Ma question porte sur le projet élaboré dans le schéma régional de cohérence écologique de Picardie, lequel inquiète à la fois le monde agricole et les maires.
Alors que la délégation sénatoriale aux collectivités locales vient tout juste de publier le résultat de la consultation en ligne sur la simplification des normes, lancée à l’occasion du dernier Congrès des maires de France, les élus ont désigné massivement l’urbanisme et le droit des sols comme l’un des secteurs prioritaires. Le sujet qui nous occupe ce matin pourrait en être une illustration.
Volet régional de la trame verte et bleue, les SRCE sont chargés de mettre en œuvre la protection de la biodiversité. Issus des tables rondes menées à l’automne 2007 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ils constituaient alors un engagement phare et consensuel.
Ma question est d’autant plus d’actualité que, la semaine dernière, l’Assemblée nationale a débattu du projet de loi relatif à la biodiversité, qui semble télescoper ces SRCE toujours en cours d’élaboration dans certaines régions, notamment la Picardie, dont je me fais la voix ici. Quid alors du principe inscrit dans ce texte, à savoir « le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, reconnaissant les surfaces agricoles comme porteuses d’une biodiversité spécifique et variée » ?
Qui aura le supra sur quoi ? Le SRCE sera-t-il toujours d’actualité ? Quelles en seront encore les conséquences sur les documents et les marges d’urbanisme ? Encore une nouvelle contrainte normative !
J’en reviens au SRCE picard.
Présenté à la fois à la chambre d’agriculture et aux maires, et précédant une enquête publique qui doit se dérouler dans quelques mois, le schéma prend tout d’abord la forme d’une carte au 1/100 000e, carte sur laquelle apparaissent des « taches » représentant la biodiversité, reliées entre elles par des traits correspondant aux corridors écologiques de déplacement de la faune. Sur ces cartes, déjà peu précises, ne figure aucune signalisation des territoires des communes.
Les réservoirs de biodiversité figurant d’ores et déjà dans les documents d’urbanisme, seule serait utile sur ce document la mention des corridors environnementaux !
Ces corridors, qui traversent des parcelles et des communes, suscitent chez les agriculteurs et les élus nombre de questions relatives aux contraintes additionnelles à celles du plan Natura 2000, lesquelles étaient déjà d’importance.
Toutes ces contraintes en matière d’urbanisme, de cultures et d’aménagement de projet vont s’ajouter au millefeuille, déjà épais, des réglementations imposées aux communes, aux agriculteurs et aux habitants des territoires.
Je rappelle que la révision des plans locaux d’urbanisme, les PLU, est obligatoire dans un délai maximum de trois ans après l’adoption du SRCE. Cela représente, encore et toujours, de nouveaux frais à engager par nos collectivités.
À la suite de la réclamation formulée par les maires désireux d’une plus ample information, un fascicule dit « d’explication du SRCE » leur a été envoyé. Ce document étant épais de 1 000 pages, il est aussi illisible qu’indigeste...
La gestion du projet est à la libre appréciation des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, et des régions. Or, si certaines s’acquittent bien de cette mission, ce n’est pas le cas pour d’autres.
Par ailleurs, les agriculteurs sont déjà fortement engagés dans la protection des corridors écologiques par le biais des mesures agroenvironnementales, les « MAE corridors », prévues dans les contrats agroenvironnementaux. À l’heure où l’on déplore la réduction des terres agricoles et l’inflation des normes environnementales, d’une part, la désertification économique et la baisse des dotations aux communes, d’autre part, l’élaboration de ce schéma apparait hermétique et source de contraintes, donc de dépenses supplémentaires.
Or, lors de sa venue à Laon, dans l’Aisne, voilà une dizaine de jours à peine, à l’occasion du fameux comité interministériel consacré à la ruralité – vous y avez vous-même participé, madame la ministre –, le Premier ministre, suivi de votre collègue ministre de l’agriculture, n’a-t-il pas dit explicitement que l’agriculture était « le pilier du développement rural » ?
N’a-t-il pas dit, au cours d’un entretien accordé au journal local que « la complexité, les tracasseries administratives sont un handicap pour toutes les exploitations agricoles et d’abord pour les plus petites » ?
Je demande donc, madame la ministre, que la protection de la biodiversité ne se traduise pas par un coup d’arrêt aux initiatives locales de développement et qu’elle ne soit pas source de stagnation, voire de déclin économique, d’un territoire rural déjà fortement impacté.