Intervention de Christian Eckert

Réunion du 16 mars 2015 à 21h00
Contributions au fonds de résolution unique — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Christian Eckert :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, le FRU. Je remercie particulièrement le rapporteur, Albéric de Montgolfier, ainsi que les membres de votre commission des finances, pour leurs travaux sur ce texte.

Bien que ce projet de loi soit, comme il est d’usage, d’une brièveté exemplaire avec un article unique, il permet à la France de prendre toute sa part à l’édification de l’Union bancaire qui constitue le progrès le plus important de l’intégration européenne depuis l’Union économique et monétaire.

Permettez-moi de rappeler tout d’abord ce que sont les objectifs et la structure de l’Union bancaire, avant d’exposer le contenu et le rôle de cet accord intergouvernemental dans l’ensemble de textes qui crée le mécanisme de résolution unique.

La mise en œuvre de l’Union bancaire est un progrès de l’intégration européenne qui préviendra la transformation des crises bancaires en crises souveraines. Le premier pilier de cette Union est le mécanisme de supervision unique.

Comme vous le savez, le projet d’Union bancaire est né, au cours de l’année 2012, des risques que le sauvetage d’établissements bancaires a fait peser sur les finances publiques déjà dégradées de certains États de la zone euro. La crise financière de 2008 a souligné la nécessité de rompre la boucle négative liant le budget des États et les secteurs bancaires nationaux. Jusqu’alors, en l’absence de mutualisation du soutien aux banques et en cas de forte tension sur les marchés financiers, les États étaient contraints de financer seuls les plans de sauvetage bancaires. Ces bailouts ont accru fortement l’endettement public, ont exposé les États à des crises de dettes souveraines et favorisé la fragmentation des marchés financiers, puisque les investisseurs évaluaient la solidité des systèmes financiers en fonction des capacités respectives des États à soutenir leurs secteurs bancaires.

La création d’un mécanisme permettant de mutualiser les coûts liés à la gestion des crises bancaires est donc progressivement apparue, au début, comme une nécessité.

Toutefois, la possibilité de recapitaliser directement des banques via le Mécanisme européen de stabilité ne pouvait être envisagée sans procéder tout d’abord à l’unification de la supervision des établissements bancaires, que certains de nos partenaires ont posée comme un préalable. La crise a en effet mis en évidence l’insuffisance de la supervision bancaire dans certains États membres, où des prises de risque excessives avaient été tolérées. Parallèlement au renforcement des standards internationaux en matière prudentielle, les accords de Bâle III qui ont donné lieu à l’adoption du « paquet CRR/CRD IV » désormais transposé en droit français, les Européens ont donc pris la décision de confier à la Banque centrale européenne, la BCE, la responsabilité de la supervision, directe et indirecte, des banques de la zone euro. C’est ce mécanisme de supervision unique, ou MSU, qui est entré en vigueur le 4 novembre dernier.

Depuis cette date, les 130 principaux établissements bancaires européens sont soumis à la supervision directe de la BCE : pour la France, il s’agit des dix principaux groupes bancaires qui représentent plus de 90 % des actifs bancaires français. Les autorités de résolution nationales restent, pour leur part, compétentes pour la supervision des établissements moins importants.

À peine l’accord sur le mécanisme de supervision unique était-il finalisé qu’un second pilier a été mis en chantier, corollaire du premier : le mécanisme de résolution unique, ou MRU, qui repose sur deux principes fondateurs.

En premier lieu, les finances publiques ne devront plus être sollicitées pour financer le sauvetage des banques. C’est pourquoi le Fonds de résolution unique, le FRU, sera financé par des contributions versées par les banques elles-mêmes et il interviendra après que les actionnaires et les créanciers auront supporté les premières pertes jusqu’à 8 % du total de bilan.

En second lieu, le coût de la résolution ordonnée des banques devra être mutualisé pour éviter tout risque de fragmentation financière. Ainsi, tous les établissements de crédit des États participants contribueront au financement du FRU et les ressources, affectées initialement à des compartiments nationaux, seront progressivement mutualisées sur une période de huit ans, de 2016 à 2023. À cette date, ce fonds sera doté de 55 milliards d’euros environ, soit 1 % des dépôts couverts.

Les mécanismes de garantie des dépôts resteront en revanche nationaux, l’idée d’un troisième pilier de l’Union bancaire fondé sur la garantie des dépôts, soutenue par la France, n’étant pas consensuelle à ce stade.

Le mécanisme de résolution unique représente donc une avancée décisive, en ce qu’il permettra de réduire l’effet des chocs exogènes et de rompre la boucle négative qui liait jusqu’à présent risque bancaire et risque souverain.

L’accord intergouvernemental participe à la création du cadre juridique du mécanisme de résolution unique. Plusieurs textes régissent le nouveau régime de résolution applicable aux établissements bancaires. Rappelons tout d’abord que le droit applicable en matière de résolution est harmonisé pour les vingt-huit États membres de l’Union européenne par la directive relative au rétablissement et à la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, dite « directive BRRD ». Vous avez habilité le Gouvernement à transposer ses dispositions par ordonnance dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite « loi DDADUE », publiée fin décembre 2014, ce qui sera fait au cours des prochains mois.

Deux textes distincts créent le mécanisme de résolution unique à proprement parler : un règlement européen, dit règlement MRU, et un accord intergouvernemental, dit AIG.

Le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui a pour objet d’autoriser la ratification de l’AIG. Cet accord intergouvernemental a été négocié à la demande de certains de nos partenaires selon lesquels le traité offrait une base trop peu solide pour un progrès de l’intégration de l’ampleur du MRU.

L’AIG contient trois principaux éléments. Tout d’abord, l’engagement des parties contractantes à transférer les contributions des établissements assujettis de chaque État participant vers le Fonds de résolution unique. L’entrée en vigueur de l’AIG conditionne le versement des contributions des établissements de crédit des États membres au FRU et donc le fonctionnement du mécanisme de résolution unique.

Pour qu’il entre en vigueur, les États participants représentant au moins 90 % des voix en application de la pondération prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doivent avoir déposé leurs instruments de ratification.

L’entrée en vigueur de l’AIG permettra le versement des premières contributions au FRU au titre de l’année 2015 avant le 31 janvier 2016. Les modalités de calcul des contributions ont été détaillées dans un règlement délégué de la Commission et un règlement d’exécution du Conseil. Ces textes ont fait l’objet d’un accord en décembre dernier au Conseil Ecofin.

La France a tenu à ce que les banques françaises ne soient pas défavorisées du fait de la faible teneur en dépôts de leur bilan, ce qui aurait pu conduire à les faire contribuer à hauteur de plus de 32 % au FRU. Je sais que cette crainte était partagée par le Parlement. Nous avons obtenu qu’un mécanisme d’ajustement ramène cette part à 27 %, une part en ligne avec le poids relatif des banques françaises dans le total des actifs bancaires de la zone euro.

Au final, le montant total des contributions des banques françaises devrait être légèrement inférieur à 15 milliards d'euros – des chiffres supérieurs avaient été évoqués, mais l’accord arrive à ce montant. Une fraction de cette somme, comprise entre 15 % au minimum, et 30 %, à la discrétion de l’autorité européenne de résolution, pourra être acquittée sous forme d’engagements de paiement qui n’auront pas d’impact sur le compte de résultat des banques.

Ensuite, deuxième élément contenu dans l’accord intergouvernemental, le rythme de mutualisation des ressources des compartiments nationaux, qui était également en discussion : 40 % des ressources seront mutualisées dès la première année, 60 % la deuxième année, puis la mutualisation progressera à un rythme linéaire jusqu’à la fin de la période transitoire pour permettre une mutualisation complète à la fin de l’année 2023.

Enfin, troisième élément de l’accord intergouvernemental, la possibilité de recourir à des financements complémentaires des contributions collectées ex ante, comme les transferts entre les compartiments nationaux ou la collecte de contributions ex post.

Pour sa part, le règlement MRU, d’application directe, crée le Conseil de résolution unique, CRU, qui est compétent pour gérer et actionner ce fonds de résolution unique. Le CRU est composé de six personnalités qualifiées et d’un représentant par autorité nationale de résolution. La première réunion plénière du Conseil de résolution unique aura lieu le 26 mars prochain.

Le règlement MRU prévoit également le partage des compétences entre le CRU et les autorités de résolution nationales.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux éléments de l’accord intergouvernemental que le Gouvernement propose à votre ratification. Il me paraît répondre aux demandes du Parlement, notamment de votre assemblée, qui souhaitait connaître avant la mise en œuvre du règlement du MRU la répartition des contributions de chacune des banques, les banques françaises, en particulier, cela va de soi. C’est ce que vous aviez fait préciser dans la loi.

Le Gouvernement considère donc que cet accord intergouvernemental doit être ratifié par la France, car il constitue une étape décisive – je l’ai dit – de la mise en place du MRU et, au-delà, de l’Union bancaire. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le vœu que je formule, et je ne doute pas que vos travaux permettront d’y aboutir.

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