Intervention de Louis Schweitzer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 mars 2015 : 3ème réunion
Audition de M. Louis Schweitzer commissaire général à l'investissement

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Il existe un risque réel que l'on impute sur les crédits du PIA - qui rappelons-le sont ouverts en loi de finances initiale et sont intégrés dans le calcul du déficit budgétaire - des investissements qui ne sont pas dans « l'esprit » du PIA. Il y a effectivement des exemples.

En premier lieu, certaines dotations initiales du PIA portent sur des investissements justifiés sur le fond mais auraient pu être financés par des crédits ordinaires du budget de l'État. Il y a, par exemple, des crédits d'avances remboursables à Airbus : il s'agit d'un mécanisme qui existe depuis longtemps, qui a fait la preuve de son efficacité, mais qui aurait très bien pu être imputé sur les crédits du budget de l'État. Autre exemple, les PIA ont porté des crédits de recherche civile et militaire du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui étaient auparavant des crédits du budget de l'État. Sur les 47 milliards d'euros des crédits du PIA, environ 5 milliards d'euros relèvent donc de cette catégorie - étant précisé que ces ouvertures ont été votées par le Parlement.

En second lieu, il est arrivé que, dans le cadre du PIA, soient effectués certains redéploiements internes - là encore sous le contrôle du Parlement, auquel est soumis tout redéploiement, soit pour accord préalable dans le cas de montants importants, soit pour information préalable dans le cas de montants plus faibles. Nous effectuons ces redéploiements internes pour des raisons d'efficacité, et ils demeurent dans l'esprit du PIA. Ces redéploiements, pris à l'initiative du Commissariat général à l'investissement, sont de l'ordre de 4 milliards d'euros sur les 47 milliards d'euros.

Il arrive aussi que nous subissions des redéploiements, imputés en cours d'exécution, qui ne sont pas dans l'esprit du PIA. Ils s'élèvent à environ 2 milliards d'euros, notamment au bénéfice du ministère de la défense. Ces redéploiements ont démarré dès 2011, dès la mise en place du PIA. Quelles conclusions en tirer ? Bien sûr, lorsqu'un redéploiement est contraire à l'esprit du PIA, nous plaidons contre. Mais lorsque la décision est prise, nous ne pouvons que nous incliner.

Dans le cadre du PIA 3, nous serons sans doute amenés à préciser la doctrine d'investissement - ce qui certes ne garantira rien, mais aura le mérite de la clarté quant à ce qui a - ou n'a pas - sa place dans le PIA. À ce stade, il s'agit d'une idée, pas d'une décision.

En ce qui concerne l'articulation du PIA avec le « plan Juncker » : tout d'abord, on ne peut que se réjouir de cette initiative. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de recevoir Pierre Moscovici qui, à l'époque où il était parlementaire en mission, plaidait pour un « PIA européen ». Si le « plan Juncker » n'est pas un enfant du programme d'investissements d'avenir, il partage le même esprit.

Il y a néanmoins des différences de fond. Le « plan Juncker » intervient notamment en matière de grandes infrastructures de transport, contrairement au PIA. Ensuite, le « plan Juncker » ne contient en principe aucune subvention, et ne participe que s'il existe une perspective de retour financier. C'est une grande différence avec le PIA qui, avec les dotations non-consommables en faveur des universités et les subventions, soit au total près de la moitié des montants, intervient dans des domaines « interdits » au « plan Juncker ».

Enfin, vous avez souligné à juste titre qu'il n'existe pas de « filtre national » dans le cadre du « plan Juncker ». Dans les faits, je ne doute pas que certains essaieront d'obtenir des financements à la fois au titre du PIA et du plan Juncker, mais je crois que les mécanismes qui permettent d'éviter cela sont assurés, puisque les partenaires français du « plan Juncker » sont les opérateurs du PIA. Notre idée est la suivante : le PIA n'interviendra pas là où nous pensons que le « plan Juncker » le fera. Mais si de bons projets venaient à ne pas obtenir de financement européen, il ne faudrait pas les sacrifier. Par ailleurs, le PIA pourrait s'avérer plus rapide ou plus efficace dans un certain nombre de cas. L'Union européenne exige notamment des projets d'un volume plus important que celui que nous demandons : les projets des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) devraient donc trouver plus facilement une réponse au niveau national.

Ensuite, nous faisons effectivement des évaluations : indépendamment de la gestion des PIA eux-mêmes, le Commissariat général à l'investissement a été chargé par le Parlement et le Gouvernement de mener des contre-expertises des grands projets, qui sont effectuées par des experts indépendants, et dont les résultats sont transmis au Parlement et au Gouvernement et rendus disponibles à l'occasion des enquêtes publiques. L'expérience montre qu'un avis négatif du Commissariat général à l'investissement conduit à améliorer le projet, et qu'il peut ensuite être levé au profit de quelques réserves. L'expérience montre aussi que les réserves et recommandations émises par le Commissariat général à l'investissement sont utiles à ceux qui mènent les projets - ils sont d'abord mécontents, puis admettent qu'il y a quelque profit à en tirer. Nous veillons à ce que notre contre-expertise, qui dure en général trois mois, se fasse le plus souvent possible en « temps masqué » afin de ne pas retarder des projets utiles.

Sur les propositions relatives au contenu du PIA 3, je ne me sens pas encore en mesure de vous répondre - y compris sur mes propres propositions, et sans même parler de la décision du Gouvernement puis de celle du Parlement. Je le répète : le Président de la République a pris la semaine dernière une orientation de principe en faveur d'un PIA 3, avec pour échéance le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative courant 2016, ce qui nous laisse dix-huit mois pour réfléchir et travailler à tout cela.

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