Je veux dire moi aussi combien je suis attachée aux travaux qui ont été menés sous la présidence de Jean-Pierre Godefroy. Démissionnaire, il retrouvera sa liberté de parole dans l'hémicycle. Je me réjouis que cette proposition de loi ait pu enfin être inscrite à l'ordre du jour : c'était là l'essentiel.
On peut soulever toutes les interrogations, pour autant que l'on garde à l'esprit le but de la loi. Il est clair que ce texte n'éradiquera pas le fléau de la prostitution. Aucun texte de loi n'y suffirait. Mais on lui fait tant de reproches que c'est à se demander si le malentendu n'est pas de cet ordre.
Les associations féministes sont favorables à ce texte (Mme Catherine Génisson le conteste). Elles considèrent que la prostitution est une violence faite aux femmes. Il importe que la loi pose un interdit. Si l'Etat continue à être permissif, ce qui revient à considérer que le corps des femmes peut être utilisé moyennant finances, on n'atteindra jamais l'égalité. C'est laisser penser que parce qu'on est une femme, on peut servir au bon vouloir d'autrui.
Tous les témoignages recueillis montrent que les violences qui accompagnent la prostitution font des dégâts terribles, tant physiques que psychiques, de même intensité que ceux que provoquent les guerres. Certes, cette loi n'est pas l'instrument qui permettra de démanteler tous les réseaux. Il faudra que les policiers poussent l'effort du côté d'internet ; il faudra travailler pas à pas à remonter les réseaux, et c'est bien pourquoi il faut s'efforcer d'y consacrer autant de moyens que possible.
Il s'agit de montrer, ai-je dit, que l'Etat n'est pas complice. Pénaliser le recours à un acte sexuel tarifé, c'est indiquer clairement que la prostitution est un triptyque : personnes prostituées, réseaux de proxénétisme, clients. Le groupe CRC portera des amendements visant à réintroduire les articles qui ont été repoussés par notre commission spéciale. Il s'agit pour nous d'amorcer une prise de conscience, qui passe aussi par des mesures comme les stages de sensibilisation. On n'utilise pas le corps des femmes impunément, dans un sentiment de toute puissance. Il n'y a pas à différencier ceux qui ont recours à la prostitution de rue de ceux qui s'adressent à des escort girls. Le chemin est long, il passe par un travail sur les mentalités. La loi sera un outil à cette fin.
L'argument qui consiste à dire que l'on ne fera que déplacer ailleurs le problème ne vaut pas. Certes, il importe de faire bouger les lignes à l'échelle de l'Europe, mais on ne saurait attendre, pour agir, que tous les pays soient prêts à avancer. D'autant que notre vote peut avoir un effet d'entraînement. Ce texte représente une étape importante, et les prises de position qu'il suscite transcendent, à mon sens, les clivages politiques.