Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi qui autorise la ratification d’un accord met en phase ce que nous avions demandé dans les discussions initiales : le transfert et la mutualisation des contributions à un Fonds de résolution unique. Nous vivons là une étape essentielle de la construction d’un cadre commun de gestion du système bancaire de la zone euro qui, à défaut d’être à l’origine de la grande crise, l’a subie de plein fouet.
Ce texte est l’avènement d’une Union bancaire pragmatique, qui utilise, en fait, toutes les subtilités et le potentiel des traités pour imposer une régulation européenne, protectrice à la fois des épargnants et des économies européennes. Il s’agit, en effet, après l’étape préalable incontournable de la supervision commune, de veiller à ce que l’Union européenne – et non plus chaque État membre – soit en mesure de faire face financièrement et politiquement aux défaillances bancaires, sans que les contribuables soient mis à contribution – même s’il n’est pas inutile de rappeler que les banques françaises ont déjà, et largement, remboursé les prêts et avances consentis à l’époque.
Le financement du mécanisme de résolution unique repose sur les banques elles-mêmes au travers de leurs contributions au Fonds de résolution unique, qui doivent permettre d’atteindre un niveau de 1 % du total des dépôts garantis, soit environ 55 milliards d’euros sur une période transitoire de huit ans. Pour nombre de nos collègues, cette somme paraît bien modeste par rapport à l’ensemble de la capitalisation des bilans des banques françaises, mais, en réalité, tout le monde aura bien compris que c’est la volonté de la BCE et que, au-dessus de tous les mécanismes, la régulation se fera via la BCE. Or ce ne sont pas 55 milliards d’euros que cette dernière peut mobiliser, mais des sommes bien supérieures si le besoin s’en faisait sentir. Après avoir régulé l’inflation durant des décennies – c’était son rôle constitutionnel, si je puis dire –, la BCE, aujourd’hui que nous n’avons plus d’inflation, ce dont il faut se féliciter, s’occupe d’économie. À cet égard aussi, je pense que nous vivons un moment important.
Lors des discussions de l’automne dernier, la France apparaissait comme perdante dans les négociations puisque, à l’origine, les banques françaises devaient être les premières contributrices – à hauteur de 30 % du Fonds de résolution unique, soit près de 17 milliards d’euros sur les 55 milliards d’euros prévus. Aujourd’hui, après bien des discussions, le montant de la contribution française a diminué de 2 milliards d’euros. En première lecture du projet de loi examiné à l’automne, nous avions largement expliqué que le seul problème de ce traité tenait, à nos yeux, aux participations qui ne nous paraissaient pas équilibrées, notamment par rapport à l’Allemagne dont le PIB est de 30 % supérieur à celui de la France.
Selon les critères alors envisagés, l’Allemagne avait obtenu une exception pour ses caisses d’épargne, qui, disposant de leur propre système de sauvetage, n’auraient pas été soumises au mécanisme de résolution unique, évitant ainsi de contribuer au Fonds de résolution unique. Aujourd’hui, si nous sommes bien informés, monsieur le secrétaire d’État, 120 banques seraient soumises au contrôle de la BCE. Ces contrôles ne seraient plus ceux d’inspecteurs des finances de Bercy qui contrôlent d’anciens inspecteurs des finances travaillant au Crédit lyonnais, mais ils seraient assurés par des inspecteurs venant de Lituanie ou des Pays-Bas. À certains égards, cela ne peut que nous rassurer.
À l’occasion de la discussion en octobre dernier au Sénat du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, nous avions souhaité que le Gouvernement entre en discussion avec notre partenaire allemand pour le convaincre de revoir sa position. Depuis lors, nous constatons qu’un accord a pu être trouvé sur une autre méthode de calcul des contributions au Fonds de résolution unique, permettant de parvenir à une contribution à peu près équivalente des banques de nos deux pays. Les montants demeurent importants, mais les banques françaises, dont les représentants ont été reçus au Sénat par M. le rapporteur général, se satisfont de l’accord qui a été négocié.
Il n’est pas inutile de rappeler que les banques françaises assurent le gros des investissements des entreprises : les petites et moyennes entreprises de notre pays se financent à plus de 80 % au moyen de prêts bancaires. Il faut dire que nous ne disposons pas de l’équivalent des fonds anglo-saxons. C’est pourquoi nous souhaiterions que l’épargne soit davantage dirigée vers l’économie réelle. N’oublions pas que l’investissement et la consommation représentent les deux moteurs de la croissance que nous attendons !
Au regard de cette position d’équilibre trouvée avec l’Allemagne – l’accord a même récemment été ratifié par nos voisins – et de nos marges de manœuvre désormais réduites – le curseur ne peut désormais plus être déplacé que par le Conseil de résolution unique, et pour des montants marginaux, à savoir 15 milliards d’euros environ –, il n’apparaît plus justifié de s’opposer à la ratification de l’accord mettant en place le troisième pilier de l’Union bancaire que nous appelons tous de nos vœux.
Néanmoins, il convient de demeurer vigilant. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP a soutenu en commission des finances l’amendement du rapporteur, Albéric de Montgolfier, visant à introduire un nouvel article prévoyant que le Parlement français sera informé chaque année du montant des contributions des banques, en particulier des banques françaises, au regard des estimations initiales, ainsi que de l’évaluation de la capacité de ce mécanisme à financer l’économie au regard de la mise en œuvre des règles européennes en matière de garantie des dépôts et de résolution.
Je souhaiterais vous poser une question connexe, monsieur le secrétaire d’État. Dans la loi bancaire que nous avons votée voilà dix-huit mois, même si nous n’étions pas tous d’accord avec cette solution, nous avons fait en sorte que le fonds de garantie des dépôts puisse contribuer à la résolution d’un établissement bancaire en difficulté, y compris sous forme d’apports en capitaux. Nous pensions très fortement que le fonds de garantie devait rester une protection pour les déposants et qu’il convenait d’éviter tout mélange des genres. La montée en puissance progressive du Fonds de résolution unique permettra-t-elle véritablement de réserver le fonds de garantie aux déposants ? Rappelons que les banques françaises continuent de cotiser à ce fonds.
Les choses ayant évolué dans le bon sens et la négociation, à laquelle nous avons apporté notre modeste pierre, nous semblant avoir été utile – il faut aussi noter l’obligation d’information du Parlement que nous introduisons –, le groupe UMP votera le présent projet de loi de ratification. Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, votre mission n’est pas terminée s’agissant des régulations financières.
Nous assistons au développement accéléré du shadow banking, qui, loin de toutes nos règles prudentielles, concurrence de fait les banques dans nombre de leurs activités de financement des économies. La prochaine bulle surgira probablement des activités de ces hedge funds et autres établissements financiers opaques. Il serait utile, à travers des organismes internationaux comme l’OCDE, d’envisager aussi une régulation de ces activités. En effet, plus vous régulez le secteur bancaire traditionnel, plus vous renforcez ce secteur « libre ». Et quand on voit les huitième et neuvième entreprises mondiales se faire absorber par des hedge funds, on se pose quelques questions !
Ce traité nous semble donc très utile. Il aura le mérite de nous éviter qu’une crise bancaire initiée par les subprimes et Lehman Brothers ne produise ses effets les plus dévastateurs sur la zone euro.