Intervention de Louis Schweitzer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 mars 2015 : 3ème réunion
Audition de M. Louis Schweitzer commissaire général à l'investissement

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Je ne peux espérer répondre de façon aussi détaillée qu'il le faudrait à toutes les questions. Je vous adresserai donc des réponses écrites à toutes les questions auxquelles je n'aurai pas répondu oralement de façon suffisamment complète.

Concernant les actions pédagogiques en matière de formation professionnelle et d'emploi, un appel à projets a été ouvert le 1er décembre dernier, comme l'a rappelé François Patriat. En principe, celui-ci est ouvert jusqu'en 2017. Mais je pense qu'il sera clos avant cette date car nous avons déjà reçu des projets de très bonne qualité. Nos actions dans ce domaine se concentrent sur quelques axes importants : premièrement, préparer aux métiers d'avenir ; deuxièmement, assurer des techniques de formation au meilleur niveau et troisièmement, garantir des conditions de vie attractives pour les personnes formées. Nous sommes convaincus que nous dépenserons intelligemment et efficacement les fonds dans ce domaine.

S'agissant des projets de démonstrateurs de recherche dans le domaine des énergies renouvelables et la transition énergétique évoqués par Jean-François Husson, nous avons financé, pour des montants élevés, des projets d'hydroliennes et d'éoliennes flottantes. Ces projets sont avancés mais la question de leur diffusion demeure entière. On pourrait envisager dans ce cas une articulation avec le « plan Juncker ». La logique est la suivante : nous finançons avec le PIA des projets exploratoires et, si ces derniers sont concluants, les entreprises pourront bénéficier du « plan Juncker » pour leur généralisation.

Philippe Dallier a évoqué le fonds d'aide à la rénovation thermique. Effectivement, cette action a connu un démarrage lent mais il s'agit d'une aide très importante en faveur des ménages modestes. Pour l'année 2015, les crédits de ce fonds seront suffisants pour faire face à la demande mais un complément sera peut-être nécessaire en 2016.

Philippe Adnot l'a rappelé, les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ont pour objet d'aider à la maturation de projets de recherche afin d'en faire des projets favorisant la croissance économique. L'ambition est que les SATT s'autofinancent à terme et qu'elles couvrent l'ensemble du territoire - aujourd'hui, seule la Normandie n'est pas couverte. Mais les SATT sont plus ou moins avancées ; toutes n'auront pas atteint l'autofinancement en 2020. Nous essaierons d'avoir une approche différenciée, en fonction de leur dynamisme, avec un calendrier tenant compte de la réalité de chaque société. Elles tiennent des conventions annuelles qui permettent d'échanger sur les avancées de chacune.

Bernard Lalande a évoqué le plan « France Très haut débit ». Nous avions en effet prévu une enveloppe de prêts bonifiés à destination des opérateurs. Cette enveloppe ne sera pas utilisée par ces derniers dans la mesure où les taux d'intérêt actuels sont très faibles. Mais au fond, ce n'est pas le sujet, car l'objet des PIA est de financer la partie commercialement non rentable de ces investissements. Il s'agit ici d'un exemple intéressant qui est en quelque sorte symétrique aux redéploiements : nous avons conservé la procédure PIA, qui fonctionne très bien, y compris pour les financements hors PIA ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Les avances, qui permettent de compléter la couverture du territoire national, sont donc des crédits adossés à des recettes de l'État. À ce titre, c'est une sorte d'abondement indirect du PIA.

Michel Berson est intervenu sur le lien entre les grandes écoles et les universités. Il y a eu de réels progrès en la matière grâce aux PIA, en particulier avec le plateau de Saclay ou Paris Sciences et Lettres. Nous ne sommes bien sûr pas au bout de ces progrès. Par exemple, l'école polytechnique française a aujourd'hui une puissance internationale inférieure à l'école polytechnique fédérale de Lausanne. En favorisant les interactions entre grandes écoles et universités, Saclay devrait nous permettre d'améliorer la situation.

S'agissant de l'ANR, nous n'envisageons absolument pas de modifier nos liens avec cet opérateur efficace et avec lequel nous avons de bonnes relations.

Je souhaiterais clarifier un point : nous finançons des investissements d'avenir mais ceux-ci ne sont pas nécessairement des investissements au sens budgétaire du terme, c'est-à-dire des dépenses d'équipement. Lorsque nous finançons des laboratoires universitaires, nous finançons de la recherche qui, juridiquement, n'est pas un investissement. Lorsque nous finançons les projets d'excellents chercheurs, il s'agit, du point de vue du budget de l'État, de dépenses de fonctionnement même si, dans l'esprit commun, c'est un investissement pour l'avenir. Cela dit, il est vrai que nous versons aux établissements d'enseignement supérieur un préciput, auparavant fixé à 4 % et relevé à 8 %, destiné à couvrir leurs frais généraux pour les projets de recherche. Un certain nombre d'universités voudrait qu'il soit encore augmenté mais plus nous augmenterons ce préciput, moins il y aura de financements pour les laboratoires. Ce débat n'est pas clos.

Concernant l'articulation avec les projets européens de recherche, les laboratoires nous indiquent que le fait de recevoir des financements du PIA est un atout ; cela leur donne davantage de visibilité vis-à-vis des autorités européennes. Il s'agit donc d'un effet additif plutôt que d'un effet substitutif.

En ce qui concerne les investissements dans le domaine du sport, de la jeunesse et de la vie associative auxquels s'intéresse Claude Raynal, je préfère vous répondre par écrit. C'est un domaine où l'on constate en effet que la frontière n'est pas rigide entre les crédits du PIA et le budget de l'État. Ceci dit, à mes yeux, ignorer ce secteur lorsque l'on finance des investissements d'avenir serait une faute lourde.

Au sujet du cumul des expertises sur les projets des établissements publics de santé évoqué par Francis Delattre, je précise que le COPERMO réalise une contre-expertise pour les projets dont le montant est compris entre 50 et 100 millions d'euros et le Commissariat général à l'investissement met en place une contre-expertise pour les projets au-delà de 100 millions d'euros. Il y a donc, en principe, une bonne articulation entre le COPERMO et le Commissariat général à l'investissement. Nous nous attachons à éviter des délais supplémentaires. Il faut avoir conscience que, dans les projets hospitaliers, la dépense la plus importante n'est pas l'investissement mais la dépense de fonctionnement qui en résulte sur dix, quinze ou vingt ans. Il est donc essentiel de calibrer l'investissement au plus juste. Dans le cas du CHU de Pointe-à-Pitre - qui, je le rappelle, connaît de réelles difficultés financières - il nous a paru que le projet initial pénaliserait, en fonctionnement, l'avenir financier de cet hôpital. Je pense que le projet revu sera plus satisfaisant.

Philippe Dominati a demandé si, avec le PIA 3, on actait l'installation de la France dans la crise. Je n'ai pas dit que la crise se prolongerait jusqu'en 2017 mais que la rigueur budgétaire perdurerait certainement jusqu'en 2017 et au-delà. Je pense que le risque de sacrifier l'investissement au profit du fonctionnement, dans le budget de l'État et les budgets des collectivités territoriales, est réel. Une certaine pérennité du PIA n'a donc pas que des inconvénients.

Sur l'effet de levier, je voudrais clarifier un point. Les cofinancements de 25,8 milliards d'euros, dont 18 milliards d'euros du secteur privé, ne doivent pas être comparés aux 47 milliards d'euros de dotations du PIA mais aux 28 milliards d'euros qui ont été contractualisés. C'est au moment de la contractualisation avec les partenaires que l'on mesure le cofinancement. Sur ce qui est contractualisé, il y a également des dotations qui, par nature, ne donnent pas lieu à un cofinancement privé : il s'agit notamment des contractualisations avec les instituts universitaires d'excellence. Ces dotations non consommables représentent quasiment 13 milliards d'euros. Si l'on tient compte des contractualisations hors dotations non consommables, ce qui correspond à environ 15 milliards d'euros, on constate que les fonds du secteur privé représentent plus de 50 % des investissements - avec des variations selon les secteurs.

L'impact des PIA sur la dette publique correspond aux décaissements ; ces derniers s'élèvent à 10,5 milliards d'euros à fin 2014. En revanche, les dotations non consommables n'ont pas d'impact sur la dette pour leur montant ; seuls les intérêts versés chaque année au taux des obligations assimilables du Trésor ont un impact.

Jacques Chiron a évoqué l'enseignement du numérique à l'école. Le PIA 3 pourrait en effet intervenir dans ce domaine, même si les modalités précises doivent être définies.

Fabienne Keller s'est interrogée sur les procédures de sélection. Il y a deux étapes : tout d'abord, quel est le contenu du PIA 3 ? Il s'agira, pendant cette première phase, d'associer des partenaires extérieurs - le Comité économique, social et environnemental, France stratégie etc. - à la définition du nouveau PIA. Puis, après le vote, il y aura des procédures d'expertise et de sélection, qui, dans mon esprit, seront dans la ligne exacte de celles du PIA 1 et du PIA 2 car elles ont fait la preuve de leur efficacité.

En ce qui concerne les projets de l'ADEME évoqués par André Gattolin, je vous adresserai une réponse écrite. Par rapport aux crédits ouverts, nous avons été moins sollicités que prévu. Il s'agit d'une priorité pour le PIA 3 et nous devrons identifier les raisons pour lesquelles il y a eu moins de projets qu'espéré. Les délais d'instruction dans les procédures de l'ADEME sont particulièrement longs. Avec les dirigeants de l'ADEME, nous cherchons donc à les réduire et à simplifier les procédures, j'espère que vous verrez des améliorations sur ce point.

Le Commissariat général à l'investissement n'intervient pas dans le champ des infrastructures ferroviaires, d'autres mécanismes étant en effet plus adaptés et compte tenu des sommes conséquentes devant être investies.

Nous voulons effectivement développer l'agroalimentaire.

Michel Canevet s'est demandé si le PIA pourrait octroyer davantage de prêts et de garanties. Sur ce sujet, nous travaillons étroitement avec la Banque publique d'investissement (BPI) qui, en tant qu'opérateur, intervient de façon active et nous faisons en sorte d'éviter les redondances entre son action propre et le PIA.

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