité à la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne :

La raison pour laquelle ce plan d'investissement a été lancé est que nous avons assisté à un effondrement relativement significatif de l'investissement durant ces années de crise, qui est tombé de 22 % du produit intérieur brut (PIB) en moyenne en 2007 en Europe à environ 18 % l'année dernière. Cela est dû essentiellement à une baisse des investissements publics, mais pas uniquement. Nos prévisions montrant que l'investissement ne devait pas redémarrer par lui-même, nous en avons conclu qu'il fallait mettre en place un outil spécifique permettant de soutenir l'investissement.

Le « plan Juncker » a trois composantes : un instrument financier destiné à soutenir l'investissement, une assistance technique ou « pipeline de projets » visant à aider l'investissement à atteindre l'économie réelle et une composante de réformes structurelles. Ce dernier volet, le moins visible actuellement, est le plus important à long terme puisqu'il vise à faire en sorte de lever les obstacles à l'investissement. Les mesures structurelles concernées vont être définies au cours du travail de la Commission, et j'aimerais à ce stade me focaliser sur les deux autres volets.

S'agissant du volet « soutien financier », un fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) a été créé. Il est situé au sein de la Banque européenne d'investissement (BEI) et n'a pas de personnalité juridique propre. Il s'agit d'un vecteur qui accueille une garantie de 16 milliards d'euros venant du budget de l'Union européenne et 5 milliards d'euros venant de la BEI et de ses ressources propres. Avec ces 21 milliards de capacité, la BEI va lever des fonds pour un montant d'environ 60 milliards d'euros, qui devraient eux-mêmes générer 315 milliards d'euros d'investissements. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces estimations sont conservatrices : la dernière augmentation de capital de la BEI de 10 milliards en 2012 était censée générer 180 milliards d'investissements supplémentaires d'ici fin 2015, objectif qui sera atteint dès le milieu de cette année. Cela représente un effet de levier de dix-huit. Certains instruments communautaires, comme le programme pluriannuel européen pour la compétitivité des entreprises et des PME intitulé « COSME », ont des effets de levier de vingt-huit. Ici, nous avons ciblé un effet de levier de quinze, car la prise de risque attendue est importante. Le fonds d'investissement doit permettre à la BEI de faire plus mais aussi autrement, c'est-à-dire de se focaliser sur les investissements qu'elle ne pourrait normalement pas financer car ils ne remplissent pas ses critères, ou qui ne pourraient pas être financés par le secteur privé. La BEI va donc se concentrer essentiellement sur des projets plus risqués, par exemple en prenant une tranche subordonnée dans un projet, ou en restant plus longtemps dans un projet que ne le feraient d'autres investisseurs.

Au sein du FEIS, la garantie de 16 milliards d'euros venant du budget communautaire est préfinancée par un fonds de garantie de 50 %. Il aurait été possible de se passer de ce fonds puisque la signature européenne est assez bonne pour qu'on puisse accorder une garantie de 16 milliards d'euros sans avoir besoin de la préfinancer. La raison de ce préfinancement à hauteur de 50 % est de permettre à l'Union européenne d'honorer les appels à garantie sans avoir à faire face aux difficultés posées par les discussions budgétaires annuelles. Le montant de 50 %, soit 8 milliards d'euros, résulte des calculs de risque qui ont conclu que l'on risquait de perdre 6,5 milliards d'euros à horizon de dix ans, assortis d'une marge de sécurité pour éviter les mauvaises surprises.

Dans la proposition initiale de la Commission européenne, les États pouvaient contribuer à trois niveaux : au niveau du fonds lui-même, au niveau des plateformes d'investissement ou au niveau des projets. Les États ayant tous indiqué qu'ils ne souhaitaient pas faire de contribution au fonds lui-même, le texte adopté au Conseil ce mardi a fermé cette possibilité. Ce n'est pas une surprise, car un des éléments essentiels qui caractérise ce fonds est qu'il n'y a pas d'enveloppe géographique ou sectorielle, ce qui réduit l'intérêt des contributions nationales. Ce n'est pas non plus un problème, car il existe la possibilité de créer des plateformes d'investissements nationales, régionales ou internationales, au sein desquelles les États peuvent grouper les projets auxquels ils tiennent le plus et qu'ils souhaitent cofinancer. Ces plateformes sont ensuite soumises à la décision d'un comité d'investissement compétent pour décider de l'utilisation de la garantie de l'Union européenne. Ce comité, composé d'experts de marché, est indépendant à l'égard de la BEI, des États membres, mais aussi de la Commission européenne. Il vise à garantir que les projets respectent les critères prévus, sont compatibles avec les objectifs de l'Union, sont économiquement viables et apportent une additionnalité.

Cette condition de viabilité économique des projets a été beaucoup critiquée. Or il faut rappeler que le « plan Juncker » vise à diriger les liquidités du secteur privé vers le financement de l'investissement productif. 80 % de l'argent est censé venir du secteur privé. Le seul moyen de permettre cela est d'avoir une sélection rigoureuse des projets afin de garantir qu'ils sont économiquement viables.

Les États membres ont également la possibilité de contribuer via leurs banques publiques. Quatre États ont fait des annonces en ce sens : l'Allemagne pour un montant de 8 milliards d'euros, la France et l'Italie pour des montants similaires et l'Espagne pour 1,5 milliard d'euros. Les modalités concrètes de ces contributions sont encore en discussion, mais il faudra s'assurer que celles-ci s'ajoutent au plan et qu'elles ne se substituent pas aux contributions déjà prévues.

S'agissant du volet « assistance technique », je rappelle qu'il s'agit d'un point très important. Certains instruments financiers ne sont parfois pas utilisés car ceux en charge de les mettre en oeuvre ne les comprennent pas. Par exemple, dans le cadre des fonds structurels, il existe des instruments innovants de soutien aux PME qui ne sont utilisés qu'en Espagne et à Malte. Avoir une assistance technique est donc important pour garantir l'utilisation des fonds et pour aider au montage de projets en général. Dans le cadre du « plan Juncker », on met en place un centre européen de conseil en investissements, point unique d'accès, afin d'aider les investisseurs publics ou privés à monter leurs projets en bénéficiant d'une assistance juridique gratuite.

Enfin, un instrument qui vise à apporter de la visibilité aux investisseurs sur les opportunités d'investissement est créé : les promoteurs pourront faire figurer leurs projets sur un site web de manière à ce que les investisseurs potentiels puissent facilement voir les opportunités existantes.

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