Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter de votre nomination et de vous dire le plaisir que j’ai à vous voir au banc du Gouvernement !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’adopterai pas tout à fait le même ton que les orateurs précédents, même si les conclusions auxquelles je parviendrai, s’agissant du texte, seront à peu près identiques.
En tout cas, je tiens à rappeler que la RGPP n’est pas à l’origine du double statut des sapeurs-pompiers : celui-ci existe depuis fort longtemps.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement des travaux de la commission « Ambition volontariat ». Elle a pour objet essentiel de qualifier juridiquement l’activité des sapeurs-pompiers volontaires comme une activité exercée à titre non professionnel. Il s’agit d’éviter la requalification de celle-ci en activité salariale et, partant, l’application des règles européennes concernant le temps de travail, en particulier celle qui impose un temps de repos de onze heures entre deux périodes de travail, dit « repos de sécurité », car sa mise en œuvre rendrait impossible le recours à des volontaires qui exercent par ailleurs une activité professionnelle, notamment ceux qui ont le double statut.
À partir de cet objectif, la proposition de loi a été rédigée à l’origine en grande partie sur la base des préconisations de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, la FNSPF, avec l’appui de la direction de la sécurité civile, de manière à prendre en compte toutes les revendications qui n’avaient pu être retenues par le décret portant mesures urgentes pour le volontariat du 13 octobre 2009, en raison, semble-t-il, du caractère législatif d’un certain nombre des mesures en cause.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous pouvez le constater une fois de plus, l’employeur-payeur n’a pas été associé au travail en amont.
Si l’Assemblée des départements de France, l’ADF, s’est prononcée favorablement sur l’objectif initial du texte, car c’est la possibilité même du volontariat qui est en jeu, elle a exprimé de fortes interrogations, essentiellement sur deux points : la consécration du rôle de la FNSPF et l’augmentation de l’allocation de vétérance.
L’avis du Conseil d’État, sollicité par l’auteur de la proposition de loi à la suite des réserves que j’avais moi-même exprimées sur ces deux points et des remarques d’ordre juridique qui avaient été formulées, a permis d’évacuer ces principales pierres d’achoppement. Un certain nombre d’entre elles ont, de même, été écartées par l’Assemblée nationale au titre de l’article 40 de la Constitution.
Le point délicat du texte qui nous est présenté se trouve à l’article 13 ter et va totalement à l’encontre des accords antérieurement négociés avec les sapeurs-pompiers, accords qui avaient permis de réaliser de très grandes avancées en matière de retraite et figé dans le marbre la situation de ceux qui sont partis avant 2004.
Cet article 13 ter écorne le moratoire sur les charges nouvelles et je serai très curieux de voir si l’opposition confirme son appréciation sur cet article, ce qui me permettra de mesurer éventuellement l’ampleur de son double langage. §Je veux parler de l’écart entre la position qu’elle soutient au sein des instances rassemblant nos collectivités et celle qu’elle affiche à l’extérieur.
À ce stade, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je rappellerai brièvement l’historique de la prestation de fidélisation et de reconnaissance et de son lien avec l’allocation de vétérance.
L’allocation de vétérance est de création relativement récente puisqu’elle a été instaurée dans la lignée de la loi du 3 mai 1996, modifiée par la loi du 23 février 1999, qui a permis d’y rendre éligible un nombre plus important de sapeurs-pompiers volontaires.
Cette allocation est clairement identifiée comme une indemnisation du temps passé à l’exercice de missions d’intérêt général : de ce fait, elle n’est soumise à aucun impôt ou cotisation sociale et, à l’instar des vacations, elle est incessible, insaisissable et cumulable avec tout revenu ou prestation sociale.
Parce que l’allocation de vétérance ne pouvait, à l’origine, faire l’objet d’une réversion, le décret d’octobre 2009 précité a prévu de la maintenir au profit du conjoint survivant en cas de décès du bénéficiaire.
J’en viens à la prestation de fidélisation et de reconnaissance accordée aux sapeurs-pompiers volontaires.
En juillet 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a créé une mission dite « mission Volontariat ». Composée exclusivement de six maires et présidée par Jean-Paul Fournier, elle ne comportait aucun représentant des départements, alors même que la loi relative à la démocratie de proximité, qui arrime financièrement les SDIS aux conseils généraux, venait d’être votée.
Parmi les propositions formulées par la mission en vue, selon ses propres termes, de « donner un nouvel élan au recrutement et à la fidélisation des sapeurs-pompiers volontaires », figurait en première position la mise en place d’une véritable allocation « de reconnaissance ».
Au cours de l’été 2003, été de la canicule, marqué par de nombreux feux de forêts et une sollicitation importante des sapeurs-pompiers, la profession fut agitée par de vives manifestations de mécontentement. C’est ainsi que, dans la perspective du congrès de la FNSPF de Bourg-en-Bresse, les présidents de conseils généraux Michel Mercier, Philippe Adnot, Philippe Leroy et moi-même avons été convoqués par le ministre pour donner notre aval à la mise en place d’un nouveau régime de retraite des sapeurs-pompiers destiné à remplacer l’allocation de vétérance.
Afin de répondre aux demandes du président de la FNSPF de l’époque et de satisfaire au double objectif de récompenser les sapeurs-pompiers volontaires et de les fidéliser, a donc été annoncée, pour l’avenir, l’extension de la part variable de l’allocation de vétérance à ceux qui avaient cessé leur activité avant 1998, le doublement de celle-ci pour ceux qui partaient à la retraite en 2004 et la création d’un nouveau régime de retraite à compter de 2005. Tel était notamment l’objet de l’article 95 de la loi de finances pour 2005. Et ce sont donc Michel Mercier, Philippe Adnot, Philippe Leroy et moi-même qui avons été à l’origine du nouveau dispositif.
Ce régime de retraite se substituant à l’ancien, l’allocation de vétérance fut mise en extinction, sauf pour les sapeurs-pompiers volontaires des corps communaux. Ainsi, depuis le 1er janvier 2004, trois « avantages retraite » pour anciens sapeurs-pompiers volontaires coexistent : l’allocation de vétérance, l’allocation de fidélité, la prestation de fidélisation et de reconnaissance.
Les SDIS supportent intégralement le financement des deux premiers et l’État consent à participer pour moitié à celui du troisième : sur un total de 107 millions d’euros, les collectivités contribuent à hauteur de 74, 4 millions d’euros.
En mars 2009, la commission des vétérans de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France a de nouveau demandé l’alignement de l’ancienne allocation de vétérance sur l’allocation de fidélité. Il s’agissait donc d’une demande nouvelle. Celle-ci a été prise en compte par M. Pierre Morel-A-L’Huissier dans la première mouture de sa proposition de loi, sans même que la pertinence et le coût de cette mesure soient évalués. Comme je l’ai déjà dit, cette demande était totalement contraire à tous les engagements antérieurs.
La première version de la proposition de loi contenait cette mesure, à laquelle, dès l’origine, nous avons fait connaître l’opposition des financeurs, déjà très largement sollicités.
L’ADF a pris position sur ce point lors de la réunion de son bureau de février 2011, et je constate au passage que, à cette occasion, aucun des présidents de conseils généraux de gauche ne s’est défilé… Elle a refusé une telle mesure pour les raisons suivantes.
Premièrement, une telle revalorisation n’a pas sa place dans un texte destiné à favoriser le développement du volontariat.
Deuxièmement, l’extension à tous de la part variable a été réalisée.
Troisièmement, l’allocation est actuellement versée par les SDIS pour le compte des communes et des EPCI dont les corps de sapeurs-pompiers ne sont pas départementalisés.
Quatrièmement, le coût de la mesure représenterait une charge nouvelle incompatible avec la situation financière des départements, alors même que le Gouvernement s’est déjà engagé dans un moratoire afin d’éviter l’alourdissement des charges des collectivités. Je précise à mon tour que la charge nouvelle est évaluée à 30 millions d’euros.
Ces quatre points figurent dans la délibération de l’ADF, association présidée par un président de conseil général que chacun connaît bien et qui est totalement opposé à ce mode de financement.
En l’état, la rédaction de l’article 13 ter instaure le caractère facultatif de l’alignement de l’allocation de vétérance sur l’allocation de fidélité. Mais qui peut croire à ce caractère facultatif ? Personne ici ne peut douter que, dans trois à cinq ans, cette allocation sera totalement généralisée !
Tous les comptes rendus des débats qui se sont tenus au sein des instances de l’ADF montrent que celle-ci était formellement opposée à cette mesure.
Je rappelle que l’ADF m’avait demandé de défendre devant Mme le rapporteur la suppression de l’article 13 ter. J’avais donc pour mission, en tant que représentant de l’ADF, de défendre cette position majoritaire : c’est ce que j’ai fait. Quelle n’a pas été alors ma surprise de constater que son président, une heure après m’avoir fait cette demande, prenait l’engagement de ne pas soutenir les amendements de suppression !
J’ai d’ailleurs pris acte de la position du groupe socialiste, qui a manifestement bien reçu ce message. C’est pourquoi j’ai parlé tout à l'heure de double langage : celui qu’on tient en petit comité, entre collectivités qui ne veulent plus assumer de charges nouvelles, et celui qu’on tient en public, où l’on se dit prêt à supporter toutes les charges supplémentaires. Je suis donc extrêmement surpris par ce revirement !
Loin de moi l’idée de vous inquiéter, monsieur le secrétaire d’État. Croyez bien que je ne ferai rien pour empêcher le vote de ce texte. Indépendamment de la position très ambiguë dont je viens de faire état, je considère en effet que ce texte, qui était attendu depuis longtemps, est excellent sur le fond : sur de nombreux points, il nous sécurise, aussi bien que les sapeurs-pompiers eux-mêmes.
Par ailleurs, tout en défendant une position très claire sur le sujet, je me suis toujours efforcé de faire progresser la situation des sapeurs-pompiers, sachant néanmoins que les collectivités locales rencontrent, elles aussi, des problèmes budgétaires.
Il ne faudra plus vous plaindre, chers collègues du groupe socialiste, de l’augmentation des charges de nos collectivités, alors même que vous les acceptez ici !
Pour ma part, je voterai bien évidemment ce texte. Je souhaitais toutefois vous faire part de ma position sur ce point particulier.