Intervention de Yvon Collin

Réunion du 6 juillet 2011 à 14h30
Sapeurs-pompiers volontaires — Discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Je tiens à saluer l’heureuse initiative de notre collègue député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui devrait contribuer à améliorer la condition des 197 000 sapeurs-pompiers volontaires s’acquittant avec dévouement – je n’hésite pas à le redire – de la protection et du secours de nos concitoyens.

Leurs interventions constituent l’immense majorité des opérations menées par la sécurité civile dans notre pays. Leur contribution au maintien de la sécurité des personnes et des biens est essentielle, et je souhaite rendre hommage, au nom de mes collègues du RDSE, à ces milliers d’hommes et de femmes qui se mettent au service d’autrui.

Mme la rapportrice a déjà évoqué les principales données de la situation actuelle. Pour ma part, j’insisterai particulièrement sur le fait que le recrutement de ces volontaires, essentiel au fonctionnement de la sécurité civile, semble aujourd’hui plus difficile. Leur nombre a ainsi diminué de 5, 2 % entre 2004 et 2009, même si l’absence de recul statistique doit sans doute nous conduire à être prudents dans l’interprétation de ce chiffre.

De multiples facteurs sont susceptibles d’expliquer ce recul : la difficulté à concilier cet engagement avec une vie professionnelle et personnelle ; les réticences des employeurs à octroyer des autorisations d’absence ; le relâchement du maillage territorial, surtout en zone rurale, résultant de la départementalisation des SDIS ; ou encore l’exposition croissante des sapeurs-pompiers volontaires à des poursuites civiles ou pénales.

Mais surtout, et cela a également été dit, la stricte application de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail fait aujourd’hui peser un risque important sur le maintien du modèle français de sécurité civile.

Ce texte soulève, en particulier, le problème des temps de garde et des périodes minimales de repos hebdomadaire et quotidien des salariés.

Appliquée strictement aux sapeurs-pompiers volontaires, qui prennent par définition sur leur temps de travail pour accomplir leurs missions, il est évident que cette directive réduira leur disponibilité et mettra en péril le volontariat.

Certes, la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers avait expressément exclu l’application du code du travail aux missions menées dans le cadre de l’engagement volontaire. Cependant, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 octobre 2010 a encore affaibli ce principe en affirmant, s’agissant des sapeurs-pompiers, que la notion de travailleur ne pouvait dépendre des seules législations nationales.

Bien sûr, l’article 1er de la proposition de loi réaffirme avec force que le bénévolat et le volontariat sont la base de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et précise que cette activité n’est pas une activité professionnelle, afin de la soustraire à l’application du code du travail. Mais la position de la Cour de Luxembourg suscite, sans doute légitimement, l’inquiétude des représentants des sapeurs-pompiers, que nous avons maintes fois rencontrés.

Comme eux, nous attendons que le gouvernement français pèse de tout son poids pour que, dans le cadre du processus de renégociation de la directive, soit introduite une clause particulière qui exclura les sapeurs-pompiers volontaires de son champ d’application.

À défaut, notre modèle de sécurité civile irait au-devant de graves difficultés. Les sapeurs-pompiers volontaires ne doivent en aucun cas être assimilés à des travailleurs et soumis à une obligation de repos de onze heures après leur journée de travail, avant de pouvoir partir en intervention.

Une telle décision ferait peser une charge financière insupportable sur les SDIS. Comme le relevait, en septembre dernier, M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile au ministère de l’intérieur, lors de son audition à l’Assemblée nationale, elle imposerait le recrutement de près de 61 000 sapeurs-pompiers professionnels, pour un coût global de 2, 5 milliards d’euros.

Nous sommes bien placés pour savoir que ni les SDIS ni les collectivités territoriales ne peuvent évidemment se le permettre ! Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer où en sont les négociations sur ce point ?

L’efficacité de la protection des biens et des personnes suppose, en toute hypothèse, que les moyens budgétaires nécessaires soient au rendez-vous. Or, sur les 5, 5 milliards d’euros du budget de la sécurité civile, 96 % sont pris en charge par les collectivités, les 4 % restants ne représentant que 0, 15 % du budget de l’État.

La prise en charge des SDIS représente ainsi 5 % des dépenses de fonctionnement des départements, qui sont aujourd’hui soumis aux contraintes financières que chacun sait.

Depuis 2001, les dépenses ont connu une augmentation globale de 56, 5 %, tandis que le nombre d’interventions n’augmentait que de 16, 2 %.

Nous pensons qu’une très grande attention doit être portée à la restructuration de la carte des centres d’intervention, le lien entre maillage territorial et volontariat étant étroit.

La diminution de 11 % du nombre de centres de première intervention intégrés et de 9 % du nombre de centres de première intervention non intégrés en 2009, montre à l’évidence que concilier une politique ambitieuse du volontariat et la recherche d’économies revient à trouver un équilibre délicat.

La proposition de loi demeure quelque peu ambiguë à cet égard. Tous les problèmes soulevés par la départementalisation ne sont pas encore réglés.

En particulier, l’article 13 ter, qui institue la faculté pour les départements de revaloriser l’allocation de vétérance, est à double tranchant. D’un côté, il constitue un outil intéressant pour fidéliser les volontaires et mieux reconnaître leur engagement, mais, de l’autre, il met à la charge des conseils généraux une fausse dépense facultative puisqu’ils seront en réalité tenus de l’acquitter pour encourager le volontariat.

Or l’horizon financier des départements est déjà suffisamment obscurci pour qu’ils n’aient pas à financer une charge nouvelle, évaluée à 30 millions d’euros par l’Assemblée des départements de France, a fortiori quand la participation des communes et des EPCI a été gelée en euros constants.

Voilà pourquoi le groupe RDSE soutiendra à l’unanimité cette proposition de loi, qui représente un vrai progrès, tout en restant vigilant sur les modalités de financement de cette réforme, auquel l’État doit prendre sa juste part.

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