Les sapeurs-pompiers professionnels ne sont pas des variables d’ajustement, pas plus que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont des pompiers de seconde zone ! Il n’en demeure pas moins que c’est le sentiment qui prévaut à ce jour chez les intéressés et que nous partageons.
Le volontariat est loué, tant dans le rapport que dans vos propos. Pour notre part, nous ne condamnons certainement pas la démarche qui conduit nos concitoyens à s’engager, non plus que l’esprit qui la guide. Cette démarche est honorable et doit indubitablement être pérennisée. Cela dit, le volontariat ne doit pas mettre à mal l’égalité de nos concitoyens devant le service public, matrice de notre droit.
L’égalité de nos concitoyens devant le droit à la sécurité civile est un impératif qui s’impose à tous les décideurs publics. L’égalité de nos concitoyens devant le maillage territorial en découle directement.
Or un constat s’impose : les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % de l’effectif total des sapeurs-pompiers français et effectuent 64 % des interventions sur le territoire ; dans certains départements, comme la Lozère, ils représentent 99 % des effectifs.
On ne peut admettre que, pour l’exercice d’une mission d’une telle importance, la couverture ne repose que sur le volontariat. Il appartient donc à l’État, en théorie, de donner une impulsion légale au maillage territorial.
Si les maires, les présidents d’EPCI et les présidents de conseils généraux sont, de fait, les mieux placés pour définir la couverture des risques locaux, l’État ne pouvant assurer l’intégralité de cette mission sur l’ensemble du territoire, il est toutefois inacceptable que l’État se décharge ainsi de ses responsabilités, notamment en matière de cohérence et de coordination des dispositifs et de péréquation des effectifs.
La sécurité civile illustre parfaitement le désengagement de l’État, qui transfère des compétences vers des collectivités pourtant déjà en phase d’asphyxie avancée. La situation de ces dernières ne peut aller qu’en s’aggravant puisqu’un gel des dotations en leur faveur a été décidé pour les trois ans à venir.
Nous nous devons d’élaborer un budget de la sécurité civile à la hauteur des objectifs assignés à ses missions. Mais, à ce jour, la majorité, pour des raisons d’idéologie partisane, a décidé de n’y consacrer qu’une part minime des crédits budgétaires.
Renforcer l’attractivité du volontariat est une chose, se pourvoir des moyens et effectifs nécessaires à l’exercice de la mission régalienne qu’est la sécurité civile en est une autre.
Comme j’avais eu l’occasion de le souligner au nom de notre groupe lors de la discussion du budget de 2011, la mission « Sécurité civile » ne représente que 0, 15 % du total des dépenses du budget de l’État. Les crédits qui lui sont alloués se révèlent bien trop limités pour garantir un dispositif de secours équitable dans tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.
Les investissements consentis dans les SDIS sont autant d’économies réalisées pour la collectivité. Et quelles économies, puisqu’elles se traduisent en vies sauvées, en biens protégés, en entreprises et en emplois sauvegardés ! Or la baisse constante des budgets concernés, conjuguée à la hausse simultanée de la demande d’intervention, appelle un accroissement des financements que l’État ne veut pas assumer alors que l’urgence est à une refonte de la sécurité civile dans son ensemble.
Il serait pourtant possible de faire augmenter les budgets des SDIS, mais les moyens à mettre en œuvre nécessitent, il est vrai, un peu de courage politique.
Nous pourrions, par exemple, mettre à contribution les sociétés d’assurance, dans la mesure où elles réalisent leurs profits pour partie grâce à l’efficacité des services d’incendie, qui limitent l’extension des sinistres et réduisent les hospitalisations. C’est ce que nous proposerons d’ailleurs par voie d’amendement.
À ce propos, il est à noter que d’autres pays de l’Union européenne ont déjà pris une telle mesure : la République tchèque, l’Allemagne, ou encore le Portugal. Pour ce dernier, la contribution représente 25 % environ du financement de la protection civile et de secours.
On pourrait aussi faire participer les entreprises à risques, puisque les SDIS sont obligés de s’équiper de matériels spécifiques pour couvrir leurs activités. Mesure-t-on bien l’intérêt économique d’une intervention rapide et efficace des sapeurs-pompiers pour sauvegarder le potentiel de production ?
Lorsque les sapeurs-pompiers interviennent dans ce type d’entreprises, c’est avant tout pour préserver leur appareil de production ; ils le font, ne l’oublions pas, au péril de leurs vies. Et leurs vies valent plus que les profits !
Si mon groupe a pris la décision de ne pas rejeter cette proposition de loi, c’est parce qu’elle contient un certain nombre de dispositions intéressantes en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et qu’elle a au moins le mérite de soulever de véritables questions. Voilà pourquoi nous nous abstiendrons.
Mais, sur le fond, nous savons bien que ce texte ne permettra pas d’apporter de réelles solutions au problème de la crise du volontariat et encore moins de répondre aux problématiques des sapeurs-pompiers dans leur ensemble, qu’ils soient professionnels ou volontaires.
À nos yeux, une refonte globale de la sécurité civile s’impose. Cela nécessite un autre véhicule législatif que cette proposition de loi, qui, malgré le travail effectué par Mme le rapporteur, est débattue à la va-vite dans le cadre d’une session extraordinaire.