Intervention de Louis Schweitzer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 mars 2015 : 3ème réunion
Audition de M. Louis Schweitzer commissaire général à l'investissement

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Je vais effectivement vous proposer un bref exposé liminaire, en commençant par rappeler que quatre sénateurs figurent parmi les membres du comité de surveillance du PIA et suivent donc nos travaux de près. Tout le monde se souvient du « grand emprunt », lancé en 2009 par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, qui a confié la réflexion de sa mise en oeuvre à une commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, tous deux anciens Premiers ministres. Ces derniers président désormais le comité de surveillance du PIA qui se réunit à intervalles réguliers et devant lequel je présente de façon détaillée l'activité du Commissariat général à l'investissement.

La création du PIA est partie du constat selon lequel en période de crise, comme c'était le cas en 2009, on a tendance à sacrifier l'investissement dans les budgets. Il est donc apparu nécessaire de sanctuariser les investissements pour l'avenir afin que le potentiel de croissance de la France ne soit pas compromis.

Le PIA a pour objectif de financer les projets d'excellence, tant dans le domaine de la recherche universitaire ou appliquée, que dans celui de l'industrie ou de l'énergie. Il n'intervient pas, en revanche, dans le secteur des grandes infrastructures.

Le PIA tend également à inciter au rapprochement entre différents acteurs, notamment dans le domaine universitaire par le biais des centres d'excellence, et à favoriser les collaborations entre les milieux universitaire et industriel en matière de recherche, lesquelles s'avèrent moins développées ici que dans d'autres pays, ainsi que le travail en commun de filières industrielles qui s'étaient parfois bien organisées, comme dans le domaine aéronautique, et parfois moins, par exemple s'agissant du secteur automobile.

La procédure repose sur le commissariat général à l'investissement, structure légère composée de 34 membres et qui s'appuie sur des opérateurs - des grands organismes publics - pour instruire et suivre les projets.

Toutes les décisions du Commissariat général à l'investissement sont prises sur le fondement du travail d'experts, qui peuvent être réunis au sein de jurys, et reposent sur une procédure interministérielle.

Les enveloppes financières s'élèvent à 35 milliards d'euros en 2010, pour le premier PIA, et à 12 milliards d'euros en 2013 pour le second PIA.

Le fait que les deux présidents de la commission chargée de déterminer les priorités d'avenir financées par l'emprunt soient issus de deux sensibilités différentes a permis au PIA de traverser les alternances sans être modifié.

Les crédits du PIA, ouverts en loi de finances, ne pèsent pas tous, selon leur nature, sur le déficit maastrichtien. Les subventions et les avances remboursables représentent environ 20 milliards d'euros et pèsent entièrement sur le déficit maastrichtien. Au contraire, les dotations non consommables, correspondant à environ 18 milliards d'euros, ont pour caractéristique de ne pas pouvoir être dépensées par leurs bénéficiaires, lesquels perçoivent en revanche des intérêts sur ces dotations chaque année. Le taux est fixé à 3,5 % pour les dotations du premier PIA et 2,5 % pour le second PIA. Ce système original s'inspire de celui des universités américaines qui disposent généralement d'un fonds de dotation qui produit des revenus constituant leurs ressources au même titre que les droits d'inscription des étudiants. Avec les dotations non consommables, les universités disposent également de recettes affectées au financement de leurs laboratoires de recherche. Seuls les intérêts pèsent alors sur le déficit maastrichtien.

Dans le cas des dotations sur fonds propres et les prêts, l'État agit en « investisseur avisé », ces sommes n'ont pas d'impact sur le déficit.

Aux côtés du financement par le PIA, les cofinancements du secteur privé ou des collectivités territoriales représentent plus de 25 milliards d'euros.

Au 31 décembre 2014, 33,6 milliards d'euros ont été engagés, c'est-à-dire que ces sommes ont fait l'objet d'une promesse d'affectation à un objet et un destinataire particuliers. 28 milliards d'euros ont d'ores et déjà été contractualisés entre l'opérateur et le bénéficiaire du financement. Compte tenu du montant des cofinancements, il apparaît qu'un euro investi par l'État correspond environ à la même somme pour les autres investisseurs, sachant que certaines actions ne permettent pas le cofinancement, à l'instar de celles consacrées au développement du secteur universitaire.

Par ailleurs, 10,4 milliards d'euros ont été décaissés. Cette somme bien plus basse que celles annoncées précédemment s'explique à la fois par le fait que les dotations non consommables ne sont par nature pas décaissés et ne génèrent une dépense que s'agissant du versement des intérêts, et que les versements sont faits en fonction de l'avancement des projets.

L'année 2014 a connu une importante activité, après une année 2013 plus calme :

- 437 projets nouveaux ont été financés en 2014, contre 178 en 2013 ;

- près de 5 milliards d'euros ont été engagés en 2014, contre moins de 700 millions d'euros en 2013 ;

- 4 milliards d'euros ont été contractualisés en 2014, hors dotations non consommables, contre 2,4 milliards d'euros en 2013 ;

- 4,3 milliards d'euros ont été décaissés en 2014, contre 2 milliards d'euros en 2013.

Quels sont les enjeux pour l'avenir ? Le PIA repose sur une bonne idée de départ et une procédure efficace qui n'ont rien perdu de leur force.

Nous sommes chargés par la loi d'évaluer les investissements publics de plus de 100 millions d'euros et de recenser ceux de plus de 20 millions d'euros ; mais nous devons également évaluer notre propre activité. D'ailleurs, une partie des crédits que nous allouons à un projet est consacrée à la mesure de son efficacité. L'évaluation est donc constante.

Nos procédures sont-elles parfaites ? Non, elles sont souvent trop lentes et trop complexes ; nous nous efforçons de les simplifier et de réduire à moins de trois mois le délai entre le dépôt d'un projet et la contractualisation. Lorsque nous contractualisons avec des entreprises, un délai de dix, douze, quinze mois, pose des problèmes de trésorerie et, dans certains cas, l'innovation peut avoir perdu de sa nouveauté.

N'y a-t-il pas eu quelques fois des affectations de PIA qui ne correspondaient pas à « l'esprit » du PIA ? Oui, il y en a eu, nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler.

Faut-il réfléchir aux modalités d'articulation entre le « plan Juncker » et le PIA ? Oui, à l'évidence ; d'ailleurs, le Gouvernement a désigné comme coordinateur français du « plan Juncker » le commissaire général adjoint, Thierry Francq. Autrement dit, le Commissariat général à l'investissement a en charge la représentation pour la France des projets pour le plan Juncker : l'articulation entre ces deux programmes est bien assurée.

Enfin, un PIA 3 est-il nécessaire ? Le Président de la République a, tout récemment, pris une position de principe en faveur d'un troisième plan d'investissements d'avenir. Au rythme où nous sommes, les PIA 1 et 2 seront engagés en quasi-totalité à la mi-2017. Par ailleurs, il faut entre six et douze mois entre le vote du Parlement sur un PIA et l'engagement effectif des actions. Donc si l'on veut éviter une rupture entre l'action des PIA 1 et 2 et celle du PIA 3, il faut, en 2016, voter un PIA 3.

Je pense qu'en 2017 et 2018, nous ne serons pas sortis de l'austérité budgétaire. Aussi, le problème de départ, à savoir sauvegarder l'investissement d'avenir, ce qui crée le potentiel de croissance, sera aussi actuel qu'il l'était en 2009 ou en 2013. Étant observé que le PIA 3, s'il était voté, ne pèserait pas du tout sur l'exécution de l'année 2016 et peu sur celle de 2017 car la montée en régime d'un PIA est très progressive. Le PIA n'a pas d'effet immédiat et significatif sur le déficit.

Avant de proposer un PIA 3, il faut bien sûr évaluer les PIA 1 et 2 - même si, cela étant dit, je suis convaincu de la nécessité de la continuité de l'action de l'État en matière d'investissements d'avenir. L'évaluation complète des PIA 1 et 2 ne pourra pas se faire avant 2020 ou 2025 car ce n'est qu'à cet horizon qu'il sera possible d'estimer si notre système universitaire s'est regroupé comme on le souhaitait ou si la coopération entre la recherche universitaire et la recherche industrielle s'est développée. Toutefois, on peut dès à présent regarder si ce que nous finançons sont de bons projets, si les institutions créées fonctionnent effectivement, si des projets communs entre la recherche universitaire et industrielle voient le jour ou encore si le soutien apporté à la transition énergétique produit des résultats. Il y a toute une série d'éléments que nous pouvons évaluer sans attendre : l'année 2015 et le début de l'année 2016 seront donc consacrés à une évaluation complète, en faisant bien sûr appel à des experts extérieurs, pour valider l'appréciation des PIA 1 et 2.

Se pose ensuite la question des orientations du PIA 3. Je précise d'emblée que rien n'a été décidé à ce stade. Il ne nous a pas paru nécessaire de réunir un nouveau comité, qui partirait de zéro. En revanche, le rapport de messieurs Juppé et Rocard, co-présidents du comité de surveillance, datant de 2009, il serait nécessaire de l'actualiser pour un PIA démarrant en 2017. La science et les circonstances ont changé, des progrès ont été accomplis dans certains domaines et l'évaluation conduira certainement à des évolutions.

En parallèle à la réflexion sur l'évaluation, nous allons en engager une autre, là encore interministérielle, sur ce que pourrait être le PIA 3. J'évoquerai ici quelques orientations.

Premièrement, il convient d'assurer la meilleure complémentarité possible entre le PIA et les initiatives européennes, et notamment le « plan Juncker ».

Deuxièmement, il faut réfléchir à associer plus étroitement au PIA 3 les nouvelles régions, dont le rôle économique a été renforcé, selon des formes qui devront être discutées le moment venu avec leurs nouveaux responsables. Le PIA n'a pas vocation à faire de l'aménagement du territoire, mais il ne saurait être question d'ignorer le rôle majeur des nouvelles régions.

Troisièmement, certains secteurs n'ont pas du tout ou significativement été traités dans le cadre du PIA 1 et du PIA 2. Un exemple évident est celui des industries agroalimentaires, domaine d'excellence de la France mais qui pourtant n'est pas « en flèche » par rapport à d'autres pays. Il faut réfléchir à une nouvelle répartition des crédits.

Quatrièmement, devons-nous créer de nouvelles institutions, ou au contraire simplifier les mécanismes et institutions actuels qui interviennent dans la recherche ? Ma tentation naturelle est plutôt d'aller vers la simplification que vers la création de nouvelles institutions, mais là aussi il faut pousser la réflexion.

Cinquièmement, nous voudrions, dans le cadre du PIA 3, essayer d'accroître la part des crédits qui ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien, pour d'évidentes raisons de contrainte budgétaire. Je ne sais si nous y parviendrons entièrement, mais c'est notre volonté.

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