La prospective apparaît comme une démarche intéressante. Pour autant, Gaston Berger, à l'origine de la discipline, faisait partie, si je ne me trompe, des équipes de hauts fonctionnaires qui étaient dans la mouvance des débuts de l'État français, à Uriage notamment. À l'évidence, il fut loin de partager la même vision prospective que le général de Gaulle, parti à Londres alors que tout semblait perdu... Vous nous parlez de tendances lourdes, de grands axes, vous distinguez le possible du souhaitable. En définitive, vous rejoignez, par des voies sophistiquées, l'un des fondements du discours politique classique, que résume ce mot bien connu de Jaurès : « Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel. ».
Or, bien souvent, on encense l'idéal tout en nous rappelant aux contraintes du réel. Et donc on en reste au possible, on suit la tendance lourde. Le volontarisme, l'ardente obligation d'agir, prônés à l'époque du Plan, ont aujourd'hui complètement disparu. Au prétexte de la mondialisation, de la compétitivité, on ne peut plus faire autrement que d'accepter le réel. Je vois bien l'intérêt qu'il y a à essayer d'avoir des outils pour conduire l'avenir. Mais comment faites-vous pour éviter l'écueil de l'avenir quelque peu préfabriqué par la représentation dominante ?