Si je n’ai pas pris la parole dans la discussion générale, pas plus que sur l’article 13 ter, c’est volontairement, pour ne pas répéter plusieurs fois les mêmes choses. Je crois d’ailleurs que, si l’on s’astreignait à ne dire les choses qu’une fois, on gagnerait beaucoup de temps !
Je me crois donc autorisé, maintenant, à prendre le temps de dire pourquoi je pense que ce qui nous est proposé, non seulement n’atteindra pas l’objectif qui est affiché, mais aura des effets contraires et, de plus, représentera des charges extrêmement importantes.
J’ai été dix-huit ans président d’un SDIS. Je le suis toujours, en ma qualité de président du conseil général. C’est donc un sujet que je pense pouvoir traiter en connaissance de cause.
Le département de l’Aube compte 3 500 sapeurs-pompiers volontaires, dont 2 500 dans des corps de première intervention, ou CPI, et 1 000 dans le corps départemental. C’est le premier département de France pour le nombre de sapeurs-pompiers rapporté à la population. Et c’est le département où la rotation des sapeurs-pompiers est la plus faible, donc celui où ils exercent le plus longtemps leur mission.
J’ai entendu ici quantité de choses qui sont complètement inexactes ! Ce texte ne permettra pas d’allonger la durée de la présence des sapeurs-pompiers volontaires ! Ce texte ne suscitera pas plus de vocations ! Ce texte aboutira à l’inverse !
Après Jean Arthuis, je voudrais souligner – je l’ai dit la semaine dernière devant celui qui était alors le ministre du budget – qu’il y a tout de même là une singulière incohérence : on ne cesse de nous dire qu’il faut maîtriser la dépense publique et, toutes les semaines, on nous transmet un texte qui augmente la dépense publique ! Certes, ce n’est pas le budget de l’État qui est sollicité, mais il n’empêche que c’est de la dépense publique !
Cet article est-il vraiment utile ? À qui cette mesure s’adresse-t-elle ? Quel montant de dépenses représente-t-elle ?
Qui peut croire vraiment qu’en majorant la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, on va faire augmenter le flux de nouveaux sapeurs-pompiers volontaires ? Quel prétexte ! C’est à se tordre de rire !
Mais surtout, les montants en cause n’ont rien d’anodin. J’ai fait le calcul pour mon département.
Certes, s’agissant des anciens sapeurs-pompiers volontaires du corps départemental, l’évolution des sommes n’est pas extraordinaire, mais le coût global de l’allocation de vétérance passerait quand même, avec l’adoption de cette disposition, de 89 000 euros à 135 000 euros.
La différence est, en revanche, tout à fait significative pour les anciens sapeurs-pompiers volontaires des corps communaux. Pour les sapeurs-pompiers volontaires partis avant le 1er janvier 1998, le coût de l’allocation de vétérance passerait de 212 000 à 426 000 euros : 100 % d’augmentation de la dépense ! Pour les sapeurs-pompiers volontaires partis après le 1er janvier 1998, le coût passerait de 243 000 à 375 000 euros. Et pour ceux qui, partis avant le 1er janvier 1998, bénéficient du versement de la part variable par leur commune, le coût passerait de 53 000 euros à 84 000 euros.
Je précise que, dans mon département, il y a encore 250 CPI pour 430 communes. Et je vous assure que cela marche extraordinairement bien !
Il se trouve que, dans l’Aube, c’est le SDIS qui paie. Mais qui dit dépense nouvelle pour le SDIS dit intervention du conseil général, lequel n’est pas, normalement, l’employeur des CPI. La commune sera donc libre de choisir si elle accorde ou non l’augmentation, mais c’est le département qui sera éventuellement obligé de payer !
Là où ce sont les communes qui paient, que va-t-il se passer ? C’est tout simple : les CPI seront supprimés !
Alors, je veux bien prendre le pari avec vous, monsieur le secrétaire d'État : si cette disposition est adoptée, au lieu d’avoir plus de sapeurs-pompiers volontaires, vous reviendrez dans quelque temps nous annoncer des diminutions dans leurs rangs, et elles seront bien plus importantes que celles dont vous avez fait état tout à l’heure !
Je vais maintenant vous dire pourquoi on n’arrivera pas non plus, avec ce système, à garder plus longtemps les sapeurs-pompiers volontaires. Aujourd'hui, seuls les sapeurs-pompiers volontaires qui relèvent des CPI restent vingt ans, mais ce ne sont pas eux qui sont le plus engagés dans le service. Ceux qui font partie du corps départemental, vous l’avez dit, ne restent que huit à neuf ans. Autrement dit, aucun n’atteindra le nombre d’années suffisant pour avoir la majoration de retraite. C’est assez dire que cette mécanique est mauvaise.
En 2004, j’avais proposé de donner, par période de cinq ans, des primes d’engagement. Malheureusement, je n’avais pas été suivi. Je renouvelle donc ma suggestion. Celui qui a déjà fait huit ans resterait deux ans de plus pour atteindre dix ans et obtenir une prime d’engagement, et ainsi de suite ; il en irait de même pour atteindre quinze ans.
Ainsi, non seulement les sapeurs-pompiers bénéficieraient d’une véritable reconnaissance financière de leur action, mais nous bénéficierions, nous, d’une durée d’engagement bien plus longue, laquelle permettrait de faire des économies, notamment en matière de formation et d’équipement.
À l’inverse, avec ce dispositif, vous allez provoquer une augmentation de la dépense, et cela pour financer un complément que seuls quelques-uns des sapeurs-pompiers volontaires toucheront !
Je vous le dis, ce texte va coûter très cher aux collectivités locales ! Vous êtes donc en pleine contradiction avec la volonté affichée de pratiquer une politique de maîtrise de la dépense publique.
De surcroît, vous allez réduire de manière drastique le nombre de sapeurs-pompiers volontaires en provoquant la disparition de corps de première intervention et vous n’atteindrez pas l’objectif de garder plus longtemps les sapeurs-pompiers volontaires.
Car croyez-vous que la perspective d’avoir une meilleure retraite au bout de vingt ans fera revenir sur leur décision les sapeurs-pompiers qui arrêtent aujourd'hui au bout de huit ou neuf ans ? Les choses ne se passent pas ainsi ! Pas un seul n’y pense quand il arrête au bout de huit ou de neuf ans !
Si vous voulez avoir plus de sapeurs-pompiers volontaires et les garder plus longtemps, il faut les intéresser autrement, d’une manière plus intelligente, plus concrète.