Madame la secrétaire d’État, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur une entreprise, certes moins importante que PSA, mais ô combien symbolique des détournements affectant le crédit d’impôt recherche, voire la propriété intellectuelle.
L’entreprise Mitrychem est née en 2011, à la suite de la vente « à la découpe » des laboratoires Lafon. Ces derniers avaient eux-mêmes été repris en 2011 par la société Cephalon, aujourd’hui Teva. L’établissement de Mitry-Mory avait alors été cédé pour l’euro symbolique au fonds d’investissement britannique PiLS, qui l’a transformé en société Mitrychem. Ce laboratoire produit notamment la molécule d’un médicament bien connu, le Spasfon. Depuis, la structure capitalistique a encore évolué.
Cette entreprise a bénéficié de nombreux avantages fiscaux accordés par l’État.
Pour l’année 2012, Mitrychem a ainsi profité de 514 303 euros au titre du crédit d’impôt recherche, tout en accordant un crédit de 450 000 euros à sa société mère, alors basée au Luxembourg. Un bien curieux jeu de vases communicants, qui en appellera d’autres.
En 2013, l’entreprise a bénéficié de 609 948 euros encore au titre du crédit d'impôt recherche, de 11 604 euros de dégrèvement au titre de l’effort de construction, de 280 465 euros de dégrèvement de taxe foncière et enfin de 159 025 euros de dégrèvement de cotisation foncière des entreprises, soit un total de 1 091 000 euros. Pour une année, la somme est appréciable !
Au titre de l’année 2014, Mitrychem espère bénéficier de 304 000 euros en crédit d'impôt recherche et de 700 000 euros pour son agrément comme « jeune entreprise innovante » – qualification curieuse, s’agissant d’une entreprise née il y a une trentaine d’années !
Les premiers problèmes financiers sont intervenus en août 2013, mais on en trouverait sans doute trace dès 2012, si l’on ne comptait pas l’aide publique.
Depuis novembre 2014, plus aucune production ne sort de l’atelier. À la fin du mois de décembre, la direction a présenté au comité d’entreprise un plan de restructuration prévoyant vingt et un licenciements, dont ceux de deux apprentis, sur les trente-huit emplois du site. Rappelons que, pour ces trente-huit emplois, l’entreprise avait perçu plus d’un million d’euros d’aides publiques sur une année…
Depuis le dépôt de cette question, l’entreprise a été placée en liquidation. Vingt-sept salariés ont été licenciés et il ne reste dans l’entreprise que les sept emplois dits « protégés ». Les représentants du personnel et les salariés n’ont aujourd’hui plus accès à l’atelier de production. À la fin du mois de janvier, la trésorerie de l’entreprise était inférieure à 50 000 euros, une somme insuffisante pour payer les salaires du seul mois de janvier.
Il est donc légitime de s’interroger sur l’usage des fonds publics au sein de cette entreprise. Comment est-il possible qu’aujourd’hui la trésorerie soit si basse ? S’agit-il d’un cas de faillite frauduleuse ? Pourquoi l’emprunt accordé à la société mère n’a-t-il pas été remboursé, alors qu’il représente, capital et intérêt compris, environ 490 000 euros ? Convenons que cette somme aurait pu venir gonfler la trésorerie !
Compte tenu du savoir-faire des employés, de l’outil de production haut de gamme et récent et de l’état du marché, l’entreprise est parfaitement viable. Quels moyens seront mis en œuvre par l’autorité publique pour assurer la pérennité de l’outil de production, alors que la direction espère pouvoir vendre le matériel pour un montant de 2, 5 millions d’euros – il n’y a pas de petits profits –, rendant toute reprise par le personnel impossible ?
Considérant l’ensemble de ces éléments, je vous demande, madame la secrétaire d’État, quelles dispositions seront prises à l’égard des dirigeants de cette entreprise afin d’assurer le remboursement des fonds publics si la suspicion de faillite frauduleuse se confirme. L’État ne peut plus continuer à contribuer au financement de ce pillage de l’industrie. Je relève d’ailleurs que l’entreprise n’a fait l’objet d’aucun contrôle fiscal au titre du crédit d'impôt recherche.
De plus, d’après les dernières informations dont je dispose, un laboratoire chinois envisagerait de reprendre l’entreprise Mitrychem. Cette perspective intéresse les salariés, qui sont présents aujourd’hui dans les tribunes. Pouvez-vous me dire, madame la secrétaire d’État, si le gouvernement entend faciliter les négociations en vue de cette éventuelle reprise, qui semble préférable à la disparition de ce bel outil de recherche et de production pharmaceutique ?