Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'en venir au fond du débat que nous avons la chance d'avoir aujourd'hui sur la loi littoral, je tiens à souligner le rôle extrêmement positif de notre Haute Assemblée, qui a apporté une excellente contribution sur le sujet.
Je souhaite en particulier rendre hommage au travail qui a été effectué à travers la mise en place d'un groupe commun aux commissions des lois et des affaires économiques. Sous l'autorité de nos collègues Jean-Paul Alduy et Patrice Gélard, ce groupe, qui a organisé un grand nombre d'auditions, a produit un rapport tout à fait intéressant, lequel a le mérite de présenter des propositions concrètes, visant à améliorer l'application de la loi littoral, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle offre un bilan contrasté sur le plan national, mais franchement médiocre en ce qui concerne la Corse.
Le législateur a le devoir, chacun en convient, de voter des textes d'intérêt général, en étant inspiré par une volonté d'équilibre et d'équité. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il faille oublier les particularités locales, qu'elles soient géographiques, sociologiques ou politiques.
A travers la loi de 1986, qui a été conçue pour répondre au triple attrait - résidentiel, touristique et économique - de l'espace littoral, tout en préservant les espaces rares et sensibles, on a donc cherché à établir un équilibre entre protection et développement.
Ont ainsi été posées des règles qui sont les mêmes pour la côte dunkerquoise et pour la Corse, pour la côte landaise et pour la Côte d'Azur. Or les problématiques y sont bien différentes et, à l'évidence, près de deux décennies après l'entrée en vigueur de la loi de 1986, l'application qui en a été faite sur l'île jusqu'à présent ne correspond nullement aux réalités de la Corse, non plus d'ailleurs qu'à la lettre de cette loi.
La loi littoral, dans le cas de la Corse, est en effet essentiellement une loi de protection et très peu une loi d'aménagement.
Avant même d'avoir développé mon propos, je sens déjà souffler le vent des accusations récurrentes que de bonnes âmes touchées par l'intégrisme écologiste profèrent contre tous ceux qui osent dire haut et fort que le littoral corse est insuffisamment aménagé pour répondre au besoin de développement, notamment économique, de ses habitants. « Vous voulez bétonner, vous n'avez aucun respect pour l'environnement... », disent ces bonnes âmes. Mais, je le répète, les élus corses du littoral, dont je suis, n'ont aucune envie de défigurer l'île où ils vivent et à laquelle ils sont attachés viscéralement.
Pour autant, notre responsabilité est de penser à l'avenir de nos jeunes, si durement frappés par le chômage. Si nous voulons créer des emplois en Corse, il faut permettre les conditions du développement économique. Or le développement économique de la Corse, ce n'est pas la culture du litchi ou de la tomate naine, c'est le tourisme. Et sans l'aménagement du littoral, le tourisme ne pourra pas se développer. C'est aussi simple que cela !
Comme je le disais précédemment, en Corse, la loi littoral est surtout une loi de protection et très peu une loi d'aménagement. En effet, avec ses 1 000 kilomètres de côtes et une dominante de communes littorales de caractère rural, le mécanisme de la constructibilité en continuité des agglomérations existantes n'a joué que dans une proportion infime, à la mesure de la quasi-inexistence de l'urbanisation. De plus, la création des « hameaux nouveaux » est, en Corse, inadaptée sur les plans foncier et sociologique, tous ceux qui connaissent l'île en conviendront.
Afin d'illustrer mon propos, je ferai une comparaison qui me semble pertinente : pour 1 000 kilomètres de côte entre Banyuls et Menton, 50 000 permis de construire ont été délivrés en 2002. Pour la même période et le même nombre de kilomètres, seulement 2 900 permis ont été délivrés en Corse. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Les dérogations à la loi littoral ouvertes par la loi du 22 janvier 2002 pour améliorer la situation se sont révélées insuffisantes. Des aménagements législatifs très concrets peuvent être réalisés pour sortir la Corse de l'ornière où elle se trouve du fait de l'application actuelle de la loi littoral.
Tout d'abord, il me semblerait souhaitable, puisque la problématique est assez proche, de s'inspirer de l'amendement Brottes, qui, à l'occasion de l'examen de la loi SRU, a assoupli la loi montagne en autorisant des zones d'urbanisation diffuses, délimitées, respectueuses de l'environnement et des paysages.
Il conviendrait également de tenir compte du ratio d'urbanisation par rapport à la superficie de la commune et d'assouplir ou de préciser la notion de « hameau nouveau », afin, notamment, qu'un hôtel de 100 ou 150 chambres puisse être considéré comme un hameau nouveau au sens de la loi littoral. L'augmentation de nos capacités d'hébergement est, je le redis avec force et vigueur, la condition principale du développement de la Corse.
Lors d'une réunion du groupe de travail du Sénat sur la loi littoral, j'avais formulé le voeu qu'une étude spécifique soit menée sur l'application de cette loi en Corse, afin que des propositions particulières puissent être faites pour l'améliorer.
Je renouvelle aujourd'hui solennellement ce souhait devant vous, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec l'espoir qu'il pourra y être répondu favorablement, car il y va de l'avenir de notre île et de son développement.