Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on le sait, par son ampleur systémique, la crise de 2008 a rapidement migré des banques vers les États, lesquels ont été contraints d’intervenir rapidement afin d’éviter que la contagion des faillites ne mette à bas l’ensemble du secteur.
Ces sauvetages ont très lourdement pesé sur les finances publiques, prenant la forme de recapitalisations ou encore de garanties, parfois explicites comme pour Dexia, parfois implicites comme pour les grandes banques universelles françaises. Le risque pesant sur ces dernières a contribué à la dégradation de la note de la France en 2012 et a donc renchéri le financement de notre dette souveraine.
Plus généralement, le coût de la crise économique qui a succédé à la crise financière a été – et est encore – largement supporté par les États.
Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’évolution de l’endettement public de la zone euro. Jusqu’à présent stable, autour de 70 % du PIB, il a brutalement crû à partir de 2008 pour atteindre plus de 90 % du PIB.
Bien loin du discours à visée auto-persuasive et propagandiste des banques, qui prétendent « avoir tout remboursé », le coût de la crise financière pour les finances publiques a donc été faramineux.
C’est fort de cette triste expérience que les dirigeants européens se sont engagés dans le chantier de l’Union bancaire : non seulement pour mieux prévenir les potentiels errements, par l’instauration de la supervision des banques, mais également pour réduire leur aléa moral, en mettant en place un mécanisme de résolution.
Cette démarche européenne constitue sans conteste une avancée sur la voie de la régulation financière.
Pourtant, nous nous sommes arrêtés au milieu du gué et, monsieur le secrétaire d’État, la France n’y est pas totalement étrangère.
Le fonds auquel est adossé le mécanisme de résolution, et sur lequel nous nous prononçons aujourd’hui, s’élèvera à terme à 55 milliards d’euros. Serait-il suffisant en cas de défaut de l’un de nos grands établissements bancaires ? Rappelons que parmi les vingt plus grandes banques mondiales figurent neuf banques européennes, dont quatre sont françaises. BNP Paribas a, par exemple, un bilan d’environ 1 800 milliards d’euros !
Comme le souligne Albéric de Montgolfier dans son rapport, eu égard à leur taille, la probabilité que les établissements français puissent faire utilement appel au fonds est « très faible ».
En ce qui concerne la France, l’aléa moral et l’exposition du contribuable ne se trouvent donc que très peu réduits par l’instauration de l’Union bancaire.
Or ce choix revient au Gouvernement qui, dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, a préféré défendre les spécificités de l’industrie financière française, dans une logique économique et concurrentielle, plutôt que de s’engager dans une démarche résolument régulatrice. Dans cet esprit, on ne s’étonnera pas que la proposition de Michel Barnier de filialiser les activités de marché, actuellement en discussion à l’échelon européen, ne recueille pas davantage l’assentiment de la France.
Les stress tests, qui ont été réalisés en octobre dernier et qui sont présentés comme une garantie infaillible, ne sont pourtant pas de nature à rassurer. Une bonne part des risques considérés sont évalués par les banques elles-mêmes. De plus, les difficultés liées à la liquidité interbancaire, cruciale notamment pour les activités de dérivés, sont très mal prises en compte.
Confortant le modèle français, le Gouvernement a même obtenu, lors de la définition des contributions au fonds de résolution, que les banques françaises ne payent que a minima leur exposition massive aux produits dérivés. Il s’est également battu pour que les contributions au Fonds puissent prendre partiellement la forme de simples engagements de paiement, au lieu de se traduire par des décaissements effectifs.
Enfin, à l’échelon national, l’introduction de la non-déductibilité fiscale de ces contributions, que nous saluons au passage, a été partiellement compensée par l’extinction prématurée de la taxe de risque systémique.
Les écologistes, monsieur le secrétaire d’État, s’étonnent de voir que les intérêts de notre industrie financière nationale priment à ce point sur les enjeux européens de régulation et de maîtrise du risque, d’autant que notre secteur bancaire ne rend pas vraiment la politesse. Il est en effet encore trop souvent le bras armé d’une part importante de l’évasion fiscale, laquelle coûte tant à l’État ; il finance trop peu l’économie du pays et verse d’abondants dividendes.